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Production pétrolière et gazière à double sortie, le Sénégal ambitionne une économie diversifiée
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Une photo aérienne prise par un drone le 12 janvier 2025 montre une vue de la station balnéaire de Saly, à environ 80 km au sud de Dakar, au Sénégal. (Xinhua/Si Yuan) |
Le ministère sénégalais de l'Energie, du Pétrole et des Mines a annoncé en février dernier que le premier champ pétrolier du pays devrait produire plus de 30 millions de barils de brut cette année. Par ailleurs, le champ gazier offshore que le Sénégal partage avec la Mauritanie a commencé à produire du gaz naturel au début de l'année.
Appuyée par cette dynamique, la croissance du pays pourrait atteindre 8,4% en 2025, selon les prévisions en avril du Fonds monétaire international (FMI). Le gouvernement sénégalais espère utiliser l'exploitation des énergies fossiles comme levier de transformation économique et moteur de diversification.
En parcourant le centre-ville de Dakar, on peut voir des travaux routiers et des infrastructures en pleine effervescence. En tant que l'un des pays les moins developpés, le Sénégal s'efforce de se débarrasser de l'image d'un pays agricole arriéré.
Ces dernières années, le Sénégal, qui s'appuie traditionnellement sur quatre grands secteurs, à savoir la pêche, l'arachide, les phosphates et le tourisme, a misé sur un environnement favorable aux affaires pour attirer d'importants investissements nationaux et étrangers. Grâce aux efforts du gouvernement dans les infrastructures, l'éducation et la stabilité sociale, le pays a enregistré une croissance économique de 6% l'an dernier.
Mis en production en juin dernier, le champ pétrolier de Sangomar marque l'entrée officielle du Sénégal dans le cercle des pays producteurs de pétrole. Situé à environ 100 km à l'ouest de Dakar, ce champ renferme des réserves prouvées de 630 millions de barils et est exploité en partenariat par la société australienne Woodside Energy et la compagnie pétrolière nationale sénégalaise PETROSEN.
Le ministère sénégalais de l'Energie, du Pétrole et des Mines a indiqué que la production de brut du champ de Sangomar avait atteint 3,11 millions de barils en janvier, dont environ 2,89 millions ont été exportés et vendus sur le marché international. L'objectif est de maintenir une production stable de 100.000 barils par jour sur l'ensemble de l'année.
En parallèle, un autre jalon clé a été franchi : la première phase du projet du champ gazier offshore Grand Tortue Ahmeyim (GTA), situé à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie, a commencé à produire du gaz naturel en janvier. Selon l'hebdomadaire français Jeune Afrique, ce gisement contiendrait environ 700 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
Les premières estimations indiquent que ces deux projets pourraient générer un revenu annuel moyen de 700 milliards de francs CFA (environ 1,2 milliard de dollars) sur les 30 prochaines années. L'extraction et l'exportation des hydrocarbures devraient également stimuler les industries connexes telles que la pétrochimie, la chimie et le transport.
EVITER LA "MALEDICTION DU PETROLE"
Depuis sa création dans les années 1960, la Société africaine de raffinage (SAR), située en périphérie de Dakar, s'est principalement concentrée sur le raffinage du brut importé du Nigeria et de la Libye. Cependant, le pétrole extrait au Sénégal est raffiné aux Pays-Bas et en Allemagne. Pourquoi cette raffinerie sénégalaise ne traite-t-elle pas directement le brut produit localement ?
En réalité, le Sénégal accuse un retard technologique de plusieurs décennies par rapport aux pays développés dans le domaine du raffinage. Fin 2023, sa capacité de raffinage est passée de 1,2 million à 1,5 million de tonnes par an, un chiffre encore bien inférieur à la production attendue de plus de 4 millions de tonnes de brut du champ de Sangomar.
Pour combler cet écart, le Sénégal poursuit le projet SAR 2.0 pour améliorer encore les capacités de raffinage. Mamadou Abib Diop, directeur général de la SAR, l'a assuré : "D'ici 2030, notre capacité atteindra 5 millions de tonnes par an, de quoi couvrir la demande nationale".
Une avancée majeure a récemment été réalisée : le 13 février, la SAR a dit avoir raffiné avec succès le premier lot de brut extrait du champ de Sangomar, produisant 90.000 tonnes de produits dérivés, dont du diesel, du kérosène, de l'essence et du butane.
Ce tournant marque la première transformation locale du pétrole sénégalais et un pas de plus vers l'intégration complète de la chaîne industrielle pétrolière du pays.
Au-delà du renforcement de l'industrie pétrolière, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a affirmé que les revenus pétroliers serviront à diversifier l'économie et à éviter le piège de la "malédiction du pétrole". "Notre stratégie consiste à utiliser ces ressources comme levier pour développer d'autres secteurs, notamment le numérique, la formation professionnelle, l'agriculture et la pêche", a-t-il déclaré.
M. Faye a mis en garde contre les erreurs commises par certains pays producteurs, où l'essor pétrolier n'a pas été accompagné d'une gestion équilibrée et durable. "Certains pays ont sombré dans la dépendance à la rente pétrolière, se reposant sur cette manne illusoire. Mais lorsqu'une crise pétrolière survient, leurs économies s'effondrent", a-t-il souligné.
L'économiste sénégalais Papa Daouda Diene rappelle que si les revenus pétroliers amélioreront les perspectives économiques à court et moyen terme, leur impact sur la structure économique du pays doit être relativisé. Actuellement, l'industrie pétrolière représente moins de 5% du PIB sénégalais.