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France : la crise gouvernementale et le mouvement "Bloquons tout" déclenchent des chocs en chaîne

Xinhua 12.09.2025 08h17
France : la crise gouvernementale et le mouvement
(Xinhua/Aurelien Morissard)

La France a vécu ce mercredi une journée de mobilisation sociale d'une ampleur rare. Sous le mot d'ordre "Bloquons tout", des centaines de milliers de manifestants ont paralysé des routes, transports et établissements publics, exprimant leur colère contre le budget 2026. Dans le même temps, à Matignon, Sébastien Lecornu succédait à François Bayrou, dans un contexte politique aussi tendu qu'incertain. Selon des observateurs, les blocages massifs et la passation de pouvoir express déclenchent des chocs en chaîne en France, qui pourraient redessiner le paysage politique dans les mois à venir.

LA FRANCE EN EBULLITION : DES MANIFESTATIONS MASSIVES ET DES BLOCAGES GENERALISES

Sous l'impulsion du mouvement "Bloquons tout", né sur les réseaux sociaux et relayé par des syndicats et partis politiques, des centaines de milliers de Français ont répondu à l'appel pour protester contre le budget 2026 du gouvernement Bayrou, ont rapporté les médias locaux.

Selon le ministère français de l'Intérieur, 175.000 personnes ont participé à 550 rassemblements et 262 blocages à travers le pays, tandis que la La Confédération générale du travail (CGT) évoque le chiffre de 250.000 manifestants. A Paris, Toulouse, Rennes, Lyon ou encore Bordeaux, les forces de l'ordre ont procédé à 473 interpellations, dont 203 dans la capitale. Des scènes de violences urbaines ont eu lieu, notamment l'incendie d'une brasserie dans le quartier des Halles et des affrontements près des gares et sur les axes routiers.

Les transports, les écoles et les commerces ont été fortement perturbés. Des tracteurs ont bloqué l'autoroute A20, des bus ont été incendiés, et des centaines d'établissements scolaires ont fermé leurs portes. Les images de manifestants masqués, de fumigènes et de barricades ont dominé les écrans, rappelant les heures les plus tendues des mouvements sociaux passés.

"La France a urgemment besoin d'ordre et d'alternance", a réagi Jordan Bardella (Rassemblement national) sur X, tandis que les commerçants parisiens déploraient une journée de chiffre d'affaires perdue.

PASSATION DE POUVOIR À MATIGNON : SEBASTIEN LECORNU SUCCEDE A FRANCOIS BAYROU

En pleine tourmente sociale, la vie politique a connu un nouveau rebondissement avec la passation de pouvoir entre François Bayrou et Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre la veille par le président.

La cérémonie, brève et sobre, s'est déroulée à midi à Matignon, en présence des ministres démissionnaires. "Il va falloir des ruptures et pas que sur la forme, et pas que dans la méthode, des ruptures aussi sur le fond", a déclaré Sébastien Lecornu, promettant une nouvelle méthode de gouvernance et des consultations rapides avec les forces politiques et syndicales.

Cette nomination intervient après la chute du gouvernement Bayrou, renversé par l'Assemblée nationale, et dans un contexte de crise politique persistante. M. Lecornu, ancien ministre des Armées, a immédiatement entamé des discussions avec les partis pour tenter de former une majorité et adopter un budget 2026 déjà très contesté.

"Je veux dire aux Françaises et aux Français qu'on va y arriver", a-t-il affirmé, alors que le parti La France insoumise a d'ores et déjà annoncé une motion de censure contre son gouvernement.

PERSPECTIVES : VERS UNE NOUVELLE ERE DE CONTESTATION ?

Pour des observateurs, le 10 septembre pourrait marquer le début d'une longue période d'agitation. Des analystes s'interrogent sur la capacité du nouveau Premier ministre à apaiser les tensions.

Un sondage Toluna-Harris pour BFMTV datant du 22 août révèle que 70% des Français étaient favorables à des manifestations pour protester contre le budget du gouvernement. Certains craignent que cette journée ne soit qu'un prélude à une mobilisation plus large, notamment avec la grève intersyndicale prévue pour le 18 septembre.

"Si la vision anti-Macron et anti-institutions des partisans de ce mouvement du 10 septembre est très partagée, elle reste un ciment fragile. Les objectifs du mouvement demeurent en effet très brumeux", explique l'historienne Marion Fontaine, dans un entretien accordé au Monde.

Selon cette professeure à Sciences Po, la CGT a visiblement soutenu la grève "pour satisfaire ses franges les plus radicales. C'est aussi une manière de déposer des préavis de grève et donc de couvrir ses adhérents qui cesseront le travail. Enfin, elle ne veut pas totalement perdre le contact avec ce mouvement citoyen, au cas où il prendrait de l'ampleur. Le traumatisme des Gilets jaunes est encore présent".

Pour Vincent Trémolet de Villers, directeur délégué de la rédaction du Figaro, la situation est critique : "Bien qu'à la tête d'une minorité de gouvernement, Sébastien Lecornu doit se faire le porte-voix de la majorité oubliée, invisible, abandonnée. Pression fiscale et normative désespérante, dépenses délirantes, immigration incontrôlée, insécurité galopante (...) Les inquiétudes qui réunissent plus de deux Français sur trois sont connues".

(Xinhua/Aurelien Morissard)
(Xinhua/Aurelien Morissard)
(Web editor: Ying Xie, Yishuang Liu)

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