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La Chine lance la sonde lunaire Chang'e-6 pour collecter des échantillons sur la face cachée de la Lune

Xinhua 04.05.2024 09h55
La Chine lance la sonde lunaire Chang'e-6 pour collecter des échantillons sur la face cachée de la Lune
(Xinhua/Guo Cheng)

La Chine a lancé vendredi l'engin spatial Chang'e-6 pour collecter des échantillons sur la mystérieuse face cachée de la Lune et les ramener sur Terre. Il s'agit de la première entreprise de ce genre dans l'histoire de l'exploration humaine de la Lune.

Une fusée porteuse Longue Marche-5, transportant l'engin spatial Chang'e-6, a décollé vendredi à 17h27 (heure de Beijing) depuis le site de lancement spatial de Wenchang, sur la côte de la province insulaire méridionale de Hainan.

Environ 37 minutes après le décollage, l'engin spatial Chang'e-6 s'est séparé de la fusée et est entré sur son orbite prévue de transfer Terre-Lune, à une altitude du périgée de 200 kilomètres et à une altitude de l'apogée d'environ 380.000 kilomètres, d'après l'Administration nationale de l'espace de Chine (CNSA).

Le lancement du vaisseau spatial Chang'e-6 est une réussite totale, a annoncé la CNSA.

"Collecter des échantillons sur la face cachée de la Lune et les ramener sur Terre est un exploit sans précédent. Actuellement, nous savons très peu sur la face cachée de la Lune. Si la mission Chang'e-6 atteint son objectif, elle fournira aux scientifiques les premières preuves directes de la compréhension de l'environnement et de la composition des matériaux de la face cachée de la Lune, ce qui est d'une grande importance", a annoncé Wu Weiren, académicien de l'Académie chinoise d'Ingénierie et concepteur en chef du programme d'exploration lunaire de la Chine.

"Cependant, la mission est très difficile et risquée. Nous souhaitons voir sa réussite", a déclaré M. Wu.

Le vaisseau spatial Chang'e-6, comme son prédécesseur Chang'e-5, comprend un orbiteur, un atterrisseur, un module d'ascension et une capsule de retour.

Après avoir atteint la Lune, le vaisseau spatial réalisera un alunissage en douceur. Dans les 48 heures suivant son alunissage, un bras robotisé sera déployé pour prélever des roches et du sol à la surface lunaire, tandis qu'une foreuse sera utilisée pour percer le sol. Des travaux de détection scientifique seront menés simultanément.

Une fois les échantillons scellés dans un conteneur, le module d'ascension décollera de la Lune et s'amarrera à l'orbiteur en orbite lunaire. La capsule de retour ramènera ensuite les échantillons sur Terre et atterrira dans la région autonome de Mongolie intérieure. La mission devrait durer environ 53 jours, a indiqué la CNSA.

LES DEUX FACES DE LA LUNE

Comme le cycle de révolution de la Lune est le même que son cycle de rotation, c'est toujours la même face qui est tournée vers la Terre. L'autre face de la Lune, dont la plus grande partie ne peut être vue depuis la Terre, est appelée la face cachée ou "face sombre" de la Lune. Ce terme ne fait pas référence à l'obscurité visible, mais plutôt au mystère qui entoure la région largement inexplorée de la Lune.

Les images de télédétection montrent que les deux faces de la Lune sont très différentes. La face proche est relativement plate, tandis que la face cachée est parsemée de cratères d'impact de différentes tailles et présente beaucoup moins de mares lunaires que la face proche. Les scientifiques indiquent que la croûte lunaire est beaucoup plus épaisse que celle de la face proche. Mais la raison reste un mystère.

Un cratère d'impact connu sous le nom de bassin d'Apollo, situé dans le bassin du Pôle Sud-Aitken sur la face cachée de la Lune, a été choisi comme principal site d'alunissage et d'échantillonnage de la mission Chang'e-6, selon Wang Qiong, concepteur en chef adjoint de la mission Chang'e-6.

Le Bassin du Pôle Sud-Aitken est formé par une collision céleste il y a plus de 4 milliards d'années, avec 2.500 km de diamètre, équivalent à la distance entre Beijing et Hainan, et une profondeur d'environ 13 km. Il est le plus ancien et le plus grand cratère d'impact de la Lune et du système solaire, et il pourrait fournir les premières informations sur la Lune, selon les scientifiques.

Le grand impact de la collision céleste permettant de former le Bassin du Pôle Sud-Aitken pourrait avoir éjecté des matériaux du fond de la Lune. Si ces matériaux peuvent être collectés et ramenés sur Terre pour l'étude, ils offriront de nouveaux renseignements à la fois sur l'histoire précoce d'impact du système solaire et sur l'évolution géologique de la Lune, a déclaré Zeng Xingguo, scientifique des Observatoires astronomiques nationaux de l'Académie des sciences de Chine.

"Des échantillons directes et de première main de la face cachée de la Lune sont importantes pour nous donner une meilleure compréhension sur les caractéristiques et les différences des deux faces de la Lune, et pour révéler les secrets de la Lune", a noté M. Zeng.

Plus de 300 kilogrammes d'échantillons lunaires ont été ramenés au cours des dix missions déjà effectuées par les Etats-Unis, l'Union soviétique et la Chine, et tous ces échantillons ont été collectés depuis la face visible de la Lune, a indiqué Yang Wei, chercheur de l'Institut de géologie et de géophysique de l'Académie des Sciences de Chine.

