Une « bataille » pour déterminer le cours de l'or a lié deux groupes d'individus rarement associés dans d'autres circonstances : les magnats de Wall Street et les ménagères chinoises. Ces dernières ont finalement pris le dessus.
Selon l'émission de radio « La Voix de la Chine », l'un des mots clés de l'année pourrait être « les ménagères chinoises », en passe de devenir une force majeure en dépensant 100 milliards de yuans (16 milliards de dollars) au cours des deux dernières semaines dans l'achat de 300 tonnes d'or, et contribuant ainsi à maintenir le cours de l'or à 1 468 dollars l'once.
La « ruée vers l'or » chinoise a empêché la vente à découvert, qui se produit lorsque l'or est vendu puis racheté en période de baisse du cours. Cette pratique est vue comme une option pour soutenir le dollar, car l'or est souvent considéré comme un moyen de préserver la richesse contre un dollar faible, et pour maintenir des taux d'intérêt stables aux États-Unis.
Ce dernier épisode de soif de l'or en Chine a commencé à la mi-avril suite à la baisse du cours mondial de l'or, après que les autorités chypriotes se sont engagées à vendre les réserves excédentaires du pays.
Le 12 et le 15 avril, le cours international de l'or a chuté de 15 %, de 1 560 dollars l'once à 1 330 dollars l'once.
La note de Goldman Sachs
Certains analystes ont déclaré que la chute du cours de l'or était une stratégie des banquiers d'investissement pour soutenir l'économie américaine, car deux jours avant la chute du cours, Goldman Sachs a publié une note indiquant des perspectives de baisse pour l'or cette l'année et recommandant aux investisseurs de vendre à découvert.
Avant Goldman Sachs, d'autres banques d'investissement, dont Barclays, la Société Générale et Deutsche Bank avaient également prédit la fin de la hausse du cours de l'or que l'on observe depuis 12 ans. La Société Générale a même prédit un krach pur et simple, en jugeant que « l'or est peut-être arrivé en bout de piste. »
Le 13 avril, le groupe China National Gold, le plus grand producteur d'or du pays, a réduit le prix du lingot d'or de 313 yuans à 298,5 yuans le gramme, le plus bas niveau en deux ans.
Cela a éveillé l'intérêt des acheteurs chinois, qui se sont précipités vers les joailleries pour ne pas laisser passer une bonne affaire. Dans la plupart des villes chinoises, les lingots d'or se sont vendus comme des petits pains et certaines ruptures de stock ont même été rapportées dans les médias durant les congés de la fête du Travail.
Selon les médias, certains ont dépensé plus de 10 millions de yuans pour acquérir de l'or, qui est vu comme un porte-bonheur en Chine, en plus de sa valeur d'investissement de long terme.
Grand rebond
Le nombre d'acheteurs d'or chinois et l'argent qu'ils ont dépensé ont eu raison des prévisions des banquiers d'investissement pariant une baisse continue du cours mondial.
« Un grand rebond du cours de l'or est peu probable à moins d'un fort retournement inattendu dans la reprise américaine », avaient écrit les analystes de Goldman Sachs dans leur note.
Mais à leur grande déception, le cours de l'or avait augmenté de plus de 10 % hier par rapport au 16 avril.
Guo Tianyong, professeur à l'université centrale des Finances et de l'Économie, a estimé que l'on voyait là la concrétisation de sa dernière analyse du marché de l'or, en prenant les « ménagères » chinoises en considération.
« Les Chinois aiment naturellement l'or, mais un tel engouement est le reflet des canaux d'investissement très limités en Chine », a déclaré M. Guo.
Cependant, l'effet pourrait être de courte durée. Tom Kendall, analyste auprès du Crédit Suisse, a prédit que l'or ne connaitrait pas de longue hausse constante.
« Les acheteurs sont sensibles au prix et ils ne continueront pas à acheter indéfiniment si le prix monte », a-t-il déclaré à Reuters.