Dernière mise à jour à 15h37 le 21/09
Joseph Nye, célèbre expert en relations internationales et professeur à Harvard, a accordé une interview exclusive au Quotidien du Peuple le 16 septembre, dans laquelle il a déclaré que c'est en renforçant les échanges à tous les niveaux, en portant un regard objectif et rationnel l'un sur l'autre, que la Chine et les Etats-Unis pourront complètement échapper au « piège de Thucydide ».
Il a souligné que tout un chacun est préoccupé par le fait de savoir si la Chine et les Etats-Unis vont ou non se lancer sur le vieux chemin historique de l'inévitable confrontation entre une nouvelle puissance émergente et une puissance conservatrice, si les relations sino-américaines ne vont pas tomber dans le « piège de Thucydide ». Sur ce point, Joseph Nye estime que la Chine et les Etats-Unis ne partiront pas sur cette vieille route ; la Chine est un participant constructif à l'ordre international et elle est toute disposée à rendre l'ordre international plus parfait, plutôt qu'à le contester.
Le professeur Nye a précisé que, depuis longtemps, il y a beaucoup de discussions aux Etats-Unis sur les relations américano-chinoises, et que des sujets comme le possible déclin des États-Unis, les relations sino-américaines et d'autres encore ont suscité de vastes préoccupations, certaines personnes craignant que la concurrence et les conflits entre les deux pays soit inévitable. Le professeur Lampton, expert sur la Chine avait parlé de « point de basculement » pour décrire les relations sino-américaines actuelles, et sur ce point, Joseph Nye dit que « Beaucoup de ses vues sont très perspicaces, mais l'argument du ‘point de basculement' me semble un peu trop fort. La Chine et les Etats-Unis sont tout à fait capables de se comprendre en profondeur et d'éviter les conflits ».
Quant au « piège de Thucydide », le Professeur Nye a souligné que la raison qui fit qu'Athènes et Sparte entrèrent en guerre fut l'inévitable montée en puissance d'Athènes et l'incapacité de Sparte à éviter la peur, que les relations sino-américaines actuelles sont différentes de celles entre Athènes et Sparte et qu'il ne saurait y avoir une simple analogie. « Actuellement, il y a de plus en plus d'échanges sino-américains à différents niveaux, les touristes et les étudiants chinois permettent aux deux pays et aux deux peuples de se connaitre en profondeur l'un l'autre, ce qui fait que les deux pays ne sauraient tomber dans une peur née de l'ignorance. Par conséquent, les Etats-Unis et la Chine sont tout à fait en mesure d'éviter le ‘piège de Thucydide' ».
Selon Joseph Nye, penser que la Chine va profiter de son rôle croissant dans les affaires internationales pour saper celui des États-Unis, comme dans un jeu à somme nulle, est stupide. Par exemple, évoquant la banque d'investissement en Asie, il se demande qui a bien pu inciter les autres pays à refuser de la rejoindre, et qu'heureusement, l'administration Obama a ajusté sa politique au sujet de cette banque. Quant au partenariat trans-pacifique, si la Chine en a la volonté un jour, son adhésion devrait être la bienvenue.
En ce qui concerne les problèmes actuels des relations sino-américaines, le Professeur Nye estime que même si les échanges économiques et commerciaux et les échanges culturels bilatéraux continuent d'augmenter, la compréhension mutuelle et la confiance mutuelle sont insuffisantes, ce qui se traduit par de nombreux problèmes. Le désaccord entre les États-Unis et la Chine sur la question de la sécurité du réseau est dans une certaine mesure une illustration de ce manque de confiance mutuelle, les deux parties doivent coopérer davantage dans le domaine de la sécurité des réseaux et avoir moins de soupçons. « La Chine et les Etats-Unis doivent renforcer leurs échanges, et avoir une vue objective et équilibrée l'un de l'autre ».
Joseph Nye estime que bien que la Chine continue à se développer, les Etats-Unis ont encore un avantage unique, et que donc il n'y a aucune raison d'avoir de l'anxiété. La menace chinoise est souvent exagérée par le public et les experts américains, de même que gonfler et rabaisser le développement de la Chine est erroné. Il faut plutôt voir le développement économique de la Chine comme une sorte de « retour », et si l'on ne prend pas en compte le contexte historique, la situation de développement de la Chine, il est facile de sur-réagir face à son développement actuel.
Enfin, au sujet des relations internationales, du transfert du pouvoir, Joseph Nye estime que le transfert de pouvoir entre les pays, entre les gouvernements et les organisations internationales et entre les ONG est un phénomène normal, et qu'il faut apprendre à s'adapter.
(Zhang Penghui, journaliste au Quotidien du Peuple)