"Notre compréhension en ce qui concerne la formation et l'évolution de la Lune vient presque totalement de l'étude des échantillons lunaires, et cette étude nécessite également une exploration spatiale profonde à l'avenir", a ajouté M. Yang.

NOUVEAUX DEFIS

"La mission fera face à de nombreux défis, chaque étape étant interconnectée et éprouvante pour les nerfs", a indiqué M. Wang.

Pour réaliser la communication entre la Terre et la sonde sur la face cachée de la Lune, la Chine a envoyé le satellite relais Queqiao-2, dont le nom se traduit par "pont de pies-2", en orbite gelée hautement elliptique au début de cette année.

Bien que la mission Chang'e-4 ait réalisé le premier alunissage en douceur du monde sur la face cachée de la Lune en 2019, la Chang'e-6 fait toujours face à des risques importants, car le terrain accidenté de la face cachée de la Lune pose de grands défis pour son alunissage, d'après les experts spatiaux.

La mission Chang'e-6 nécessite de bénéficier de nouvelles percées technologiques dans les domaines tels que la conception et le contrôle de l'orbite lunaire rétrograde, l'échantillonnage rapide et intelligent, et le décollage à partir de la face cachée de la Lune, a annoncé M. Wang.

La conception de la sonde Chang'e-6 est similaire à celle de Chang'e-5 qui a collecté des échantillons depuis l'hémisphère nord de la face visible de la Lune, a déclaré Huang Hao, expert spatial de la société China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC).

Mais Chang'e-6 touchera terre dans l'hémisphère sud de la face cachée de la Lune, et la mission utilisera ainsi une orbite rétrograde lunaire pour s'adapter à sa mission d'échantillonnage, a ajouté M. Huang.

Le satellite relais Queqiao-2 faisant le tour de la Lune, il sera impossible à la sonde Chang'e-6 de communiquer avec les contrôleurs sur Terre pendant un certain temps lorsqu'elle fonctionne sur la face cachée de la Lune, a déclaré Deng Xiangjin, un autre expert de la CASC.

"Nous avons effectué une analyse globale de données dans des centaines d'expérimentations et utilisé l'intelligence artificielle pour améliorer la conception de l'engin spatial afin de renforcer ses capacités de contrôle autonome et de perfectionner son efficacité d'échantillonnage", a noté M. Deng.

"Le nombre des échantillons que la Chang'e-6 peut collecter est incertain et ne peut pas être estimé avec précision à l'heure actuelle. Notre objectif est de collecter deux kilos", a précisé M. Deng.

AU-DELA DES FRONTIERES

La mission Chang'e-6 transporte quatre charges utiles développées grâce à une coopération internationale, offrant plus d'opportunités pour les scientifiques du monde et conjuguant l'expertise humaine dans l'exploration spatiale.

Des instruments scientifiques venus de France, d'Italie et de l'Agence spatiale européenne (ASE)/Suède sont à bord de l'atterrisseur de Chang'e-6, et un petit satellite du Pakistan est à bord de l'orbiteur.

Une fois l'engin spatial Chang'e-6 entrera sur l'orbite lunaire, le petit satellite sera libéré pour effectuer des missions d'imagerie en orbite. Un rétroréflecteur au laser développé par des scientifiques italiens sera utilisé pour le positionnement et la mesure de distance dans des missions lunaires à l'avenir, a noté M. Wang.

Un analyseur de l'ion négatif de la surface lunaire développé par l'ASE/Suède sera utilisé pour détecter des ions négatifs et étudier l'interaction entre le plasma et la surface lunaire. Et un instrument scientifique développé par des scientifiques français détectera des isotopes du radon et étudiera des mécanismes de transmission et de diffusion des composés volatiles dans l'environnement lunaire, a précisé M. Wang.

La Chine adhère aux principes de consultation extensive, d'efforts conjoints et de bénéfices partagés dans sa coopération internationale liée à l'exploration lunaire, et souhaite s'engager dans de multiples niveaux et types de coopération avec des pays et des organisations internationales dans tout le monde, sur la base de l'égalité et des bénéfices mutuels, a déclaré Ge Ping, directeur adjoint du Centre de l'exploration lunaire et du génie spatial de la CNSA.

La Chine a ouvert à la communauté internationale des demandes d'emprunt et d'étude des échantillons lunaires ramenés par la mission Chang'e-5, et invite les scientifiques dans tout le monde à participer à ses projets de l'exploration lunaire et planétaire à l'avenir, a ajouté M. Ge.

Qamarul Islam, un professeur à l'Institut de la technologie spatiale du Pakistan, a exprimé sa grande appréciation pour l'expérience de collaboration avec la Chine. Selon lui, des pays relativement petits qui ne sont pas capables d'aller à l'espace par eux-mêmes devraient avoir l'occasion de mener certaines recherches spatiales.

"Nous sommes très fiers de prendre part à cette mission historique", a déclaré Pierre-Yves Meslin, enquêteur principal de l'instrument Detection of Outgassing RadoN de la France, ajoutant qu'il souhaitait voir davantage de coopération spatiale entre les deux pays.

"La nature véritable de l'exploration spatiale nous encourage à penser notre planète comme une, et nous encourage à penser l'humanité ensemble. Il est très important pour nous de continuer notre jeune voyage dans l'espace en travaillant ensemble", a déclaré Neil Melville-Kenney, agent technique de l'ASE chargé des ions négatifs sur la surface lunaire.

(Web editor: Ying Xie, Yishuang Liu)

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