L'Etat tchadien a entrepris, depuis plusieurs années, un vaste projet de développement du réseau de fibre optique pour réduire un fossé numérique très grand. Mais le projet piétine et le gouvernement cherche aujourd'hui des investisseurs pour sa matérialisation.
"L'objectif du gouvernement est de développer le maillage national de la fibre optique du pays avec plusieurs sorties vers les câbles sous-marins (au moins une sortie à l'est par le Soudan, et une autre à l'ouest, par le Nigéria)", déclare Noël Yamta, secrétaire général du ministère des Postes et des Nouvelles technologies de l'information (PNTIC).
Le gouvernement tchadien a engagé, la semaine dernière, avec les acteurs publics et privés du secteur des télécommunications, les opérateurs économiques et les établissements de crédits, une série d'échanges sur les voies et moyens d'établir un partenariat fructueux entre l'Etat et le secteur privé pour développer le réseau de fibre optique.
Le Tchad, vaste pays d'Afrique centrale, est enclavé entre le Soudan à l'est, la Libye au nord, le Niger et le Nigeria à l'ouest, le Cameroun et la République centrafricaine (RCA) au sud.
L'accès à l'internet (géré par deux compagnies de téléphonie mobile étrangère qui détiennent le quasi-monopole depuis le début des années 2000) y est cher et la qualité mauvaise.
Selon M. Noël Yamta, l'Etat tchadien souhaite développer la fibre, principalement, pour donner aux Tchadiens un accès peu coûteux à l'internet à haut débit, fournir aux opérateurs de la téléphonie et aux fournisseurs d'accès, une solution de transfert, fiable et sécurisé, de données aux entreprises, ainsi qu'aux institutions nationales et organisations internationales oeuvrant sur son territoire.
"Le Tchad vise, à travers ce projet qui sera mené en plusieurs étapes, à rattraper le retard qu'il a enregistré vis-à-vis de ses pairs en matière de développement des infrastructures de télécommunications et devenir un hub régional dans ce domaine", explique le secrétaire général du ministère des PNTIC.
La première étape de cet ambitieux projet sera la construction de liaisons vers le Soudan, le Nigeria, le Niger et la RCA dans cet ordre de priorité. Ces travaux devraient être réalisés avant la tenue, mi-2015, du sommet du l'Union africaine à N'Djaména, la capitale tchadienne.
Il s'agira également de connecter au réseau à fibre optique les grands centres urbains du pays, ainsi que les villes à faible concentration de population, pour réduire le fossé numérique qui sépare le Tchad des autres pays du continent et du monde.
"Avec un taux de pénétration d'internet de 1,9% en 2012, le Tchad reste significativement en dessous de la moyenne africaine qui est de 15,6%", déplore le secrétaire général du ministère des PNTIC. La fibre optique, ajoute-t-il, permettra de quadrupler ce taux en cinq ans, pour atteindre à l'horizon 2018, le même niveau de pénétration que le Gabon en 2012, soit 8%.
A l'état actuel, la fibre optique au Tchad est un réseau long de 830 km (de la ville pétrolière de Komé jusqu'à N'Djaména), financé par l'Etat à hauteur de 20 milliards F CFA (40 millions USD). Initialement confiée à SITCOM, une entité privée locale, la gestion de la fibre a été retirée puis confiée, en novembre 2012, à la SOTEL (l'entreprise publique des télécommunications), après que la première ait été rachetée par des investisseurs étrangers.
Mais la SOTEL bat de l'aile et seize mois après sa réception en grande pompe dans la capitale, la fibre optique n'est pas toujours accessible. Et l'espoir que beaucoup de consommateurs ont placé en elle tend à se dissiper.
"En janvier 2013, l'on compte 21 clients (dont 16 non étatiques) pour la commercialisation de la fibre optique. Pour ce qui est des futurs projets, différentes options sont étudiées pour le financement", indique Mahamat Saleh Ibrahim, inspecteur général du ministère des PNTIC. A ce jour, le besoin de financement identifié s'élève à environ 82 milliards F CFA (164 millions USD) pour poser 3.544 km de fibre.
Pour le financement de ce projet d'envergure nationale et déterminant pour son économie, l'Etat tchadien envisage un mode de financement innovant et inclusif devant permettre la création d'une société dont il devrait garder le contrôle, pour des raisons de sécurité nationale et de préservation des intérêts des consommateurs.
"Il appartient aux opérateurs économiques privés tchadiens de prendre une participation dans la société, aux côtés de l'Etat et éventuellement des opérateurs de téléphonie mobile, afin de lever un financement bancaire local auprès d'un établissement de crédit ou d'un syndicat bancaire constitué dans des conditions habituellement observées pour les projets d'infrastructures dans les télécommunications", conclut M. Mahamat Saleh Ibrahim.