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RDC : le processus de paix vacille, mais des signes ténus de dialogue subsistent

Xinhua 19.08.2025 08h28

La date butoir du 18 août fixée à Doha pour la conclusion d'un accord de paix entre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) est passée sans qu'aucun compromis n'ait été signé. Pourtant, malgré les retards et les accusations réciproques sur le terrain, les deux parties continuent d'afficher leur volonté de dialogue, laissant entrevoir une fragile lueur d'espoir dans un conflit qui a déjà déplacé des millions de personnes.

UN PROCESSUS QUI TENTE DE SE REMETTRE SUR LES RAILS

Dimanche (17 août), un responsable qatari impliqué dans la médiation a confié au média congolais ACTUALITE.CD qu'un projet d'accord de paix avait été préparé et transmis aux deux parties dans le cadre de la Déclaration de principes signée entre les deux parties le 19 juillet à Doha (Qatar).

Cette feuille de route de Doha prévoyait le lancement des négociations au plus tard le 8 août et leur conclusion avant le 18 août, un calendrier déjà dépassé, mais qui "semble revenir sur les rails", selon ce responsable.

Les deux parties ont déjà tenu plusieurs cycles de pourparlers à Doha depuis mars, sous la médiation du Qatar, même si les tensions se sont accrues dans l'est de la RDC ces dernières semaines, le processus de mise en œuvre étant au point mort.

Malgré les retards, le responsable qatari, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a indiqué que Kinshasa et le M23 "avaient répondu positivement". "Nous reconnaissons les difficultés sur le terrain et espérons qu'elles pourront être rapidement surmontées par le dialogue et un engagement sincère", a-t-il ajouté, soulignant que Doha accueillait actuellement "une importante session de négociations destinée à assurer le suivi de la Déclaration de principes et à finaliser un accord de paix".

Dans la foulée, le gouvernement congolais a réaffirmé dimanche son "engagement résolu" en faveur d'un dialogue constructif, rappelant sa détermination à défendre la souveraineté nationale et à restaurer une paix durable dans l'est du pays.

De son côté, le M23 a exprimé dans le même jour sa "sincère gratitude" au Qatar pour ses efforts de médiation, assurant son "engagement total" au processus de Doha et réitérant que seule l'application intégrale de la Déclaration signée permettrait d'aboutir à un règlement global.

UN DEFICIT DE CONFIANCE QUI PESE SUR DOHA

Kinshasa et le M23 s'accusent mutuellement d'avoir violé le cessez-le-feu prévu par la Déclaration de Doha, illustrant la défiance persistante entre les deux parties. Si leurs déclarations du 17 août se voulaient plus conciliantes, l'historique de reproches continue de fragiliser le processus.

Peu après avoir réaffirmé sa volonté de poursuivre les négociations, le M23 a dénoncé dans un autre communiqué ce qu'il a qualifié d'"offensive meurtrière" lancée le 17 août par l'armée congolaise contre des zones densément peuplées de Nzimbira et de Kanyola, dans la province du Sud-Kivu, en recourant à l'artillerie lourde et à des drones kamikazes.

Le 7 août, le dirigeant politique du M23 Bertrand Bisimwa avait déjà accusé l'armée congolaise de violations répétées du cessez-le-feu, précisant que son mouvement n'avait pas été invité à la dernière session des discussions de Doha. "Nous ne sommes pas à Doha parce qu'aucune invitation ne nous a été adressée", avait-il déclaré lors d'une conférence de presse.

Dans une interview plus récente, M. Bisimwa est allé plus loin, affirmant que "Kinshasa n'avait jamais eu la volonté de négocier (à Doha)" et que les représentants envoyés à Doha étaient en réalité des agents de renseignement "sans aucun mandat de négociation".

De son côté, Kinshasa a à plusieurs reprises dénoncé "l'attitude belliciste" du M23, l'accusant d'avoir massacré plus de 300 civils en juillet 2025 dans plusieurs localités du Nord-Kivu, dont une grande partie du territoire, y compris le chef-lieu Goma, reste sous occupation des rebelles.

Pour les analystes, les paroles seules ne suffisent pas.

Jason Stearns, professeur associé à l'Université Simon Fraser, a estimé lors d'un panel organisé en ligne le 7 août par la Brookings Institution que le processus de Doha souffrait d'incertitudes structurelles. Il a souligné que la Déclaration de principes signée par le M23 et Kinshasa à Doha ne contenait aucun calendrier précis et que, suivie à sa logique ultime, elle contraindrait le M23 à se dissoudre, posant la question : "Que pourraient-ils (les rebelles du M23) en tirer ? Pourquoi accepteraient-ils jamais de mettre en œuvre un tel accord ?"

LES EFFORTS REGIONAUX RELANCENT L'ESPOIR

Dans ce contexte d'incertitude, les organisations régionales en Afrique cherchent à redonner de l'élan au processus de paix.

Le 13 août, les dirigeants de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE) et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) ont validé la fusion de leurs cadres de médiation avec celui de l'Union africaine (UA), confiant à l'organisation continentale un rôle de premier plan dans la recherche d'une solution.

Lors d'un sommet virtuel extraordinaire, les chefs d'Etat africains ont approuvé les termes de référence d'un Panel de facilitateurs placé sous l'égide du secrétariat de l'UA à Addis-Abeba. Ce Panel comprend l'ancien président kenyan Uhuru Kenyatta, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, l'ancienne présidente de transition centrafricaine Catherine Samba-Panza, l'ancienne présidente de l'Ethiopie Sahle-Work Zewde, et l'ancien président botswanais Mokgweetsi Masisi.

Samedi, le secrétaire exécutif de la SADC, Elias Magosi, a réaffirmé "l'engagement sans équivoque" de son organisation en faveur de la paix dans l'est de la RDC, rappelant que, bien que la Mission de la SADC en RDC (SAMIDRC) ait achevé son mandat, la région restait déterminée à soutenir la stabilité.

Selon lui, le sommet conjoint du 13 août avec la CAE a permis de convenir d'un "processus unifié, conduit par l'UA", destiné à "renforcer la coordination, harmoniser les efforts de paix et consolider le leadership continental dans la résolution du conflit".

Entretemps, la situation sécuritaire sur le terrain continue de se détériorer. Depuis janvier 2025, le M23 a pris le contrôle de plusieurs villes stratégiques, dont Goma et Bukavu, aggravant une crise humanitaire déjà dramatique.

Selon les Nations Unies, plus de 27,8 millions de personnes en RDC souffrent d'insécurité alimentaire, et plus de sept millions sont déplacées, souvent à plusieurs reprises.

(Web editor: Ying Xie, Yishuang Liu)

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