Dernière mise à jour à 11h17 le 11/04
Les Tchadiens votent dimanche pour élire leur futur président à l'occasion d'une élection présidentielle à haute tension avec en lice treize candidats dont le chef de l'Etat sortant Idriss Deby Itno, en quête d'un cinquième mandat consécutif depuis la tenue du premier scrutin pluraliste en 1996, cinq ans après sa prise du pouvoir par les armes.
Pour pouvoir l'emporter face à ses adversaires, le président sortant, 64 ans, a parcouru pour la première fois les quatre coins du territoire national pour convaincre la population de lui renouveler sa confiance et lui permettre de poursuivre son action jalonnée de réalisations appréciables, aux yeux de ses partisans du Mouvement patriotique du salut (MPS, son parti) et ses alliés.
Lors des deux scrutins précédents de 2006 et 2011 boycottés par l'opposition, il avait été réélu dès le premier tour avec respectivement 77,53% et 88,26% des voix, selon les résultats officiels. En 2001 déjà, il s'était imposé par 63,17% des voix et cinq ans auparavant, il avait battu au second tour Wadal Abdelkader Kamougué, par 69,09% des voix.
Pour le rendez-vous électoral actuel, il promet à ses concurrents un "coup KO", expression à la mode utilisée pour leur réélection dès le premier tour par les présidents congolais Denis Sassou Nguesso et nigérien Mahamadou Issoufou.
Face à lui, une opposition en rangs dispersés d'où émergent tout de même quelques figures imposantes, au rang desquelles l'ancien journaliste ayant occupé plusieurs postes ministériels Saleh Kebzabo, de l'Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR).
C'est d'ailleurs son principal challengeur, dont le poids électoral apparaît cependant menacé avec la montée en puissance de l'ex-Premier ministre Joseph Djimrangar Dadnadji, leader du Cadre d'action populaire pour la solidarité, l'unité et le République (CAP-SUR), créé il y a moins d'un an seulement.
Dans ce camp, d'autres personnages comme le député Gali Ngoté Gatta, de l'Union des forces démocratiques (UFD), le maire de Moundou (Sud) Laoukein Kourayo Mbaiherem, de la Convention tchadienne pour la paix et le développement (CTPD), ou encore Mahamat Ahmat Al- Alhabo, du Parti pour les libertés et le développement (PLD), captivent aussi l'électorat.
Pour l'heure, nul ne peut prédire qui du locataire du Palais de 15 janvier et de ses adversaires sera le vainqueur de la présidentielle. Mais, pour ces derniers les jeux sont déjà faits.
A en croire Djimrangar Dadnadji, dans sa région natale de Mandoul (Sud), à la frontière centrafricaine, le président Deby Itno "veut gagner et il veut gagner par tous les moyens. Son résultat est même déjà connu. Avant l'élection, c'était 60% [des voix]. Maintenant, c'est 54%".
Wardougou Djimi, un ex-militaire passé à l'opposition après avoir été radié de l'armée et jeté en prison pour trois en 2011, a parlé de "deux options". "Si Deby gagne au premier tour, c'est le chaos. Au second tour, il n'a aucune chance : on va tous se ranger derrière son adversaire de l'opposition", prévient-il cependant.
Réunie au sein d'une coalition sur la base d'un "accord de l'opposition pour la sécurisation du vote et des rapports entre signataires après les élections", l'opposition accuse le pouvoir de "bourrages d'urnes", de "création de bureaux de vote fictifs" et d'"intimidation des électeurs", et promet la "résistance populaire" en cas de "hold-up électoral" de la part du pouvoir de N'Djamena.
Ces déclarations viennent alourdir un climat déjà agité, à cause d'un mécontentement manifesté par deux grèves simultanées dans la santé et l'éducation, deux secteurs clés de la vie nationale, et l'arrestation de plusieurs acteurs de la société civile par ce régime, accusé de dérives autoritaires.
En cause, une gouvernance sujette à caution accentuée par les effets pervers de la chute des cours mondiaux de pétrole et d'autres matières premières sur une économie nationale peu diversifiée.
A l'origine de la perte d'emplois par des centaines de Tchadiens, la baisse des prix de pétrole est un énorme boulet pour les autorités, désormais sur le gril pour une population de plus en plus explosée aux affres de la paupérisation.
Depuis environ six mois, les salaires des fonctionnaires et autres agents de l'Etat peinent à être régulièrement payés. Les dettes de l'Etat auprès des banques commerciales ne cessent à cet effet d'accroître.
Déjà en guerre contre la secte islamiste nigériane Boko Haram, le pouvoir prend les menaces de conflit ouvert de l'opposition au sérieux, en faisant diffuser par la radio et la télévision à capitaux publics un message par lequel il appelle la population à "redoubler de vigilance et collaborer avec les forces de défense et de sécurité en dénonçant toute personne ou colis suspect".
Organisé depuis 6H00 locales (5H00 GMT), le scrutin est prévu de se dérouler jusqu'à 17H30 (16H30 GMT), un total de onze heures et de demie de vote.
Dans l'ensemble, aucun incident majeur n'était signalé, mais au sein de la population il s'observe une certaine psychose. Pour certains, il y a surtout lieu de craindre les moments suivant l'annonce des résultats, projetée dans un délai de deux semaines, selon des sources proches du pouvoir.