En plus de l'opérationnalisation d'un salon international à Yaoundé qui a tenu ses premières éditions en 2010 et 2012, le Cameroun se dote d'un centre international de l'artisanat attrayant au coeur de sa capitale, une illustration de l'amélioration des politiques nationales qui favorise l'accroissement de la compétitivité de ce secteur en Afrique.
Sur une population de plus de 20 millions d'habitants, environ 4.000 artisans sont recensés dans les dix régions de ce pays d'Afrique centrale par le Corps national des artisans du Cameroun, répartis dans une quarantaine d'organisations et quelque 300 groupes et associations. Une loi votée par l'Assemblée nationale en juillet 2007 encadre le secteur.
C'est l'un des 26 pays membres du Comité d'orientation pour le développement et la promotion de l'artisanat africain (CODEPA) qui a tenu vendredi à Yaoundé sa sixième conférence ministérielle annuelle et reconduit pour un troisième mandat d'un an le ministre camerounais des Petites et moyennes entreprises, de l'Economie sociale et de l'Artisanat, Laurent Serge Etoundi Ngoa.
Parmi les chefs de délégation de ces assises, se distinguaient les ministres en charge de l'artisanat de sept autres pays, provenant notamment du Burkina Faso (siège du CODEPA), du Congo-Brazzaville, du Gabon, de la Guinée-Conakry, de Madagascar, du Mali et du Niger.
Pour Rafaël Paniagua, représentant de l'Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat de France, cette mise en synergie témoigne des liens qui existent les artisanats du monde de pays différents du monde.
« Evidemment, ils partagent tous la même culture de la proximité, la même culture de la transmission des savoir-faire et c'est la même culture aussi de la recherche d'une plus grande qualité pour porter des meilleurs produits à ses clients », a démontré à Xinhua l'expert français venu nouer des partenariats avec les participants à la conférence.
« On développe ici au Cameroun et dans d'autres pays africains un programme de compagnonnage artisanal. C'est un gage de l'enrichissement de la diversification, de la qualité et de la finition de l'artisanat africain », a-t-il poursuivi.
Avec le Cameroun, l'Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat a établi un partenariat qui vise à améliorer l'offre artisanale camerounaise. « On se rend compte que parfois il manque un effort de créativité, de design et d'adaptation aux tendances du marché contemporain et donc il faut travailler aussi pour enrichir l'offre artisanale et dans les autres pays », justifie Paniagua.
NECESSITE DE FORMATION
C'est un constat qui s'applique à la plupart des pays africains qui, pour ceux réunis au sein du CODEPA, reconnaissent chacun la nécessité de formation et de renforcement des capacités artistiques et techniques de leurs artisans.
« L'artisanat nigérien occupe 20% du produit intérieur brut. Maintenant notre défi, c'est de renforcer les capacités des artisans. Nous sommes en train de mettre en place très bientôt la Chambre des métiers et de l'artisanat où tous les artisans des différentes branches vont se retrouver », a rapporté à Xinhua la ministre nigérienne du Tourisme et de l'Artisanat, Yahaya Baaré Aoua Abdou.
La mise en place de cette chambre, explique la ministre, permettra de constituer un répertoire des artisans. Ceux-ci « pourront accéder aussi à des crédits qui vont leur permettre vraiment de bien finir leurs produits, parce qu'aujourd'hui le grand défi c'est la finition de nos produits. »
Le Niger dénombre entre 700 et 800 micro et petites entreprises artisanales. « Au sein de chaque micro-entreprise, on a deux à trois personnes. Donc, il faut renforcer justement ce secteur-là, parce que c'est un secteur qui génère des ressources et qui crée l'emploi aussi. Le programme du président de la République, c'est de créer 50.000 emplois par an. Je crois que c'est un secteur qui peut contribuer à la création de ces 50.000 emplois », assure la ministre du Tourisme et de l'Artisanat.
Au Congo-Brazzaville, selon la ministre des Petites, Moyennes entreprises et de l'Artisanat, Yvonne Adélaïde Mougany, les autorités ont « fait prendre conscience aux Congolais que l'artisanat est un secteur très important qui contribue au développement de l'économie nationale. A partir de ce moment-là, le gouvernement a décidé de créer des infrastructures devant permettre aux artisans de travailler dans de bonnes conditions ».
