Des observateurs et experts interviewés par Xinhua ont apporté leurs analyses sur ce qui pourrait se passer après la proclamation du résultat provisoire du premier tour de l'élection présidentielle du 25 octobre dernier.
D'après les chiffres publiés par la Commission électorale nationale indépendante pour la transition (CENIT), vendredi après- midi, Jean-Louis Robinson qui a obtenu 955.534 voix correspondant à 21,10% des suffrages exprimés et Hery Rajaonarimampianina avec 721.206 voix (15,93%) s'affronteront au deuxième tour de l' élection présidentielle du 20 décembre prochain.
Le professeur Jean Eric Rakotoarisoa, expert en droit constitutionnel a mentionné qu'il s'agit ici d'un duel par candidat interposé entre l'ancien président exilé en Afrique du Sud, Marc Ravalomanana et le président de la transition Andry Rajoelina étant donné que Jean-Louis Robinson est le candidat officiellement appuyé par Ravalomanana tandis que Hery Rajaonarimampianina a eu l'appui officieux de Rajoelina.
« Il faut quand même noter que Jean-Louis Robinson a eu 21,10% et Hery Rajaonarimampianina 15,93%, ce qui signifie que leur base électorale est très limitée et que la majorité des électeurs n'ont pas voté en leur faveur et donc ils devront effectuer un grand travail pour convaincre les électeurs au second tour pour aller au- delà de ce qu'ils ont obtenu au premier tour », a continué Jean Eric Rakotoarisoa.
« Si jamais l'un des deux soit élu Président de la République de Madagascar, il faudra tenir compte de ce résultat de premier tour de l'élection présidentielle comme quoi la majorité n'a pas voté en leur faveur, et ce futur président devra faire des efforts pour gouverner au nom de tous les 22 millions de Malgaches et ne pas se contenter de leur base électorale qui est très limitée », a souligné cet expert.
En ce qui concerne le deuxième tour, Jean Eric Rakotoarisoa a indiqué que des tractations avec les candidats perdants sont en cours mais « même si les candidats ont donné de consigne de vote, ce n'est pas sûr que les électeurs vont suivre ces consignes », a- t-il soulevé.
Les résultats des élections législatives joueront également un rôle majeur dans l'avenir du pays puisque le futur président ne pourra pas faire grande chose s'il n'a pas de majorité à l' assemblée nationale, a-t-il précisé.
L'expert en science politique, Raniriharinosy Harimanana, quant à lui a une autre position concernant le résultat du premier tour de l'élection présidentielle. « La crise va encore continuer puisque le résultat du scrutin qui vient d'être fait est sans surprise état donné que les deux candidats vainqueurs représentent les deux protagonistes de la crise malgache (Ravalomanana et Rajoelina) et que Madagascar est toujours à la recherche d'une troisième voix d'alternance », a-t-il dit.
Pour le deuxième tour, il va y avoir des jeux d'alliances qui sont animés essentiellement par des intérêts financiers, économiques et personnels de ces deux candidats et qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général et national, a analysé Raniriharinosy.
« Il va y avoir des jeux d'alliance imprévisible et complexe puisque les grand ténors de la mouvance Rajoelina dont Edgard Razafindravahy (4,35% au premier tour) qui a été candidat du parti TGV (Tanora Gasy Vonona – Jeune Malgache Prêt) mais n'ayant pas eu l'appui officiel de Rajoelina et Camille Vital, ancien Premier ministre de la transition (6,85%), seront tout naturellement jaloux de Hery Rajaonarimampianina. Il est fort possible que ces candidats s'aligneront du côté de Jean-Louis Robinson, a supposé l' expert en science politique.
Une autre analyse de la situation a été apportée par l'expert en science sociale, Paul Rabary selon laquelle le premier tour de l'élection présidentielle est considéré comme une sorte de primaire entre les deux mouvances de Ravalomanana et de Rajoelina. Cette fois-ci, la mouvance Rajoelina qui a présenté plusieurs candidats, arrive à peu près à gagner la majorité relative des voix tandis que la mouvance Ravalomanana via le candidat Jean- Louis Robinson ne représente même pas le quart des choix des électeurs et des votants, a-t-il indiqué.
Des alliances naturelles et contre nature vont être formées, il y en a ceux des équipes de Rajoelina qui vont rejoindre la mouvance Ravalomanana et appuyer Jean-Louis Robinson, c'est fort possible mais les alliances ne signifient rien puisque la population et les voix des électeurs n'appartiennent pas au candidat et le résultat des alliances resteront aléatoires, a-t-il souligné.
En ce qui concerne le dénouement de la crise après les élections, l'expert est plus positif en avançant que le fond de la crise était le manque de légitimité et de légalité des dirigeants depuis 2009 ainsi que la non reconnaissance du coup d'Etat et des acteurs du coup d'Etat, et à partir du moment où la communauté internationale valide les élections par la présence des observateurs et l'accord d'une reconnaissance internationale aux dirigeants de Madagascar, la crise est résolue.
Notons que ces élections dont la présidentielle et les législatives ont été organisées en vue de sortir Madagascar de la crise de près de cinq ans.