Peula D s'est mariée avec un homme riche de la cinquantaine il y a trois ans, alors qu'elle n'avait que 15 ans.
"En 2010, lorsque j'étais encore élève aux cours primaires, mes parents m'avaient donnée en mariage à un riche homme de la cinquantaine d'âge, vivant dans le même village que nous, tout simplement parce qu'il avait aidé financièrement mon père à supporter les charges financières liées aux funérailles de mon grand-père maternel", a confié à Xinhua Mme Paula D, avec un enfant de moins d'un an sous les bras.
Selon Adrien Assogba, enseignant chercheur en sociologue d'une université privée de Cotonou, le phénomène du mariage forcé reste et demeure une pratique des beaux jours dans les villes et campagnes du Bénin malgré l'existence de textes de loi spécifiques incriminant les actes de violences perpétrés sur les femmes et les filles et les efforts fournis par les ONG et autres institutions de défense des droits de la personne.
Le mariage forcé, a-t-il déclaré, constitue non seulement une violence faite aux filles mais aussi une violation majeure des droits humains.
Interrogé par Xinhua, Adrien Assogba a expliqué que les causes du mariage forcé sont multiples et multiformes. "Selon nos recherches auprès des victimes au Bénin, le mariage forcé peut être dû à la pauvreté des parents de la fille, à une amitié profonde entre les deux familles, à une sorte de récompense à l'endroit de la famille du garçon par les membres de la famille de la fille", a-t-il révélé.
Outre ces causes fondamentales, a-t-il poursuivi, l'envie de certains parents d'appartenir à une famille riche par le biais du mari "forcé" de leur fille et certains liens familiaux trop élevés peuvent être soulignés.
Pour cet enseignant-chercheur, les mariages forcés, l'une des violences faites aux filles, est aussi l'une des causes de la grossesse des adolescentes.
"Au Bénin, 42 jeunes femmes sur 100 ont accouché avant l'âge de 20 ans et 6 jeunes filles sur 100 sont devenues mères avant l'âge de 15 ans", a-t-il déploré, précisant que, les causes des grossesses des adolescentes sont notamment liées à la persistance des inégalités, car la plupart des femmes enceintes avant 19 ans se retrouvent parmi les couches les plus vulnérables de la population.
En effet, a-t-il souligné, bien que l'aggravation de la pauvreté soit plus marquée en milieu urbain, elle reste prédominante en milieu rural où près de 40% des individus sont touchés.
"La pauvreté de plus en plus grandissante induisent plusieurs formes de violences, notamment le mariage forcé ou précoce des jeunes filles", a-t-il déploré.
Par ailleurs, a-t-il souligné, la grossesse chez l'adolescente est à la fois une cause et une conséquence de violations de droits.
"Les grossesses précoces chez les jeunes filles de moins de 19 ans engendrent pour la plupart du temps des risques d'avortement, les risques d'abandon du nouveau-né, et la cessation des activités d'éducatives pour celles qui sont inscrites dans les centres de formation", a-t-il souligné.
Adrien Assogba a rappelé que le Bénin avait promulgué une loi en janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes.
Cette loi "constitue un outil d'amélioration du statut de la femme béninoise", a-t-il affirmé, précisant que plusieurs dispositions de cette loi punissent sévèrement tout coupable ou complice d'acte de mariage forcé.
"Toute personne qui se rend coupable ou complice d'un mariage forcé ou arrangé ou concubinage forcé, est punie d'un emprisonnement de un an à trois ans et d'une amende de 500.000 francs à deux millions de francs", stipule cette loi.
Adrien Assogba a souligné la nécessité d'élaborer "un plan d' action qui stipule, entre autres, une application stricte des lois nationales et internationales sur les violences faites aux femmes et un suivi subséquent de ce plan d'action car, il ne suffit plus d'avoir une meilleure législation, pour mettre fin aux violences faites aux femmes mais d'une bonne pratique".