« Il y a le volet formation qui intervient, le volet structuration également des artisans et au niveau de la définition du cadre régissant l'artisanat, on a une loi qui dispose tout ce qui doit être fait en termes d'appuis multiformes à apporter aux artisans », affirme la ministre pour qui l'apport de ce secteur au PIB congolais reste encore inconnu, parce que beaucoup d'entreprises artisanales opèrent dans l'informel.
C'est une réalité qui n'est pas propre au Congo. « Il y a également un volet très important que nous avons lancé, qui concerne la protection sociale des artisans, parce qu'il faut aller à la valorisation du secteur, pour qu'on n'ait pas de la gêne à pouvoir se présenter comme étant artisan, dans la mesure où il y a eu des réussites extraordinaires dans le secteur artisanal dans d'autres pays ; il n'y a pas de raison qu'il n'y en ait pas chez nous », note en outre la ministre Mougany.
De son côté, le Gabon se réjouit plutôt des lauriers produits par ses créatifs artisans. « L'artisanat est un secteur important dans notre pays qui a eu l'occasion d'honorer notre pays à plusieurs manifestations foraines, à plusieurs salons en Afrique et au-delà. Récemment, à la Foire internationale de Dakar, nous avons eu le prix d'honneur grâce en partie à nos artisans », témoigne le ministre des Petites et Moyennes entreprises, de l'Artisanat et du Commerce, Fidèle Mengue me Engouang.
« De la même manière qu'au SIOA (Salon international de l'artisanat de Ouagadougou, NDLR) l'année dernière nous avons eu le premier prix de la Chambre de commerce grâce à un jeune compatriote dont l'uvre a retenu l'attention du jury et qui réalise des choses extraordinaires, notamment des lampes de salon avec des abat-jour à partir d'un matériau qui est le papier de récupération », poursuit le ministre.
PROTECTION DES UVRES
« Je voudrais signaler, spécifie-t-il, que l'artisanat nous honore par un produit qu'on connaît dans le monde entier : la pierre de Mbigou qui est notre carte de visite artisanale, notre pièce d'identité culturelle. C'est une pierre qu'on ne trouve qu'au Gabon, qui est taillée sous forme de statuettes, avec laquelle on fait des tableaux et qui voyage dans le monde entier. C'est notre principale production artisanale. »
Pour une meilleure valorisation de son artisanat, le gouvernement gabonais s'emploie à apporter une solution au problème d'accès aux crédits qui se pose aussi dans d'autres pays du CODEPA. « C'est un des chantiers auxquels nous travaillons en ce moment, notamment avec les établissements bancaires, avec la Banque gabonaise de développement qui a repris le Fonds d'aide et de garantie aux petites et moyennes entreprises dont les entreprises artisanales », informe le ministre Mengue me Engouang.
Selon lui, les discussions avec la Banque gabonaise de développement ont permis de concevoir « un certain nombre de produits bancaires qui sont plus adaptés aux besoins de l'artisanat et des PME d'une manière générale, et qui exigent d'eux des garanties moins contraignantes, moins lourdes que celles qui sont exigées pour les autres clients ».
Pour limiter le pillage que le continent subit, le secrétariat général du CODEPA met l'accent sur la protection des oeuvres. C'est un des objectifs de la galerie virtuelle en cours de mise en oeuvre. « On travaillera en collaboration avec l'OAPI ( Organisation africaine de la propriété intellectuelle, NDLR) qui est une structure qui travaille dans ce sens », annonce le secrétaire général, Sié Théophile Sib.
Le projet séduit la ministre nigérienne du Tourisme et de l'Artisanat pour qui « la protection des uvres de ces artisans est très importante. Ils sont en train de se battre pour pouvoir finir leurs produits et d'autres viennent, ils prennent ces produits-là, ils les retravaillent et ils les vendent cinq-six fois plus cher qu'au prix auquel ils viennent acheter au Niger ».