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ZOOM AFRIQUE : Le chantage migratoire de Washington suscite un tollé en Afrique

Xinhua 17.07.2025 08h39
ZOOM AFRIQUE : Le chantage migratoire de Washington suscite un tollé en Afrique
Des manifestants se rassemblent lors d'une manifestation devant la Maison Blanche à Washington, aux Etats-Unis, le 19 avril 2025. (Xinhua/Hu Yousong)

Depuis le début de l'année, les Etats-Unis ont durci leur politique en matière d'immigration illégale. En parallèle des expulsions massives de personnes en situation irrégulière, l'administration de Donald Trump a intensifié ses efforts pour contraindre plusieurs pays africains à accueillir sur leur sol les personnes expulsées, en particulier lorsque les pays d'origine tardent à les reprendre ou refusent de coopérer.

Lors du mini-sommet organisé la semaine dernière par les Etats-Unis avec cinq pays africains (Gabon, Guinée-Bissau, Liberia, Mauritanie et Sénégal), Washington a exercé de fortes pressions pour obtenir leur soutien à cette démarche, suscitant de vives critiques à travers le continent africain.

La stratégie de Washington consiste, entre autres, à rediriger certains immigrés vers des "pays tiers" en Afrique, une solution que l'administration Trump présente comme temporaire, mais que de nombreux observateurs jugent problématique sur le plan éthique et diplomatique.

Début juillet, le Soudan du Sud a accepté huit immigrés expulsés des Etats-Unis, devenant ainsi le seul pays africain à avoir donné suite à cette initiative américaine. Selon plusieurs sources concordantes, ces individus avaient été condamnés pour des crimes tels que le meurtre et le vol et un seul d'entre eux était réellement originaire du Soudan du Sud.

"Le Soudan du Sud n'est pas un dépotoir pour les criminels", a fermement déclaré Edmund Yakani, une figure éminente de la société civile sud-soudanaise.

INDIGNATION SUR LE CONTINENT

Pour l'heure, les cinq pays invités à la Maison Blanche n'ont pas encore officiellement répondu aux sollicitations américaines, bien que des discussions soient en cours.

Le Nigeria, de son côté, a adopté une position ferme. Jeudi dernier, son chef de la diplomatie, Yusuf Tuggar, a dénoncé les pressions "considérables" exercées par Washington. Il a souligné que son pays, avec une population de plus de 200 millions d'habitants et confronté à de multiples défis internes, n'était pas en mesure d'accueillir des étrangers expulsés, surtout ceux ayant des antécédents criminels potentiels.

Sheriff Ghali Ibrahim, directeur du département des sciences politiques à l'Université d'Abuja, a qualifié de "dictature" et de "tyrannie" la décision américaine. Et de s'interroger : "Pourquoi les Africains devraient-ils accepter des criminels alors qu'ils luttent déjà contre le terrorisme et les insurrections dans leurs pays ?"

Il a dit voir une logique néocoloniale dans les agissements de Washington. "Comment réagirait (Donald) Trump si les pays africains envoyaient leurs criminels aux Etats-Unis ?" Pour lui, cette initiative vise à "assainir" les Etats-Unis tout en exportant l'insécurité vers d'autres pays. Washington montre aux Africains "qu'ils n'ont aucune valeur, qu'ils sont réduits à un dépotoir pour les criminels élevés aux Etats-Unis", a-t-il dénoncé.

Même ton du côté de Bacar Camara, directeur général de la radio Djumbay en Guinée-Bissau. "Je trouve que cette intention de l'administration Trump est une insulte envers l'Afrique. Ces immigrants expulsés représentent non seulement d'énormes risques de criminalité, mais aussi un choc culturel susceptible de créer des conflits sociaux. Il est temps que l'Afrique se lève et défende ses intérêts".

MENACE DE REPRESAILLES ECONOMIQUES ET DIPLOMATIQUES

Face à la résistance de plusieurs pays africains, la Maison Blanche pourrait répondre par des représailles économiques et diplomatiques, selon certains experts.

Pour Cheikh Tidiane Ndiaye, ancien rédacteur en chef de l'Agence de presse sénégalaise, Washington est "en train de tester la maniabilité de certains pays africains pour savoir jusqu'où peut aller leur allégeance vis-à-vis des Etats-Unis". Il a averti qu'en cas de refus des présidents africains, Washington "pourrait brandir l'arme de sanctions économiques via ses incessants droits de douane".

Cette hypothèse semble déjà se concrétiser. Mardi, le président américain a annoncé qu'il prévoyait d'imposer des droits de douane de plus de 10% aux pays plus petits, notamment ceux d'Afrique et des Caraïbes.

M. Tuggar a également évoqué de possibles liens entre cette pression américaine et les récents changements de politique des Etats-Unis à l'égard du Nigeria. Il a notamment cité, outre l'imposition de nouveaux droits de douane de 10% sur les produits nigérians, la réduction de la durée de validité des visas à entrée unique, désormais limitée à trois mois pour les ressortissants nigérians.

Par ailleurs, selon certaines sources, M. Trump a signé début juin une proclamation interdisant totalement l'entrée sur le territoire américain des ressortissants de douze pays, dont des pays africains comme le Tchad, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Soudan. Il envisage en outre d'étendre cette mesure à 36 autres pays.

"Comment celui qui ferme la porte de son pays à des immigrants peut demander à d'autres pays de les accueillir ?", s'est interrogé Cheikh Tidiane Ndiaye. Il a également rappelé que les Etats-Unis avaient récemment refusé des visas à des joueuses de l'équipe nationale de basketball du Sénégal qui avaient prévu de participer à un stage aux Etats-Unis pour préparer la Coupe d'Afrique de basket.

(Web editor: Ying Xie, Yishuang Liu)

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