La région africaine la moins dotée en infrastructures et par conséquent la moins économiquement intégrée, l'Afrique centrale a réussi à mobiliser 7,7 millions de dollars de financements pour 23 transactions conclues entre 2003 et 2013, dont seulement 4% en faveur des infrastructures, selon une étude de la Banque mondiale restituée lors d'une conférence lundi à Yaoundé.
A l'initiative du Fonds monétaire international (FMI), une conférence régionale sous le thème « financer le futur : développer les infrastructures en Afrique centrale » se tient lundi dans la capitale camerounaise, avec la participation des représentants des dix pays membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), des financiers et d'autres parties prenantes.
De l'avis d'Arnaud Dornel, spécialiste principal du secteur financier à la Banque mondiale, un des intervenants à cette rencontre, 21 pays d'Afrique subsaharienne ont conclu un total de 159 accords de financement de projets au cours des dix dernières années pour un montant global de 59 milliards de dollars.
« Cela représente, a résumé l'expert, une très petite part du marché mondial du financement de projets : sur la période 2003- 2013 plus de 5.000 projets ont été conclus dans le monde, pour une dette totale de 2.000 milliards de dollars. L'Afrique subsaharienne n'en représentait que 3%. »
En tête du classement, le Nigeria pour 17 milliards de dollars de financements, puis le Ghana (11 milliards), l'Afrique du Sud (10 milliards) et l'Angola (4 milliards) représentaient à eux quatre 70% du total de cette partie du continent, grâce à quelques grosses transactions à l'exemple du champ pétrolier Jubilee au Ghana, précise Dornel.
Dans la zone CEEAC composée de l'Angola, du Burundi, du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale, de la Ré publique centrafricaine (RCA), de la République démocratique du Congo (RDC), de Sao Tomé & Principe et du Tchad, l'étude de la Banque recense 23 transactions pour un total de 7,7 milliards de dollars, soit 14% du total pour l'Afrique subsaharienne.
Dominés par les industries extractives pour un montant de 7,4 milliards de dollars (96%), ces financements représentent une portion congrue de 4% pour les infrastructures, soit 0,3 milliard de dollars dont 10 projets le seul Angola uniquement dans le domaine du pétrole et du gaz.
Sur les 23 projets, seuls quatre se rapportent aux infrastructures, dont deux opérations dans le secteur des télé communications au Cameroun et en RDC pour un montant total de 166 millions de dollars, une opération dans le secteur de l'énergie, précisément la centrale à gaz de Kribi au Cameroun pour 132 millions de dollars, et enfin un investissement de 119 millions de dollars dans l'agrobusiness au Gabon.
Evalués à 93 milliards de dollars par an (15% du PIB) au cours des dix prochaines années, les besoins en infrastructures sont pourtant énormes et cruciaux pour le décollage socioéconomique de l'Afrique subsaharienne, a relevé dans son allocution d'ouverture de la conférence le ministre camerounais des Finances Alamine Ousmane Mey.
A ce jour, a remarqué le ministre, moins de la moitié de ces financements requis est disponible et le continent noir accuse un déficit de 50 milliards de dollars à combler par an, d'où la faible compétitivité des économies africaines.
Le plus grand défi, d'après lui, réside dans l'accès à l'énergie, car, « une trentaine de pays sont régulièrement confrontés au problème de pénuries d'électricité ». A commencer par le Nigeria, paradoxalement le premier producteur africain de pétrole, ou encore le Cameroun, première économie de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC).
Directrice adjointe du département Afrique du FMI, Anne-Marie Gulde-Wolf suggère une mise à niveau des infrastructures afin d' impulser un nouvel élan au développement de cette Afrique subsaharienne dont les performances économiques remarquables de plus de 5% de croissance du PIB en moyenne observées au cours des dix années écoulées étaient portées principalement par les recettes pétrolières.
Mme Gulde-Wolf encourage notamment à investir dans la production de l'électricité et l'accès à l'eau potable puis aux services d'assainissement, jugés comme deux secteurs névralgiques de nature à augmenter la productivité des entreprises pour le premier et d'améliorer la santé des populations puis de permettre leur participation au développement économique de leurs pays pour le second.
D'une durée d'un jour, la conférence de Yaoundé est organisée en prélude à rendez-vous plus important à l'échelle continentale, prévu les 29 et 30 mai à Maputo au Mozambique sous le thème « Africa Rising », toujours sous l'instigation du FMI.
Alamine Ousmane Mey a préconisé d'élaborer des stratégies nouvelles de financement et d'adopter des cadres de gestion de la dette, afin d'éviter le surendettement. Il a plaidé pour la promotion de l'intégration régionale pour réaliser des économies d'échelle face aux coûts élevés des financements des infrastructures.
Par Raphaël MVOGO