Samedi 26 janvier 2014 semble être un "grand jour" pour les Tunisiens qui ont finalement vu naître à la fois une nouvelle Constitution dans la douleur, certes, mais assez consensuelle pour rassembler autour d'elle les différentes tendances politiques du pays et un nouveau gouvernement à appartenance partisane négligeable.
Preuve en est, l'Assemblée nationale constituante a fini par adopter une nouvelle loi fondamentale depuis l'indépendance en 1956 de la Tunisie avec 200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions.
LA NOUVELLE CONSTITUTION, UNE VICTOIRE FACE A LA DICTATURE ET LE TERRORISME
Les présidents de la République Moncef Marzouki et de l'Assemblée constituante Mustapha Ben Jaafar ainsi que le chef du gouvernement démissionnaire Ali Laarayedh ont assisté lundi à la cérémonie officielle de signature de la Constitution.
Ont également pris part à cette séance exceptionnelle, le nouveau Premier ministre Mahdi Jemaa, les deux derniers chefs de gouvernement tunisiens Béji Caïd Essebsi et Hamadi Jebali outre des personnalités nationales et étrangères.
"Cette journée est une victoire contre la dictature et contre le terrorisme", a souligné le président Marzouki. Il s'agit, a-t-il ajouté, d'une initiative engageant toutes les parties intervenantes dans le cadre d'un "esprit collectif".
"A l'heure actuelle, on n'a pas droit à sous-estimer la valeur stratégique du travail, de la connaissance, de l'éducation", s'est intervenu le chef du gouvernement sortant Ali Laarayedh lors de la cérémonie de signature de la nouvelle Constitution.
D'après M. Laarayedh, "la Tunisie misera encore sur le savoir, la culture et la valeur ajoutée technologique" outre un projet politico-social fondé entre autres sur une identité religieuse "modérée" et un "vivre-ensemble" dans la paix et le respect de la différence.
"J'ai un pressentiment optimise quant à la trajectoire de la Tunisie en cette dernière phrase de la transition démocratique", a dit M. Laarayedh, tout en s'affichant fier d'une "démocratie tunisienne émergente efficace et dynamique".
Ont pris la parole pour féliciter la Tunisie pour la signature officielle de sa nouvelle Constitution notamment le président du Conseil de la Nation d'Algérie Abdelkader Ben Salah, le président du Sénat français Jean-Pierre Bel, le président de la Chambre des représentants au Maroc Karim Ghellab, le président du Parlement arabe ainsi que le vice-président du Parlement portugais.
LE 5E GOUVERNEMENT APRES LA REVOLUTION DU 14 JANVIER 2011
Le jour même de l'approbation de la Constitution dans son intégralité (dimanche), le nouveau chef du gouvernement Mahdi Jemaa - désigné le 10 janvier 2014 suite à un consensus dans le cadre du dialogue national - a présenté officiellement son cabinet composé de 21 ministres et 7 secrétaires d'Etat.
Indépendante et apolitique conformément à la feuille de route du dialogue national, la nouvelle équipe gouvernementale compte trois femmes dont deux ministres et une secrétaire d'Etat aux affaires de la Femme. Pour la première fois depuis longtemps, le gouvernement tunisien comporte un ministre délégué chargé de la sécurité nationale.
Le seul ministre reconduit au sein du nouveau cabinet est Lotfi Ben Jedou (Intérieur). Agé de 50 ans, M. Ben Jedou est un juriste de formation. Désigné ministre de l'Intérieur en mars 2013, il était jusqu'au 2011 procureur de la République.
A la tête de la nouvelle diplomatie tunisienne, M. Mongi Hamed (55 ans) détient un doctorat d'ingénieur à l'université de Californie du Sud en 1988 et diplômé de l'université de Harvard (1996). Diplomate expérimenté, M. Hamed détient plus de 25 ans de carrière en tant que haut fonctionnaire des Nations Unies.
Aux rênes du troisième ministère de Souveraineté (Défense nationale), Ghazi Jéribi (59 ans) a rejoint le Tribunal administratif tunisien en 1984 après des études en droit public à Paris. Avec grade de ministre, M. Jéribi exerçait depuis 2011 en tant que président du Haut comité du contrôle administratif et financier.
"Conscient de l'ampleur des défis actuels, ce cabinet apolitique se veut une équipe extraordinaire et cohérent dans l'attente de son approbation par l'Assemblée constituante", a estimé le nouveau chef du gouvernement Mahdi Jemaa en présentant dimanche son cabinet.
