Dernière mise à jour à 08h19 le 28/03
Dans un monde soucieux de réduire les risques de sécurité aérienne posés par le comportement humain et la nécessité de récupérer toutes les données cruciales pour analyser une catastrophe, l'avionneur chinois COMAC (Commercial Aircraft Corporation of China) a décidé de mettre à profit les mégadonnées (big data) et la technologie dématérialisée (cloud) pour construire des avions plus sûrs.
"L'heure de la révolution dans la sécurité aéronautique est venue", a confié vendredi à Xinhua, Wei Ye, patron de la filiale américaine de la COMAC.
En France, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) pour la sécurité de l'aviation civile a récemment confirmé que la catastrophe de la compagnie allemande low-cost Germanwings survenue il y a un an avait été délibérément provoquée par son copilote, Andreas Lubitz, qui souffrait de dépression.
Alors qu'il assurait la liaison Dortmund-Barcelone, l'Airbus A320 s'est écrasé le 24 mars 2015 dans le sud-est de la France, tuant les 150 personnes à bord.
Pour minimiser les risques humains, la COMAC America étudie le concept de "vol sans pilote sous supervision humaine" à l'aide d'un puissant ordinateur opéré depuis un environnement clos et sans influence extérieure.
"Privé de l'influence des émotions et des mauvaises manipulations des pilotes, un avion piloté par ordinateur est plus sûr qu'un avion piloté par l'homme", assure Wei Ye.
Dans un appareil sans pilote, un disque dur contenant des mégadonnées, dont les plans de vol, les informations météo, les procédures d'urgence et les données sur 200 pilotes cumulées ces vingt dernières années, pourrait bien être le "pilote" du futur. Ainsi, les pilotes humains pourraient connecter le disque dur au cockpit et surveiller le vol depuis un autre compartiment.
Pour la COMAC, ce concept pourrait bien devenir la nouvelle tendance dans l'aviation civile et être testé d'abord sur des vols cargo.
Parallèlement, l'avionneur travaille également à améliorer la capacité à suivre un appareil en vol.
En effet, lorsque les "boîtes noires" sont manquantes après une catastrophe, il devient très difficile d'en analyser les raisons, de localiser le site du drame et de mener rapidement des recherches.
Prenons l'exemple du vol MH370. Les autorités malaisiennes ont récemment annoncé que deux débris découverts au Mozambique appartenaient bien à un Boeing 777 et donc très certainement à l'appareil de la Malaysia Airlines mystérieusement disparu en mars 2014 au-dessus de l'océan Indien avec 239 personnes à bord.
Faute d'avoir retrouvé les boîtes noires, on est aujourd'hui confronté à l'un des plus grands mystères de l'histoire moderne de l'aviation civile commerciale.
En décembre 2015, l'Union européenne a annoncé de nouvelles règles en matière de traçabilité tant des appareils en vol que de leurs enregistreurs.
La COMAC travaille depuis deux ans au développement d'un système d'urgence de localisation et d'enregistrement baptisé Harbinger et qui viendrait s'ajouter en complément aux boîtes noires classiques : l'enregistreur des données de vol (DFR) et l'enregistreur des conversations dans le cockpit (CVR).
Le module Harbinger pourrait ainsi être éjecté de la queue de l'avion lorsque ce dernier est sur le point de s'écraser, emportant avec lui les informations concernant les dernières minutes précédant le drame. Il transmettrait alors ces données par satellite, tout en en conservant une copie.
Equipé d'un système d'atterrissage en douceur, le Harbinger pourrait résister à un impact sur terre ou en mer. Il pourrait ensuite émettre des signaux permettant de le retrouver.
Un brevet a été déposé aux Etats-Unis et dans d'autres pays, tandis que les pièces du prototype ont déjà été construites.
L'avionneur chinois s'est associé dans ce projet avec l'entreprise californienne FTS Technologies, spécialisée dans la fourniture de solutions clés en main en matière de connectivité Internet, afin de développer de nouvelles fonctions dans le domaine du transfert rapide de données sans fil.
Les experts de la COMAC disent aussi travailler sur un modèle de gestion de vie intelligente qui permettrait d'accroître "la conscience de soi" de l'appareil.
A la différence des tests de fatigue, ce projet vise à calculer grâce à un algorithme la durée de service des systèmes très étendus et complexes qu'on trouve aujourd'hui à bord des avions modernes. Ainsi, toutes les données de sécurité seraient collectées avant le décollage.
La filiale américaine de la COMAC élabore également une plateforme en ligne de conseils aéronautiques, censée mettre en commun les ressources en ingénierie. Elle devrait voir le jour au second semestre de cette année.
"Cette plateforme pourrait bien transformer les modèles de recherche traditionnels, de développement et les services techniques", pronostique Wei Ye.