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Crise politique à Madagascar, le reflet d'une détresse sociale récurrente

Xinhua 20.10.2025 08h27

Le colonel Michaël Randrianirina a officiellement prêté serment vendredi en tant que chef d'Etat de Madagascar, trois semaines après le début des manifestations de masse. Des experts estiment que la crise politique dans ce pays de l'océan Indien, déclenchée par les coupures d'eau et d'électricité, révèle un profond malaise social, qui reste récurrent dans l'histoire malgache depuis son indépendance en 1960.

Une série de manifestations ont eu lieu le 25 septembre dans plusieurs villes malgaches pour réclamer l'accès à l'eau et à l'électricité. Pour l'économiste malgache David Olivaniaina Rakoto, les coupures d'eau et d'électricité ont été l'élément déclencheur d'un ras-le-bol général. "Les explications simplistes, comme le manque de pluie ou de carburant pour faire fonctionner les centrales, ne convainquent plus personne."

Cependant, ces revendications ne sont que "la partie visible de l'iceberg", a expliqué Claudio Rabenja, expert en relations internationales, précisant qu'elles "traduisaient une gouvernance défaillante et une accumulation de frustrations économiques et sociales".

"Ce qu'on demande, c'est simplement que l'on puisse vivre dignement dans notre propre pays", a réclamé Clémentine Ravaonirina, étudiante en quatrième année en droit à l'université d'Antananarivo.

"Nous demandons des conditions de travail décentes. Aujourd'hui, nous travaillons dans des hôpitaux mal équipés, parfois sans matériel de base. Cela nuit à notre formation et à la qualité des soins", a indiqué Felana Razaimamonjy, médecin stagiaire malgache.

Fin septembre, les revendications des manifestants se sont muées en une contestation plus large contre la mauvaise gouvernance, et un appel à la démission du président Andry Rajoelina, bien que ce dernier ait dissous le gouvernement et convoqué une concertation avec la communauté civile.

Lanto Ratsida, sociologue malgache, estime que les revendications sociales, bien qu'au départ économiques, finissent souvent par prendre une tournure politique. "Toute manifestation de masse, embrasse une dimension politique et aboutit vers un changement de régime, de lois ou de structure."

En qualifiant d'"approche défensive" les mesures prises par l'administration Rajoelina en réaction aux manifestations, Philippe Razanajaona, expert en sciences politiques, a affirmé qu'elles "tentaient d'éteindre le feu sans s'attaquer aux causes profondes". "Un malaise politique latent est que les citoyens, surtout les jeunes, n'ont plus confiance dans l'Etat ni dans les institutions", a-t-il dit.

Le 11 octobre, les manifestations ont pris une nouvelle tournure, un régiment de l'armée ayant déclaré soutenir et protéger les manifestants contre les abus des forces de l'ordre. Le 14 octobre, des officiers supérieurs de l'armée ont annoncé la prise de pouvoir par les Forces de défense et de sécurité (FDS) à Madagascar, suite au "constat de non-respect de la Constitution" du pays.

"C'est une répétition historique. Depuis 1972, Madagascar n'a jamais consolidé durablement ses institutions. On vit un schéma classique : promesse, déception, explosion", a déploré M. Razanajaona.

En résonance, M. Rabenja a indiqué que "Madagascar était pris dans un cycle de crises récurrentes depuis plus de cinquante ans", ajoutant que "chaque épisode traduisait la fragilité institutionnelle du pays et l'incapacité des dirigeants à réformer le système avant qu'il n'explose".

(Web editor: 实习生3, Yishuang Liu)