A la veille du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, Jean-Pierre Raffarin, vice-président du Sénat et ancien Premier ministre français, a accordé une interview exclusive à China.org au Palais du Luxembourg à Paris.
La Chine a deux qualités très importantes dans ma vie
De son premier contact avec la Chine en 1971, M. Raffarin garde l'impression d'un pays inaccessible, un pays vers lequel on voyait « les gens partir dans la brume ». Pour l'ancien Premier ministre, « c'était mystérieux, on sentait qu'il y avait beaucoup de gens, on sentait l'influence forte du peuple chinois, mais on ne le voyait pas ».
C'est en 1976, lors de son premier voyage en Chine, que M. Raffarin a vraiment fait connaissance avec le pays. Selon lui, la Chine a deux qualités très importantes.
« La première, c'est une qualité humaine. J'ai beaucoup d'amis en Chine. Bien que je ne parle pas chinois, je comprends très bien les Chinois dans leur regard et dans leur comportement, dans leur communication non verbale », a-t-il déclaré.
« Et puis, je pense que la pensée chinoise est une pensée moderne. Je pense que cette pensée paradoxale, de l'équilibre, des contraires, est au fond une pensée de la sensibilité, de la nuance, et une pensée aujourd'hui positive parce qu'elle se partage », a expliqué M. Raffarin.
Il a ainsi illustré ses propos : « en Chine, avec les principes du yin et du yang, on reste toujours dans l'équilibre entre deux forces : le bien et le mal, le positif et le négatif, etc. Et tout ceci fait qu'aujourd'hui, la pensée chinoise est un exercice intellectuel moderne appliqué à la complexité des temps ».
Le général de Gaulle ne voulait pas juger la Chine, mais ouvrir le dialogue avec elle
M. Raffarin estime que le général de Gaulle est au fond encore très présent dans la vie politique et culturelle française. « Il avait de grandes idées et avait notamment cet attachement à l'indépendance nationale, au respect des nations. Il voulait que la France soit respectée, et pour qu'elle soit respectée, il fallait qu'elle respecte les autres », a-t-il déclaré.
Selon le vice-président du Sénat, c'est pour cela qu'il y a 50 ans, le général de Gaulle a décidé que la France devait reconnaître la République populaire de Chine, plaçant ainsi la France dans un rôle de pionnier. « Il l'a fait parce qu'il respectait l'indépendance nationale de la Chine et qu'il ne voulait pas juger la Chine mais ouvrir le dialogue avec elle », estime M. Raffarin.
Les relations franco-chinoises sont des relations très stratégiques
Aux yeux de Jean-Pierre Raffarin, les relations franco-chinoises sont des relations très stratégiques. « Parce que nous sommes de vieilles civilisations, sur le fond des choses on a beaucoup à apprendre ensemble. Nous avons une fertilité culturelle. Et nous avons également des besoins économiques, c'est pourquoi la relation franco-chinoise doit énormément progresser sur ce plan ».
« Donc, la culture et l'économie doivent nous aider à progresser encore dans les échanges. Mais ce qui sera sans doute le plus important dans la coopération franco-chinoise, c'est notre vision commune du monde et notre action politique au niveau de la planète. Cette vision est celle d'un monde multipolaire, d'un monde continental dans lequel on peut chercher l'équilibre des forces, plutôt que la domination d'une force sur les autres», a-t-il souligné.
« Je pense que sous de mandat de M. Xi Jinping et de M. Hollande, les relations entre la France et la Chine vont rester en bonne voie. Je crois que la qualité des contacts lors de la visite d'Etat de M. Hollande a été telle que les communications sont établies », a déclaré M. Raffarin.
Le rêve chinois, c'est un rêve de réussite partagée avec le peuple
M. Raffarin s'est également exprimé au sujet des reformes menées par la Chine : « M. Xi Jinping a une attitude ouverte, il est attentif à ce que dit la société civile chinoise, comme le montrent les luttes qu'il a engagées contre la corruption, pour l'efficacité de l'action publique ».
« Sur le plan économique, on voit que la Chine est un pays qui connait des problèmes de pollution, et qui en même temps investit énormément dans la lutte contre la pollution et les nouvelles technologies ».
« Ces réformes poursuivent les orientations de la politique de réforme et d'ouverture, avec en plus une certaine proximité avec la société chinoise. C'est comme ça que j'interprète le rêve chinois : c'est un rêve de réussite partagée avec le peuple chinois », a-t-il conclu.
La Chine est un compagnon de très longue route pour la France
Ambassadeur dévoué des relations entre la Chine et la France, Jean-Pierre Raffarin se rend en Chine plusieurs fois par an. Il a même ouvert un compte Weibo, le Twitter chinois, pour une communication plus rapide, plus interactive et plus adaptée à la vie moderne.
Selon M. Raffarin, Weibo, permet d'échanger de façon plus rapide, nerveuse et dynamiques, et également plus facile à intégrer dans un emploi du temps très chargé.
« Pour moi, la Chine est le compagnon d'une très longue route, qui est au fond un peu une route d'éternité, car on ne possède jamais la Chine, on ne la connait jamais complètement. Donc c'est un travail éternel, mais au fond les plus belles amitiés sont celles qui sont éternelles », a-t-il déclaré.