Dernière mise à jour à 15h45 le 24/11
En 2022, l'économie mondiale a été confrontée à des défis sous de nombreux aspects. La croissance économique a fortement baissé et les incertitudes ont encore augmenté. Comment l'économie mondiale se développera-t-elle à l'avenir ? Récemment, Lin Jianhai, l'ancien secrétaire général du FMI, a accordé un entretien exclusif au Quotidien du Peuple en ligne.
Le Quotidien du Peuple en ligne : Les prévisions récentes du FMI montrent que la croissance économique mondiale sera de 6% en 2021, 3,2% cette année et 2,7% l'année prochaine. Pourquoi le FMI a-t-il abaissé ses attentes ?
Lin Jianhai : Les raisons de la baisse de la croissance économique mondiale incluent l'impact négatif continu de la COVID-19, les dommages à la chaîne d'approvisionnement mondiale, les prix de l'énergie et des denrées alimentaires qui montent en flèche, les politiques de resserrement monétaire adoptées par les banques centrales des plus grandes économies développées et l'impact du conflit russo-ukrainien. Le FMI estime que le pire moment de l'économie mondiale n'est pas encore venu, et que l'année prochaine pourrait être encore plus difficile.
Les principales explications sont les suivantes :
1. Le FMI prévoit que la baisse de la croissance économique mondiale en 2023 sera répandue et que les économies représentant un tiers de l'économie mondiale pourraient enregistrer un déclin cette année et l'an prochain.
2. L'inflation reste élevée. Depuis le deuxième semestre de l'année dernière, les prix aux États-Unis et dans d'autres économies développés ont généralement augmenté rapidement, dépassant de loin les prédictions des départements politiques, des économistes et des institutions financières internationales, y compris le FMI. Dans de nombreuses économies développées, l'inflation a approché ou dépassé 10%, le niveau le plus élevé au cours des dernières décennies.
3. De nombreux marchés émergents et pays en développement sont confrontés à de graves difficultés. Les changements spectaculaires de l'économie mondiale ont eu de nombreux impacts négatifs sur ces pays, notamment parce que le ralentissement de la croissance économique mondiale réduit la demande pour leurs exportations, la hausse des taux d'intérêt dans les économies développées et le resserrement des marchés financiers mondiaux vont augmenter les difficultés et le coût du financement de ces pays. Les récentes difficultés économiques rencontrées par plusieurs pays en développement sont un bon exemple.
Le Quotidien du Peuple en ligne : A quels défis majeurs l'économie mondiale sera-t-elle confrontée dans la période à venir ?
Lin Jianhai : Tout d'abord, pour les économies développées, il est impératif de contrôler et de réduire l'inflation. Le FMI estime que les banques centrales des grandes économies développées doivent continuer à faire avancer la politique de resserrement monétaire, espérant voir des effets évidents l'année prochaine. À l'heure actuelle, le taux d'intérêt du fonds fédéral de la Réserve fédérale américaine est de 3,75 à 4,0%. On pense généralement sur les marchés financiers que le taux d'intérêt du fonds fédéral atteindra plus de 5% au milieu de l'année prochaine, de sorte qu'il sera possible de vraiment réduire le taux d'inflation.
Récemment, on a également vu des opinions selon lesquelles, bien que les banques centrales d'autres économies développées augmentent leurs taux d'intérêt, si la Réserve fédérale américaine poursuit de manière excessive son resserrement de la politique monétaire pour réduire l'inflation, cela pourrait entraîner une récession économique inutile. Par conséquent, la politique monétaire se trouve aujourd'hui prise dans un dilemme entre la réduction de l'inflation et la prévention d'une récession excessive.
Deuxièmement, pour les marchés émergents et les pays en développement, la faible croissance, les prix élevés et les dettes élevées sont les trois problèmes urgents auxquels ils sont confrontés. En particulier en termes de dette, la forte augmentation et le renchérissement des taux d'intérêt américains cette année ont encore aggravé la dette de ces pays. De plus, si la situation du marché financier mondial s'inverse, ces pays pourront alors être confrontées à des sorties de capital à grande échelle, causant de nouvelles pressions de financement.