DES RESERVES SUR LA COMPOSITION GOUVERNEMENTALE
Un jour après sa présentation officielle, le nouveau gouvernement tunisien a été commenté par certains politiciens, dirigeants de partis politiques tunisiens.
Le directeur du bureau politique d'Ennahdha, Ameur Laarayedh, a déclaré que son parti soutiendra le nouveau cabinet et qu'"il n'est pas contre le principe de fusion des ministères à condition de préserver les dossiers prioritaires notamment la justice transitionnelle".
Du côté de l'opposition, le secrétaire général du Parti des Patriotes démocrates unifié (parti de l'opposant assassiné Chokri Belaïd), Zied Lakhdar, a confirmé que son parti n'appuiera pas le gouvernement de Jemaa qui, selon lui, "s'est soumis à l'influence du parti Ennahdha et ses alliés".
Mahdi Jemaa, a ajouté M. Lakhdar, "n'a pas répondu à l'appel des partis visés par la violence et les assassinats", faisant allusion au maintien au sein du nouveau staff gouvernemental du ministre de l'Intérieur sortant Lotfi Ben Jedou.
Par ailleurs, deux ministres dont un ministre délégué auprès du Premier ministre au sein du nouveau gouvernement ont été controversées par le Parti républicain (centre-social de l'opposition).
Tout l'intérêt sera ainsi focalisé sur la déclaration gouvernementale de Mahdi Jemaa qui devrait (selon nos sources) la présenter ce mardi l'Assemblée constituante, avant quoi les élus du peuple tunisien voteront la confiance sur la nouvelle composition.
Le Parti républicain a déjà annoncé que sa position définitive sera dévoilée après la présentation du programme du gouvernement. Cependant, l'"Alliance démocratique" (parti opposant représenté à l'Assemblée) vient d'avouer que M. Jemaa "a respecté, dans son programme les clauses de la feuille de route", comme prononcé par Mahmoud Baroudi.
Député de l'Alliance démocratique, M. Baroudi a affirmé que son parti sera aux côtés du nouveau Premier ministre vu les compétences qu'il a sélectionné, "pour aider le pays à sortir de la crise politique et économique".
PREMICES D'UN SOULAGEMENT ECONOMIQUE ET FINANCIER
Au volet économique, "la mise en place d'un nouveau gouvernement consensuel semble avoir donné ses fruits", a confié à Xinhua le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari.
L'approbation de la nouvelle Constitution et la composition d'un nouveau gouvernement "aura des impacts probants sur le double plan régional et international (FMI, Banque Mondiale, etc), a encore estimé M. Ayari.
Cette transformation politique, a-t-il insisté, "stimulera un choc positif" d'autant plus qu'elle a déjà engendré un relatif changement dans la perception du modèle économique tunisien.
En effet, le patron de la BCT s'est affiché persuadé que de nouvelles chances apparaissent pour la Tunisie au niveau du financement étranger. Il a révélé à Xinhua que le FMI (Fonds Monétaire International) devrait examiner mercredi 29 janvier courant un projet portant sur l'octroi à la Tunisie d'une enveloppe de 500 millions USD.
Mieux encore, le responsable tunisien a annoncé que l'Union européenne (UE) projette injecter en Tunisie 250 millions d'euros. Un don qui sera tributaire d'un feu vert émanant du FMI.
Trois ans après avoir renversé un régime de 23 ans conduit par le président déchu Ben Ali, Les Tunisiens ont faire preuve de passion et d'endurance vu l'ampleur des handicaps ayant amorti leur processus de transition.
Une nouvelle page d'espérance s'ouvre ainsi devant le peuple tunisien tout comme en est le cas pour toute la région, comme déduit d'une déclaration du président du Sénat français Jean-Pierre Bel, invité du président de la Constituante tunisienne Mustapha Ben Jaafar à la signature de la Constitution.
L'approbation de cette dernière Constitution, aux yeux du président français François Hollande, une étape vers l'aboutissement de la transition d'autant plus que cette loi fondamentale tunisienne "pose les bases d'une démocratie respectueuse des droits et des libertés de tous les citoyens".
Après avoir paraphé la nouvelle Constitution, composé un nouveau gouvernement indépendant et apolitique, l'Assemblée constituante se penchera dans l'élaboration d'un code électoral qui sera le carburant de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), déjà votée et structurée.
Les prochaines élections générales (présidentielle et législatives) tunisiennes devraient se tenir, selon le président de l'ISIE Chafik Sarsar, avant 2015.