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De disciple shaolin à maître d'arts martiaux, le rêve de kung fu d'un jeune Ivoirien
"Un, deux, trois, quatre". Dans un gymnase de l'Université Félix Houphouët-Boigny à Abidjan en Côte d'Ivoire, un jeune homme portant un maillot d'entraînement du Temple shaolin fait une démonstration tout en guidant les élèves dans cette pratique.
"J'appartiens au club universitaire des arts martiaux chinois. C'est un club qui permet aux étudiants de se former. Nous avons trois séances d'entraînement par semaine et une cinquantaine d'élèves viennent apprendre le kung fu et la culture chinoise dans notre salle", explique Jean-Philippe N'Dri, responsable de l'enseignement des arts martiaux du club.
Comme beaucoup de jeunes Africains, l'histoire de Jean-Philippe avec les arts martiaux et la culture chinoise a commencé avec les films d'arts martiaux chinois.
"Mon amour pour les arts martiaux et la culture chinoise est né de certains grands acteurs tels Jackie Chan, Bruce Lee et autres qu'on voyait à travers certains films", confie-t-il, en ajoutant qu'ils l'ont motivé à aimer ces arts martiaux.
Lorsqu'ils étaient petits, lui et ses amis imitaient les actions de ces personnages de cinéma et se risquaient souvent à essayer de faire comme eux en réalité, mais ce n'était pas facile.
En 2014, il a été admis à l'Université Félix Houphouët-Boigny en sciences de la Terre et des ressources minières. Au cours de sa deuxième année, par intérêt pour le kung fu chinois, il a rejoint le club universitaire des arts martiaux.
APPRENTI DU TEMPLE SHAOLIN
Avec l'aide de l'Institut Confucius de l'Université Félix Houphouët-Boigny et le soutien de son club, Jean-Philippe N'Dri a eu l'opportunité de se rendre au Temple shaolin en Chine pour un échange de courte durée. "C'était une belle découverte et un grand rêve qui venait de se réaliser", dit-il.
En route vers la Chine, lui et ses compagnons étaient curieux de savoir à quoi ressemblait ce temple, se demandant ce qu'ils découvriraient.
"Quand nous sommes arrivés, nous avons vu des personnes habillées comme ce qu'on voyait dans les films. Elles étaient en tenue de shaolin et pratiquaient correctement les techniques de shaolin", raconte Jean-Philippe.
Ils y ont suivi trois semaines de formation, mais ce sont surtout les deux premières semaines qui ont été les plus difficiles.
"Ça a été très difficile au point où nous avons eu envie de retourner à la maison. Nous avons ainsi compris pourquoi (...) les moines chinois ont cette réputation", a-t-il avoué.
Selon lui, les disciplines de shaolin s'entraînent régulièrement de 5h30 jusqu'au soir à 18h30. "Ce n'est pas seulement une formation physique, mais c'est aussi une formation pour fortifier le mental qu'ils nous ont donnée".
ENTRAINEUR DE KUNG FU D'AFRICAINS
Ainsi, il a en quelque sorte réalisé son rêve. De retour en Côte d'Ivoire, il était motivé pour transmettre ce qu'il a appris en Chine à ses frères Africains.
"Nous avons enseigné ce qu'on appelle le camp de formation shaolin qui est un camp innovant et inédit en Afrique. Il nous permet de pouvoir transmettre la même formation que nous avons eue au Temple shaolin à ces jeunes qui n'ont pas la possibilité d'aller en Chine et qui ont le même rêve que nous", résume Jean-Philippe N'Dri.
En même temps, il a également pris en main le club des arts martiaux de son université et a continué à promouvoir et à diffuser la culture chinoise et l'esprit des arts martiaux.
"Nous avons plusieurs compétitions que nous organisons où tous nos athlètes, parmi lesquels certains préparent un championnat de shaolin en Chine, participent. Cela leur permettra de se jauger sur le plan national", explique le jeune homme.
Parlant de son expérience, il reconnaît que la pratique des arts martiaux a vraiment conduit à donner une ossature à sa vie.
"Avant, j'aimais beaucoup me bagarrer sans jamais remporter ces combats-là. Quand j'ai commencé à pratiquer les arts martiaux, ma première idée était d'avoir des techniques afin d'infliger de bonnes corrections à ceux qui me blessaient", avoue Jean-Philippe.
Mais au fil de sa pratique des arts martiaux, pendant neuf ans environ, il a vu que c'est l'effet contraire qui s'est produit.
"Je suis devenu encore plus sage selon les témoignages des gens. J'arrive à canaliser facilement la colère et j'arrive à développer l'esprit de partage avec mes frères", dit-il, en précisant que c'est cette discipline que lui a inculquée la pratique des arts martiaux chinois : l'amour du prochain, vivre pour les autres et transmettre la paix partout où l'on va.
AMBASSADEUR CULTUREL DE DEUX COTES
En tant qu'Ivoirien, il espère que la Chine pourra donner à davantage de compatriotes la possibilité de se former en Chine et espère également qu'ils recevront le soutien du gouvernement chinois pour pouvoir bien promouvoir les arts martiaux chinois chez eux à leur retour d'études.
"Nous sommes des ambassadeurs de la culture chinoise et aussi de la culture africaine. Nous portons ces deux leviers pour permettre à ces deux grandes puissances et à la population africaine de pouvoir obtenir ce que les cultures chinoise et africaine sont censées donner à chacun", souligne Jean-Philippe N'Dri.
De nos jours, il faut pouvoir préserver l'intégrité physique des pratiquants pour pouvoir développer le kung fu. Donc à ce niveau, "nous lançons un appel à la Chine. Nous ne demandons pas à la Chine d'intervenir forcément sur le plan financier, mais de faciliter la possibilité de pouvoir développer certaines industries sportives localement, mais aussi de soutenir les personnes qui essaient d'ôter le voile que des gens ont mis sur la culture chinoise".
A ceux qui veulent apprendre les arts martiaux, il veut leur dire que la pratique des arts martiaux chinois n'a pas vocation à détruire ou maîtriser des techniques pour faire mal à telle ou telle personne. C'est plutôt le contraire.
"En venant pratiquer les arts martiaux, vous allez développer une discipline hors du commun. Vous allez développer une santé qui aura une longue durée. Vous allez aussi avoir la paix du cœur, ce qui est le plus essentiel", conclu le jeune homme.