Troisièmement, à moyen à long terme, de nombreuses économies sont toujours confrontées à une stagnation à long terme de la croissance économique, à la croissance lente de la productivité du travail, à la baisse de la population de main-d'œuvre et à la pression liée à la lutte contre le changement climatique. Pour relever ces défis, nous devons accélérer l'innovation économique et la réforme structurelle.
Quatrièmement, au niveau mondial, les voix de la « démondialisation » continuent de monter, apportant de grandes difficultés et des incertitudes au développement économique mondial et à la coopération. Depuis les années 1980, la mondialisation économique a apporté des avantages tangibles à toutes les économies et à la grande majorité des gens. Elle a provoqué le renouvellement des industries nouvelles et anciennes, la large propagation des connaissances, des technologies et de l'information, a favorisé le développement vigoureux du commerce international et des activités financières et a considérablement amélioré le niveau de vie des gens.
En outre, l'intensification des risques géopolitiques ces dernières années, en particulier la série de sanctions économiques adoptées dans le cadre du conflit russo-ukrainien, notamment l'utilisation de moyens de paiement internationaux pour les sanctions et le gel des réserves de change de la Banque centrale nationale, a rendu la « fragmentation » de l'économie mondiale de plus en plus grave. Dans les années à venir, la « collectivisation » et la « régionalisation » économiques continueront probablement de s'intensifier, jetant une ombre sur la coopération et le développement économiques mondiaux.
Cinquièmement, faire face au changement climatique et promouvoir la transformation verte sont à la fois des défis et des opportunités. Pour atteindre l'objectif de limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale à moins de 2 degrés Celsius, les pays doivent réduire considérablement les émissions nettes de gaz à effet de serre. Dans le même temps, la recherche et le développement des technologies numériques mondiales, en particulier l'application extensive des nouvelles technologies financières, ont ouvert de larges perspectives pour le développement futur de l'économie mondiale, mais ont également apporté de nouveaux risques et défis pour la stabilité financière et des exigences en matière de surveillance financière.
L'expérience passée nous montre que la coopération internationale est le seul moyen, et le plus efficace, de surmonter la crise économique, et que les défis mondiaux doivent être relevés à l'échelle mondiale. Les défis environnementaux internationaux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui dépassent de loin les crises économiques et financières qui se sont produites au cours des dernières décennies. C'est pourquoi il est plus important de renforcer les échanges et les communications internationales, en particulier les efforts officiels et non gouvernementaux. Construire une économie mondiale stable, plus résiliente et plus inclusive nécessite les efforts conjoints de tous les pays.
Le Quotidien du Peuple en ligne : Que doit faire la Chine dans un tel environnement mondial ?
Lin Jianhai : Dans un environnement mondial caractérisé par des incertitudes croissantes, le développement économique de la Chine a besoin de « qualité » et de « quantité », qui sont toutes deux indispensables. C'est la clé pour parvenir à un développement durable de qualité et accéder progressivement aux rangs des pays à revenus élevés. Sur la base de l'expérience et des leçons du monde et du développement économique de la Chine, les cinq aspects suivants méritent l'attention.
Premièrement, nous devons maintenir un environnement macroéconomique stable. C'est la prémisse d'un développement durable de qualité.
Deuxièmement, nous devons changer la force motrice du développement et améliorer la productivité du travail. La clé est de passer de la croissance de l'apprentissage technologique à la croissance technologique. C'est le cœur d'un développement durable de qualité.
Troisièmement, nous devons constamment améliorer le système financier et promouvoir et développer davantage le secteur des services, qui est un pont pour un développement de haute qualité.
Quatrièmement, nous devons adhérer à l'ouverture et aux échanges de haut niveau, en particulier le commerce, la finance, l'investissement, les échanges entre les peuples et l'éducation culturelle, et également participer activement aux affaires internationales et à la prise de décisions. C'est une condition nécessaire pour un développement durable de qualité.
Cinquièmement enfin, nous devons continuer à promouvoir une croissance inclusive et verte et à améliorer le bien-être des personnes. C'est le but ultime d'un développement de haute qualité.
