« Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine ! Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine… » écrivait Victor Hugo, évoquant l'ultime bataille de Napoléon le 18 juin 1815, qui le vit défait avant d'être envoyé vers un exil d'où il ne reviendrait jamais mais ou allait commencer une nouvelle légende. Ce jour-là, la Grande Armée affronta une coalition formée d'Anglais, de Prussiens et de Néerlandais, et qui se déroula sur le sol belge. C'est pour commémorer cet anniversaire si douloureux encore chez de nombreux Français que la Belgique avait décidé de frapper une nouvelle pièce de 2 Euros.
Sauf qu'à Paris, l'idée n'a pas du tout plu, et la France et la Belgique sont passées à deux doigts de l'incident diplomatique. Toute l'affaire s'est passée dans l'ombre et les coulisses des commissions et autres directions européennes... et cette fois, c'est la France qui l'a emporté. Victoire mais pas triomphe : pas très à l'aise, la diplomatie française a tout fait pour régler cette affaire le plus discrètement possible, car de toute façon, la France sait qu'elle ne pourra pas empêcher la commémoration cette bataille. N'empêche, l'idée que des Français se retrouvent avec une telle pièce dans leur porte-monnaie ne lui plaisait pas du tout. Impensable, même. « Il est vrai que nous n'étions pas spécialement enthousiastes », a confié dans un langage tout en rondeurs un diplomate au Monde.
La Belgique avait pris l'initiative de frapper cette édition spéciale de la pièce de 2 Euros rappelant ce funeste événement pour l'armée française. On devait y voir était un lion contemplant une plaine au sommet d'une butte, référence au monument qui célèbre la victoire des monarchies contre Napoléon. Difficilement acceptable pour la France, même à 200 ans de distance. Finalement, l'affaire a été réglée au sein du sous-comité des pièces qui dépend des directeurs du trésor des pays membres de la zone Euro. Craignant de voir l'affaire éclater au grand jour, la Belgique n'a pas essayé de poursuivre le projet. La France a gentiment, mais fermement, fait valoir à son voisin qu'elle pouvait exiger un vote des ministres des Finances de la zone Euro contre la sortie de cette pièce de 2 Euros.
Pour Johan Van Overtveldt, le ministre belge des Finances, Flamand et nationaliste qui plus est, cette « erreur » qui va lui coûter cher. Déjà financièrement, car il avait déjà bien imprudemment lancé la production et se retrouve désormais avec 180 000 pièces de 2 Euros à mettre au rebut, mais que les collectionneurs s'arracheraient sans doute. La perte pourrait atteindre pas moins d'1,5 million d'Euros pour la Monnaie Royale belge. Nul doute que la Belgique doit actuellement aussi regretter que le Royaume-Uni ne fasse pas partie de la zone Euro, car il ne fait alors guère de doute que l'ancien ennemi mortel de l'Empereur lui aurait apporté un soutien de poids…