Dernière mise à jour à 10h38 le 12/12
Après la récente visite d'Etat du président français Emmanuel Macron aux Etats-Unis, une question demeure : face au protectionnisme américain, l'industrie européenne est-elle vouée à s'effondrer, ou peut-elle encore être défendue ? Certains analystes ne cachent pas leurs inquiétudes.
Alors que les Etats-Unis ont voté il y a quatre mois une loi qui préserve leurs intérêts industriels nationaux, les Européens s'inquiètent de cette distorsion de la concurrence. Le conflit en Ukraine a bouleversé leur approvisionnement énergétique, si bien qu'il paraît plus nécessaire que jamais de commercer à armes égales avec leur allié américain.
Une chronique parue récemment dans le journal français Le Monde souligne que les Américains, s'ils défendent la jeune démocratie ukrainienne, "n'oublient pas les intérêts de leurs entreprises, notamment dans l'industrie de l'armement et du gaz de schiste". Le conflit en Ukraine permet par ailleurs de mesurer la puissance économique américaine dans deux grands domaines stratégiques : l'énergie et la défense. Puisque les Américains fournissent des armes aux Ukrainiens et vendent leur gaz de schiste aux Européens pour compenser l'arrêt des livraisons russes, les critiques vont bon train sur l'intérêt bien compris des Etats-Unis, qui est de voir durer le conflit. Certains analystes critiques ont de fait comparé les Etats-Unis à des "profiteurs de guerre".
UNE DEFENSE EUROPEENNE DEPENDANTE DE L'OTAN ET DES ETATS-UNIS
En matière d'armement, "avec Lockheed Martin, Raytheon Technologies, Boeing, Northrop Grumman et General Dynamics, les Etats-Unis alignent les cinq premiers groupes mondiaux ; le pays pèse 54 % des ventes et 39 % des exportations" mondiales, rappelle la chronique du Monde.
Sur la question ukrainienne, l'Union européenne (UE) est désunie, car les intérêts stratégiques des différents Etats qui la composent ne sont pas systématiquement alignés.
En effet, le conflit en Ukraine renforce le tropisme atlantiste des pays d'Europe du Nord et de l'Est. Pour ces Etats européens historiquement hostiles à la Russie, la défense européenne existe déjà, et s'appelle l'OTAN, sous l'égide des Etats-Unis. Les rêves d'une communauté de défense européenne indépendante des Etats-Unis demeureront pour eux des chimères, de même que les discours prononcés régulièrement par Emmanuel Macron.
Mais il n'y a pas que sur le plan de la défense que Washington enfonce un coin dans les relations intra-européennes et euro-américaines.
L'IRA , UNE MESURE "SUPER AGRESSIVE" DE LA PART DES ETATS-UNIS
L'Inflation Reduction Act (IRA, ou Loi sur la réduction de l'inflation), entrée en vigueur en août dernier, renforce l'arsenal protectionniste américain. Elle prévoit des subventions et des crédits d'impôts pour les produits favorisant la transition énergétique, à la condition que ceux-ci soient fabriqués aux Etats-Unis. Cette loi s'accompagne d'un paquet de 369 milliards de dollars américains de subventions destinées à financer les "technologies propres".
Ces mesures ont été jugées "super agressives" par le président français, qui a défendu "l'idée de subventionner le made in Europe" dans une interview accordée au Parisien-Aujourd'hui en France.
Quant à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle a annoncé dans un discours au Collège de Bruges que l'Europe répondrait de façon "calibrée" à l'IRA, sans pour autant se lancer dans une guerre commerciale avec Washington. "Cette posture renvoie l'Europe à ses propres faiblesses et à la nécessité de mieux soutenir son industrie", ont écrit dans un article publié le 4 décembre deux correspondantes du journal Les Echos aux Etats-Unis.
UNE REPONSE EUROPEENNE EST-ELLE POSSIBLE ?
La présidente de la Commission européenne souhaite proposer une réponse européenne commune, notamment en facilitant les investissements publics et les aides d'Etat. Des aides nationales pourraient être autorisées, comme le plan allemand de 200 milliards d'euros, à condition qu'elles soient concertées pour ne pas créer de distorsions de la concurrence au sein du marché unique. Il conviendrait également de mieux financer la transition vers des industries plus propres au moyen d'un fonds souverain.
Pour autant, la Commission n'a pas encore validé le "Buy European Act" (''Loi pour acheter européen''), contrairement à ce que souhaiterait M. Macron. De nombreux pays membres de l'UE ne veulent en effet pas se mettre à dos leurs partenaires commerciaux non membres de l'UE, ni donner l'impression d'être à la remorque des propositions françaises.
"C'était mon devoir de poser le débat en Européen, pas simplement au nom de la France, mais de toute l'Europe", a déclaré M. Macron, espérant sans doute convaincre ses partenaires européens, dont l'Allemagne, de débloquer plusieurs milliards d'euros pour préserver l'industrie européenne et attirer de nouveaux marchés.
Des propositions ont donc été mises sur la table ; reste à savoir si elles seront suivies d'effet.