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ZOOM AFRIQUE : Face au "bâton tarifaire" américain, l'Afrique doit se diriger vers un nouveau paradigme économique

Xinhua 21.04.2025 08h19
ZOOM AFRIQUE : Face au
Le président américain Donald Trump montre un décret sur "les droits de douane réciproques" dans la roseraie de la Maison Blanche à Washington, aux Etats-Unis, le 2 avril 2025. (Xinhua/Hu Yousong)

Le président américain Donald Trump a récemment bouleversé l'ordre économique international en imposant des droits de douane à un grand nombre de pays dans le monde entier, dont de nombreuses économies africaines. Malgré la dernière volte-face de Washington d'accorder un sursis de 90 jours pour la majorité des pays concernés, on s'attend à ce que le processus tarifaire ne soit pas annulé, mais plutôt mis en pause.

Dans ce contexte, la Loi sur la croissance et l'opportunité de l'Afrique (Africa Growth and Opportunity Act, AGOA), qui a été lancée en 2000 et devrait expirer en septembre cette année, a vu la perspective de son renouvellement assombrie. A cet effet, les économistes et les experts estiment que le Sud global devrait renforcer l'auto-développement et la coopération Sud-Sud afin de contrer le protectionnisme et l'unilatéralisme des Etats-Unis.

L'AVENIR INCERTAIN DE l'AGOA

L'imposition par le gouvernement américain de droits de douane élevés aux pays africains rend plus imprévisible que jamais l'avenir de l'AGOA, une initiative destinée à aider les économies africaines à se développer grâce à un accès préférentiel aux marchés américains, selon des économistes.

Michelle Josée Ekila, économiste camerounaise, a indiqué que la loi devrait en principe être renouvelée cette année, mais son avenir serait incertain. Cela peut être à l'origine d'une restriction des échanges et d'une augmentation des prix des biens et des services.

Depuis plus de deux décennies, une trentaine de pays africains bénéficient de l'AGOA, qui leur permet d'exporter un large éventail de produits vers les Etats-Unis sans droits de douane. Pourtant, il semble que cet accord soit sur le point de mourir avant son 25e anniversaire.

Les pays africains souhaitent une prolongation de dix ans de l'accord, mais les économistes affirment que les politiques protectionnistes de l'administration Trump rendent le renouvellement de l'AGOA illusoire.

Pire encore, les nouveaux tarifs douaniers ont accru le risque que l'AGOA soit supprimée avant même son expiration, à moins que la région ne présente de solides atouts pour la maintenir en place. "Les droits de douane américains annulent effectivement l'AGOA", a indiqué Daniel Silke, directeur du cabinet Political Futures Consultancy.

PREJUDICES POUR LES ECONOMIES AFRICAINES

Début avril, le gouvernement américain a dévoilé des nouveaux droits de douane pour beaucoup de pays. Plusieurs pays africains ont été frappés par des droits de douane parmi les plus élevés annoncés par la Maison Blanche, notamment des prélèvements allant jusqu'à 50% sur les marchandises du Lesotho, 47% pour Madagascar, 40% pour l'île Maurice, 37% pour le Botswana et 30% pour l'Afrique du Sud.

Robert Kahn, directeur général de la macroéconomie mondiale du cabinet de conseil Eurasia Group, a convenu qu'il a produit "un grand nombre de chiffres absurdes qui ne sont pas significatifs".

Encerclé par l'Afrique du Sud, le Lesotho est une nation montagneuse, qui compte environ deux millions d'habitants. Il applique des droits de douane de 99% sur les produits américains, selon le gouvernement de M. Trump. Oxford Economics, le cabinet de conseil, a indiqué que le secteur textile employait environ 40.000 personnes.

"Les droits de douane réciproques de 50% introduits par le gouvernement américain vont tuer le secteur du textile et de l'habillement au Lesotho", a déclaré Thabo Qhesi, analyste économique indépendant basé à Maseru. "Ensuite, il y a les détaillants qui vendent de la nourriture. Il y a aussi les propriétaires de logements qui louent des maisons pour les travailleurs. Cela signifie que si la fermeture d'usines devait se produire, l'industrie va mourir et il y aura des effets multiplicateurs."

A long terme, l'impact indirect dû aux désordres commerciaux, à la guerre commerciale mondiale et à la fermeture des marchés en Occident pourrait poser d'énormes problèmes aux économies africaines dont les exportations constituent la principale source de richesse et de devises, selon Célestin Monga, économiste camerounais et ancien vice-président de la Banque africaine de développement. "Car un ralentissement de la croissance mondiale implique une baisse de la demande de pétrole et d'autres matières premières et donc une baisse des prix de l'or noir et de nos autres produits non transformés."

NECESSITE ACCRUE DE L'AUTO-DEVELOPPEMENT ET DE LA COOPERATION SUD-SUD

Selon M. Monga, les pays africains doivent créer des banques de développement nationales en mobilisant des financements publics, privés et institutionnels pour financer la construction de parcs industriels spécialisés dans la production et la transformation locales de biens et services vendus sur les nouveaux marchés où le Made in Africa répondant aux standards internationaux est le bienvenu.

Mme Ekila a indiqué que "les pays africains pourraient envisager de diversifier leurs marchés d'exportation pour réduire leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis". "Explorer des accords commerciaux avec d'autres régions, comme l'Union européenne ou l'Asie, pourrait compenser les pertes dues aux nouveaux tarifs", a-t-elle ajouté.

Une coopération Sud-Sud renforcée est essentielle pour relever les défis pressants d'un monde en mutation rapide, a déclaré Nkolo Foé, ancien professeur de l'Université de Yaoundé I. "Les mesures que Donald Trump a prises impactent directement le Sud global et ces mesures sont de nature à déstabiliser l'ordre international et à perturber la coexistence pacifique. Les pays du Sud global, et particulièrement l'Afrique, sont en train de se réveiller."

Selon Humphrey Moshi, directeur du Centre d'études chinoises de l'Université de Dar es Salaam, l'Afrique doit adopter une approche stratégique et proactive face à l'évolution de la situation mondiale. Plutôt que de rattraper le temps perdu, les pays du continent devraient investir dans la résilience, l'intégration régionale et les partenariats intelligents.

"Les Etats-Unis peuvent essayer de créer des perturbations, mais la coopération, et non la confrontation, est ce qui soutient le développement", a-t-il observé. "Pour le Sud global, en particulier l'Afrique, il y a là une occasion de repenser les partenariats, de renforcer les liens régionaux et de s'engager sur un pied d'égalité avec les puissances émergentes comme la Chine."

Photo aérienne prise le 27 août 2024 montrant le pont Nelson Mandela à Johannesburg, en Afrique du Sud. (Xinhua/Shiraaz Mohamed)
Un client fait des courses dans un magasin Target à Rosemead, dans le comté de Los Angeles, en Californie, aux Etats-Unis, le 4 mars 2025. (Xinhua/Zeng Hui)
(Web editor: 孙鸿宇, Yishuang Liu)

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