Le président français François Hollande a bouclé jeudi soir sa visite en Algérie, le premier voyage en terre maghrébine depuis son investiture à l'Elysée en mai dernier.
En 48 dernières heures, il a eu un calendrier très intense : bain de foule juste après sa décente d'avion, rencontre avec son homogue algérien, discours prononcé devant les députés des deux chambres du parlement, participation au forum économique algéro-francais, déplacement au sanctuaire des Martyrs, intervention dans l'Université Aboubakr Belkaïd à Tlemcen (à 520 km à l' ouest d' Alger) où il s'est vu attribuer le titre de docteur Honoris Causa....
La mission s'avère fructueuse. A son actif, la Déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération, ainsi qu'une dizaine d'accords dans tous les domaines. Ce qui fait croire une bonne augure vers le "partenariat stratégique d'égal à égal" que les deux pays cherchent à instaurer pour panser la plaie du passé.
RECONNAISSANCE DES SOUFFRANCES INFLIGEES AU PEUPLE ALGERIENS, MAIS PAS DE REPENTANCE
Pour la première fois, le président Hollande a reconnu, dans son allocution adressée jeudi aux députés des deux chambres du parlement algérien, les souffrances que la France coloniale avait fait subir au peuple algérien durant ses 132 ans d'occupation, dont les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, qui auraient fait 45 000 morts à la veille de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
"Je reconnais ici les souffrances que le système colonial français a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata qui demeurent profondément ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens", a déclaré le président français.
"Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système. Ce système a un nom. C'est le système colonial. Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste, brutal et destructeur. Rien ne peut justifier les agressions commises contre la population algérienne, la négation de son identité et de son aspiration à vivre libre", a-t-il indiqué.
"L'histoire, même quand elle est tragique, même quand elle est douloureuse pour nos deux pays, doit être dite. La vérité, même si elle est douloureuse, doit être dite et nous la devons à notre jeunesse qui veut construire l'avenir", a-t-il poursuivi.
Pourtant, M. Hollande s'est dispensé de "repentance ou excuse" pour les actes de l'ancienne colonie française.
"Je ne viens pas ici - ce n'est, ni ce qui m'est demandé, ni ce que je veux faire - faire repentance ou excuses. Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'Histoire (...) Il s' agit d' un voyage attendu, espéré, redouté et il était nécessaire non comme un aboutissement, mais comme un temps d' un nouvel âge que je veux engager 50 ans après", a fait savoir le président Hollande lors d' une conférence de presse mercredi.
En signe de, M. Hollande a rendu hommage aux martyrs de la guerre révolution algérienne en déposant une gerbe au Monument des Martyrs dans la capitale. Même geste à Maurice Audin, un militant anti-colonialiste qui aurait être torturé à mort par les forces coloniales françaises. Maurice Audin est considéré en Algérie comme un héros, et une célèbre place du centre-ville d'Alger est baptisé en son nom.
Dans la Déclaration d'Alger, les deux pays ont mis l'accent sur la nécessité de "mettre un terme" aux conflits mémoriels entre les deux pays. L'Algérie et la France doivent "regarder le passé en face, ensemble, avec lucidité et objectivité, tout en recherchant une voie originale permettant une lecture objective de l'histoire", indique le document.
MISSION ECONOMIQUE AU-DELA DE LA MEMOIRE
Le volet économique constitue la priorité du président Hollande, venu à la tête d'une importante délégation comprenant quelque 40 personnalités du milieu d'affaires.
Au cours de la visite, Alger et Paris ont scellé une douzaine d'accords de partenariat dans tous les domaines, dont la moitié sont liés aux secteurs de l'industrie automobile, de l'industrie pharmaceutique et de l'industrie l'agro-alimentaire.
Parmi eux, figure entre autre l'accord avec le groupe Renault pour la construction près d'Oran (à 480 km l'ouest d'Alger) d'une usine de montage susceptible de produire à compter de 2014 au moins 25.000 véhicules par an.
