De tous les dossiers inscrits au menu du 20e sommet de l'Union africaine (UA) qui a poursuivi jeudi par la réunion des ministres des Affaires étrangères ses travaux ouverts lundi au niveau des experts à Addis- Abeba, siège de l'organisation continentale en Ethiopie, la crise malienne en est le plus crucial, un appel à l'aide financière étant en voie de déclenchement.
Avant la tenue le 29 janvier dans la capitale éthiopienne d'une conférence des donateurs sur le Mali, le Conseil de paix et de sécurité (APS) de l'UA s'est penchée lors de sa 22e session ordinaire jeudi sur cette crise où une Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) qui prévoit le déploiement de troupes d' autres pays africains en soutien à l'armée malienne, déjà appuyée par une opération française.
Président en exercice du CPS, le ministre béninois des Affaires étrangères, de l'Intégration africaine, de la Francophonie et des Béninois de l'extérieur, Nassirou Bako-Arifari s'est réjoui de ce que "le compte à rebours a commencé dans la résolution de la crise malienne", notant que celle-ci "reste non seulement un grand défi pour la sous-région ouest-africaine, mais surtout une réelle menace à la paix et à la sécurité pour tout le continent, et au- delà pour l'ensemble de la communauté internationale".
Pour le ministre sénégalais des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur, Mankeur Ndiaye, "l'intervention de la France a permis de stopper la progression des terroristes et de sauver le Mali en tant qu'Etat". "Nous avons dit très clairement que si la France n'était pas intervenue, peut-être qu'il n'y aurait plus de Mali aujourd'hui", a-t-il souligné à la presse.
Sur un total de 500 soldats prévus pour la contribution du Sénégal à l'état-major de la Communauté économique des Etats de l' Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à laquelle le Mali appartient, "50 éléments précurseurs sont déjà sur le terrain, les autres sont en préparation", a indiqué le ministre Ndiaye.
Autre pays d'Afrique de l'Ouest, le Niger, selon son ministre des Affaires étrangères, de la Coopération, de l'Intégration africaine et des Nigériens à l'extérieur, Mohamed Bazoum, a décidé de son côté d'envoyer au front un contingent de 650 éléments, " très bientôt, aussitôt que le commandement de la MISMA leur en aura donné l'ordre".
"Je pense que la guerre a été facilitée par l'intervention de la France et le travail qu'elle a déjà accompli. C'est un vaste territoire, mais nous avons des soldats qui ont toujours opéré dans le désert et qui ne seront pas dépaysés au Mali", a aussi souligné à Xinhua le ministre Bazoum qui a voulu minimiser le spectre d'une longue guerre pour libérer le Mali des groupes terroristes après le putsch de février 2012 du capitaine Amadou Sanogo contre le président Amadou Toumani Touré.
Cette opinion se situe aux antipodes des réflexions de nombre d' observateurs et think-tanks africains qui annoncent une tâche extrêmement ardue pour la réussite de la MISMA. Chargé de programme à l'Institut d'études de sécurité de Pretoria en Afrique du Sud, le Camerounais Paul-Simon Handy pense par exemple que "la guerre sera longue, parce que la menace est mouvante, on a de la peine à clairement identifier quelles sont les différentes ramifications que cette menace peut prendre".
"Il s'agit de mouvements qui ont une capacité de se réformer, de nouer des alliances éphémères mais très pernicieuses. La guerre sera longue aussi parce que naturellement quand on sait qu'il y a un déploiement de troupes étrangères, particulièrement européennes et françaises dans cette partie de l'Afrique, ça attise des recrutements d'extrémistes de par le monde et qui viennent en renfort des mouvements déjà sur place", estime le chercheur.
"Si la France, poursuit-il, a ce qu'on peut appeler une sorte de +exit strategy+, ce n'est pas le cas forcément pour les troupes africaines. On sait qu'elles viennent, on ne sait pas combien de temps elles vont rester là ; on ne sait pas quelle forme d' engagement militaire elles vont prendre sur le terrain", dit-il.
A cette analyse, le ministre sénégalais des Affaires étrangères réagit en affirmant que "c'est une guerre qu'il faut mener avec tous les moyens et avec tout le temps nécessaire pour sécuriser le Sahel, en commençant par sécuriser le Mali et le Nord-Mali, mettre hors d'état de nuire les organisations criminelles et terroristes narco-djihadistes qui veulent nous imposer une façon de voir et de penser, une façon de pratiquer l'islam, ce qui est inacceptable".
"C'est une guerre pour laquelle nous mettrons tous les moyens de notre côté pour la remporter", a-t-il martelé à Xinhua.
Hors de l'Afrique de l'Ouest, d'autres pays africains ont accepté de participer à la MISMA. C'est le cas du Tchad qui a promis l'envoi de 2.000 soldats parmi lesquels entre 400 et 500 se trouvent déjà sur le terrain et le reste des troupes suivra à travers un déploiement progressif, a fait savoir à Xinhua le ministre des Affaires étrangères et de l'Intégration africaine, Moussa Faki Mahamat.
Le directeur du département de la paix et de la sécurité de la Commission de l'Union africaine, El Ghassim Wane, a par ailleurs mentionné sur la liste le Burundi et a appelé à la contribution de la Chine lors de la conférence des donateurs du 29 janvier, qui aura lieu au lendemain de la clôture du 20e sommet des chefs d' Etat de l'UA prévu les jours d'auparavant.
Puissance continentale, l'Afrique du Sud exclut tout envoi de troupes, mais se dit disposée à fournir son appui pour permettre le retour à l'ordre constitutionnel au Mali. "Nous allons contribuer dans ce sens en tant que pays membre de l'Union africaine", a laissé entendre la ministre des Relations internationales et de la Coopération, Maite Nkoana-Mashabane.
Par Raphaël MVOGO