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La voie chinoise pour une IA au service du bien commun

le Quotidien du Peuple en ligne 21.07.2025 10h18

L'ère de l'IA est arrivée, avec beaucoup de promesses qui font rêver et autant de défis sans précédent à relever. Afin d'offrir un cadre de discussion face aux enjeux que pose cette nouvelle technologie, la Chine organise chaque année depuis 2018 la Conférence mondiale sur l'Intelligence artificielle (WAIC) dont une nouvelle édition aura lieu à Shanghai, une édition qui battra tous les records : une superficie d'exposition inédite de plus de 70 000 m², plus de 800 entreprises qui y présenteront quelque 3 000 innovations, dont 40 grands modèles de langage, 60 robots intelligents et 80 lancements mondiaux ou premières nationales.

Quel est le message que porte cette nouvelle édition ? Et quel rôle la Chine veut-elle jouer dans l'essor fulgurant de l'IA qui s'opère dans le monde ?

Une vision équilibrée sur les relations homme–machine

En quelques années, la Chine s'est affirmée comme un leader mondial des humanoïdes, avec des robots capables de courir un marathon en moins de trois heures ou de s'adapter en temps réel à des obstacles imprévus, des mains robotiques biomimétiques permettant des manipulations délicates grâce à des mouvements préprogrammés… Des avancées spectaculaires qui sont aussi illustratives d'une philosophie distinctive de la Chine face aux risques que l'IA pourrait engendrer. Considérés comme « partenaires de productivité » plutôt que substituts aux humains, les robots sont déployés en Chine surtout pour aider les personnes handicapées à réduire leur dépendance et prendre en charge des tâches répétitives ou dangereuses dans des secteurs comme la logistique et l'industrie lourde.

Là où certains voient une « invasion » robotique, la Chine parle de la « coopération homme-machine ». Pour les Chinois, c'est un modèle productif de nouvelle qualité où humains et machines cocréent de la valeur et où l'IA amplifie l'intelligence humaine, et non l'éclipser.

Un cadre réglementaire structuré pour une IA éthique

À l'heure où l'IA révolutionne nos sociétés, les enjeux éthiques qu'elle soulève et qui inquiètent à juste titre appellent une réflexion responsable et profonde. Biais algorithmiques, protection des données, équilibre entre autonomie et contrôle, questions d'équité et de transparence… Autant de défis qui exigent un cadre de gestion robuste et adaptée.

L'éthique doit précéder la technologie, tel est un principe qui fait consensus au niveau mondial. C'est d'ailleurs ce que la Chine s'engage à faire avec le lancement en 2023 de l'Initiative pour la gouvernance mondiale de l'IA, appelant à placer l'éthique au cœur du développement et de l'utilisation de cette technologie et à mettre en place des mécanismes de responsabilisation pour des systèmes d'IA. Au niveau national, un cadre réglementaire complet a été établi : dispositions sur les droits numériques dans le Code civil, lois sur la cybersécurité, la protection des données et la protection des informations personnelles ainsi que mesures provisoires pour la gestion des services d'IA générative, qui s'accompagnent d'une protection renforcée de la propriété intellectuelle, de règles anti-monopoles et de normes sur l'open-source.

Une approche qui vise au fond à trouver un juste équilibre entre innovation et régulation pour un développement sain de l'IA.

Engagement chinois pour une IA ouverte et inclusive

Aujourd'hui, le développement de l'IA arrive à un tournant décisif. On constate non sans inquiétude que dans une partie du monde, cette technologie, loin de constituer un outil d'émancipation, risque de s'enfermer dans la logique des monopoles et de devenir une science cloisonnée, réservée à ceux qui peuvent se l'acheter.

Faut-il faire de l'IA un outil de domination et de confrontation entre États, ou bien un levier pour mettre en commun la sagesse de tout un chacun pour que les fruits de l'innovation bénéficient à tous ? La décision appartient à chaque État.

La Chine a fait son choix. La sortie du modèle R1 de la start-up Deepseek, modèle à faible coût d'entraînement mais de très haute performance, publié de surcroît en open source, rompt avec le paradigme ancien fondé sur des modèles fermés et énergivores et démontre qu'une approche ouverte, collaborative et durable peut mieux contribuer au progrès technologique.

Ce n'est qu'en refusant de raisonner uniquement en termes de gagnants et de perdants que nous pourrons éviter que l'IA ne devienne un « jeu des pays riches et des fortunés ». Dans la nouvelle révolution technologique, le Sud global ne doit plus être laissé en arrière. Tous les pays ont à agir dans une logique de solidarité et de partage, tel est le message porté par la WAIC de cette année.

L'IA sans conscience n'est que ruine de l'intelligence humaine. Le temps est venu d'un sursaut collectif pour faire de l'IA un formidable levier de progrès au service de l'humanité tout entière.

(Par Yi Da, un spécialiste en relations internationales basé à Beijing.)

(Web editor: Yishuang Liu, Ying Xie)