En outre, le laboratoire pharmaceutique français Sanofi-Aventis a scellé un accord sur la mise en place d'une usine de production de médicaments dans la localité de Sidi Abdellah, à l'ouest d'Alger, pour une valeur de 70 millions d'euros. Cette usine, qui sera en service dans trois ans, deviendra le plus grand dans la région la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), avec une capacité de production de 100 millions de boites/an de médicaments de formes sèche et liquide.
Ces contrats ont tous été signés en fonction de la règle 51/49 régissant les investissements étrangers en Algérie, qui prévoit un actionnariat algérien d'au moins 51% du capital social.
M. Hollande a qualifié l'Algérie de "partenaire majeur" pour la France, insistant sur la complémentarité sur laquelle doit reposer la relation économique algéro-française.
"Vu l'histoire, le présent, mais aussi la complémentarité entre les deux pays, tout conduit à ce que l'Algérie soit un partenaire majeur pour la France (...) La France doit être au rendez-vous que l'Algérie lui a donné. Nous devons orienter nos modèles de croissance", a fait savoir M. Hollande lors de son intervention au forum économique algéro-français.
Il a aussi plaidé pour la diversification de la présence économique française en Algérie, en vue d'une amélioration "sur le plan qualitatif".
A cet égard, M. Hollande a exhorté les entreprises françaises à diversifier leurs affaires en Algérie pour ne pas se concentrer sur les secteurs traditionnels comme celui des bâtiments et des travaux publics, tout en invitant à une participation accrue des PME françaises dans l'investissement en Algérie, parallèlement avec les grandes entreprises déjà présentes sur le marché algérien.
Pour donner un nouvel élan à la coopération économique, les deux pays ont convenu de créer un "comité mixte de suivi de la relation économique bilatérale", qui aura pour mission de présenter "régulièrement" un rapport aux deux gouvernements sur l'état de cette relation et formuler à leur intention des recommandations.
UN PARTENARIAT TOUS AZIMUTS
Les deux pays cherchent à développer un partenariat "exemplaire et ambitieux, fondé sur l'égalité, le respect mutuel, l'équilibre des intérêts et la solidarité", indique la Déclaration d'Alger, qui devrait servir de cadre pour le futur développement économique bilatéral.
Ce partenariat stratégique devra "inclure toutes les dimensions de notre relation et aura vocation à se développer rapidement dans les tous les domaines".
Les deux parties entendent aussi jouer un "rôle exceptionnel" dans la construction d'un espace euro-méditerranéen de paix et de sécurité, de démocratie, de justice et de liberté, de développement et de prospérité.
Pour ce qui concerne le dialogue politique, les deux pays ont convenu de trouver ensemble des réponses adaptées aux défis d'un monde en profonde mutation, en renforçant leurs échanges à haut niveau sur les questions internationales et régionales d'intérêt commun.
Les deux parties sont d'accord pour mettre en place un "Comité intergouvernemental de haut niveau", qui, présidé par les deux Premier ministres, tiendra sa première réunion en 2013, avant de se réunir ensuite à intervalles réguliers selon des modalités.
Par ailleurs, l'Algérie et la France ont convenu de "favoriser le plus largement possible la mobilité de leurs ressortissants entre les deux pays". "Les efforts engagés, à cet effet, donneront lieu à une concertation régulière au niveau diplomatique et consulaire".
Les deux pays s'efforceront de répondre aux préoccupations exprimées par l'une des parties, en ce qui concerne l'entrée et le séjour de ses ressortissants sur le territoire de l'autre, ainsi que le respect de leurs droits.
Outre les contrats économiques, les deux pays ont aussi signé une série d'accords dans divers domaines, dont un document-cadre de partenariat pour la période 2013-2017, une convention de partenariat et de coopération dans le domaine de l'agriculture, du développement rural et de l'agroalimentaire, un procès-verbal d'échange des instruments de ratification et d'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense, un mémorandum de coopération financière, un accord de partenariat relatif à la construction de l'usine automobile Renault-Algérie, un arrangement administratif relatif à la coopération en matière de protection et de sécurité civile, et d'une déclaration sur le partenariat industriel et productif.