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Voiture électrique : pleinement lancée dans la course, la France apprécie les investissements chinois
Dans la "Vallée de la batterie" en cours de constitution dans les Hauts-de-France, il y a une présence importante d'entreprises chinoises dans les différents projets de production français de véhicules électriques et surtout de leurs batteries. Un partenariat apprécié par une région qui ne cache pas son ambition dans l'électromobilité à l'échelle européenne.
Avec quatre "gigafactories" annoncées en trois ans, parmi lesquelles deux sont en partenariat avec des entreprises chinoises, la région entend bien attirer les forces de tous les pays, notamment des acteurs chinois qui ont acquis une véritable avance en matière de technologie des batteries et des véhicules électriques et offrent leur savoir-faire, estime Yann Pitollet, directeur général de Nord France Invest.
La gigafactory d'ACC, annoncée en 2020 et en production depuis mai 2023, est une filiale conjointe de Total, Stellantis et Mercedes-Benz. Pour les trois autres, dans lesquelles ont respectivement investi le groupe chinois Envision AESC, la start-up française Verker et le spécialiste des batteries solides Prologium qui est basé à Taiwan, la région Hauts-de-France a "mis en place des processus administratifs d'autorisation et de construction qui permettent d'aller vite", selon M. Pitollet.
"Nous n'avons pas d'inquiétude sur le fait que tout va bien se passer", assure-t-il, précisant que l'usine d'Envision AESC, annoncée en 2021, est en cours de construction et produira d'ici peu, tandis que l'usine de Prologium, annoncée par président Emmanuel Macron en mai 2023, est en phase amont du projet.
En plus, fin 2023, le groupe chinois XTC New Energy, leader dans la fabrication de cathodes, l'un des composants de la batterie, et le groupe français Orano, spécialisé dans le cycle de l'uranium, ont annoncé un projet pour fabriquer des cathodes et recycler des batteries non loin des usines de Verkor et de Prologium.
En janvier dernier, dans la co-entreprise créée par Renault et l'équipementier automobile chinois Minth, deux nouvelles lignes de production sont entrées en service pour fabriquer des bacs de batteries, destinés aux véhicules électriques.
Pour Yann Pitollet, "ce qui nous intéresse effectivement, c'est d'avoir ce partenariat pour que nous puissions bénéficier du savoir-faire de ces entreprises chinoises qui ont progressé très, très vite, dans notamment les véhicules électriques, mais aussi dans les technologies en amont".
Pour Renault, qui s'est associé avec Envision AESC dans une gigafactory de batteries, le succès de la joint-venture avec Minth est une vitrine pour l'arrivée d'autres projets.
Née en juillet dernier, la co-entreprise a réussi à démarrer sa production en moins de trois mois avec deux nouvelles lignes installées à Ruitz, un site de Renault dans le Pas-de-Calais qui se prépare à faire sa transition face à la fin annoncée des moteurs thermiques en Europe.
Vu de l'extérieur, un bac de batterie est juste une boîte, mais il a en fait trois fonctions principales : l'étanchéité, le refroidissement et la rigidité, explique Jean-Luc Bois, directeur du site Renault Electricity à Ruitz.
L'expérience de Minth est sur cette ligne-là, qui est l'aboutissement de plusieurs autres lignes qui leur ont permis cet apprentissage, dit-il. "Un des intérêts d'avoir travaillé avec un partenaire chinois est ce savoir-faire sur le produit et le process. On est plus fort à deux que tout seul en partant de zéro."
Renault s'est engagé à concentrer en France les activités industrielles liées à ses voitures électriques. Le constructeur a regroupé toutes ses activités autour des voitures électriques dans Ampere, une nouvelle filiale officiellement lancée en novembre 2023.
Renault Ampere affiche l'ambition de produire 400.000 véhicules électriques par an d'ici 2025 en France. L'objectif de la France est de pouvoir produire sur son sol, à l'horizon 2030, près de deux millions de véhicules électriques et hybrides. Pour y arriver, tous les éléments liés à la chaîne de valeur de la voiture électrique doivent donc s'installer en France.
Le temps presse pour la Vallée de la batterie. "Ce qu'attendent les fabricants de voiture, que ce soit Stellantis, Renault ou les clients qu'il peut y avoir ailleurs en Europe, les grandes marques allemandes par exemple, c'est une production qui doit être effective et à un stade industriel dès 2025. Donc, il faut aller très vite", reconnaît M. Pitollet.
Le patron de Nord France Invest qualifie sa région comme "déjà effectivement le coeur du secteur électrique en France" et ayant l'ambition de devenir "un des points centraux sur le véhicule électrique en Europe".
Outre des atouts tel que la disponibilité de terrains et le réseau électrique, il compte aussi sur l'accès à une main-d'oeuvre qualifiée pour attirer plus d'investissements, citant une alliance que les Hauts-de-France vont créer pour former dans les années prochaines 20.000 personnes aux métiers de la batterie.
L'Université d'Artois, implantée en différents points de la région, a ouvert en septembre une nouvelle école pour "former des ingénieurs de l'avenir dans un monde plus électrifié". Des étudiants sont déjà en apprentissage dans l'usine Minth-Renault.
"Nous les mettons en situation de milieu industriel où ils se rendent compte de la réalité de la dimension de la technologie actuelle", explique Gabriel Velu, vice-president du conseil d'administration de l'université. "La France a pris son virage dans l'électricité un peu tard et donc elle a besoin aussi des autres pour rattraper son retard."
Pour la région Hauts-de-France qui mise sur l'électricité pour sa réindustrialisation verte, la construction d'une "Vallée de la batterie" en quelques années marque un essor vers la transition.
Ca "nous permet de penser les équipements, la production locale de pièces pour le véhicule, mais aussi toutes les questions de l'approvisionnement, du recyclage et éventuellement du démantèlement et de la valorisation des déchets", indique Olivier Gacquerre, le maire de Béthune, ville située à une dizaine de kilomètres de Ruitz.