Crucial pour permettre de relever le niveau de compétitivité des économies africaines en vue d'un meilleur positionnement dans le commerce mondial, le financement des petites et moyennes entreprises (PME) mobilise l'attention à la deuxième édition du forum économique New York Forum Africa qui a lieu à Libreville au Gabon du 14 au 16 juin.
Parmi les quelque 1.600 participants annoncés par le comité d'organisation de ce rendez-vous qui rassemble à la fois des décideurs politiques au rang desquels des chefs d'Etat, des milieux d'affaires jusqu'aux organisations de la société civile, les débats font apparaître le diagnostic d'un climat des affaires peu fiable à la garantie de l'investissement et à l'origine de la frilosité des banques s'agissant de l'octroi des crédits aux PME.
Pour ces entités qui pèsent 90% de l'économie africaine mais peinent à grandir pour sortir de l'informel, c'est la morosité générale et les exemples de réussite sont perçus comme une sorte de miracle.
Au sein de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) par exemple, les chefs d'Etat réunis en sommet extraordinaire vendredi dans la capitale gabonaise après l'ouverture du forum économique ont prescrit à leur banque centrale la mise en place "des produits innovants en matière de financement des MPE et des infrastructures", mais aucun calendrier de l'opérationnalisation de cette mesure n'a été fixé.
Ex-patron d'un grand groupe, Sifca, propriétaire d'une raffinerie d'huile de palme à Abidjan de 1.500 à près de 2.000 tonnes de production par jour, dont il a dû se décharger de ses responsabilités en raison de ses nouvelles fonctions actuelles de ministre du Commerce, de l'Artisanat et de la Promotion des PME, l'Ivoirien Jean-Louis Billon reconnaît que "c'est une bataille quotidienne de faire survivre une entreprise et la faire grandir".
"C'est plus facile de la faire grandir dans un environnement favorable que dans un environnement hostile. On n'apprend pas dans une école de commerce, ou à l'école, ou à l'université comment travailler dans un environnement qui est hostile à l'entreprise, un environnement où il y a la corruption, où vous avez des lourdeurs administratives excessives et qui vous empêche de fonctionner correctement, un environnement où se transporter vite est une difficulté", a-t-il souligné samedi à Xinhua.
La veille déjà, son compatriote Thierry Tanoh, qui a été vice-président de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale dédiée au secteur privé) avant de devenir président directeur général du groupe bancaire panafricain Ecobank, avait relevé les mêmes obstacles qui augmentent les risques de recouvrement des crédits pour les banques, d'où la frilosité manifestée par celles-ci concernant les actions en direction des PME.
D'après M. Tanoh, les systèmes judiciaires corrompus en place dans les pays africains ne sont pas de nature à favoriser l'attrait de l'investissement privé, international et africain. Or, juge-t-il dans le même temps, "les fonds publics ne peuvent plus soutenir la croissance à venir. Il faut l'implication du secteur privé", un secteur privé qui demande donc à être rassuré pour la sécurisation de ses opérations.
"Dans un environnement favorable, l'entreprise vit le renouvellement de ses produits, l'acception ou la non-acceptation par les clients. Donc, c'est toujours une remise en cause permanente. Il ne faudrait pas que l'environnement administratif devienne un frein à l'entreprise", a en outre édicté M. Billon.
Malgré tout, développer une entreprise requiert, de l'avis de l'ex-patron d'entreprise, d'avoir un plan d'action, de bonnes ressources humaines, de "bien connaître son marché, s'adapter à son environnement national et international, être compétitif, se remettre en cause sans arrêt, avoir une éthique irréprochable".
La prise en compte de ces préceptes est une nécessité dans la mesure où, déjà parent pauvre du commerce international où la part du continent dans les exportations est situé à 3,2% du total des échanges, les économies africaines se révèlent davantage fragilisées par ce que l'ex-ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine résume par "une compétition économique (mondiale) avec pas assez de règles".
Avec un déficit chiffré à 50 milliards de dollars chaque année pour le financement des infrastructures, ce continent s'illustre par une dépendance très significative aux produits de base pour lesquels malheureusement les prix sont dictés par les marchés internationaux, a rappelé le ministre gabonais de l'Economie, de l'Emploi et du Développement durable, Luc Oyoubi.
Ceci étant, si pour le président sénégalais Macky Sall "l'Afrique est ouverte à tous les investisseurs, qu'ils soient asiatiques, américains, européens, etc.", son homologue tchadien Idriss Deby Itno insiste pour que ceux qui viennent, s'inscrivent dans une logique de partenariat gagnant-gagnant.
Aussi Macky Sall plaide-t-il pour lutter contre les paradis fiscaux qui, d'après lui, "détruisent les intérêts du continent". Selon les estimations en effet, plus de 170 milliards de dollars s'évaporent chaque année des pays africains à travers les circuits d'évasion fiscale des multinationales.
Entre 10 et 12% à l'heure actuelle du total du commerce du continent, la promotion du commerce intra-africain est encouragée, une opportunité d'ailleurs pour les PME. Mais, il se pose le problème de l'insuffisance des voies de communication.
"Le Congo n'a pas de communications terrestres avec le Gabon. Il n'y a pas de routes, pas de chemin de fer. Je peux dire qu'il n'y a même pas de transport aérien. Avec le Cameroun et la République centrafricaine, c'est la même chose", avoue le président congolais Denis Sassou Nguesso.
Un événement justement dédié à la promotion de l'investissement, Idriss Deby Itno n'hésite pas à saluer la tenue du New York Forum Africa, une initiative du Franco-marocain Richard Attias, comme "une opportunité pour aussi de nous exprimer à notre manière comment nous voyons les choses".
"Bien sûr, on a tenu le pari. On a mobilisé les chefs d'Etat sur la question des jeunes. Je pense qu'ils vont annoncer de très bonnes choses d'ici la fin du forum. Il y a eu l'engouement des chefs d'entreprises du monde entier qui sont venus. Je suis très fier d'avoir encore une fois attiré l'attention sur tous les investisseurs sur le continent africain", s'en est réjoui le promoteur à Xinhua.
Par Raphaël MVOGO