La Conférence de Tokyo sur le Développement de l'Afrique (Ticad) s'est achevée à Yokohama, au Japon, le 3 juin, conférence lors de laquelle le Japon a annoncé un énorme projet d'aide aux pays africains au cours des cinq prochaines années.
La Conférence de Tokyo sur le Développement de l'Afrique est une conférence internationale co-organisée par le Japon, les Nations Unies, la Banque mondiale et d'autres organismes depuis 1993, et elle a lieu une fois tous les cinq ans au Japon. A la différence de l'édition précédente, lors de cette conférence, le Japon s'est montré particulièrement « généreux ».
L'agence de presse japonaise Kyodo News a rapporté que lors de la cérémonie d'ouverture, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a annoncé un plan d'aide à 10 pays africains afin de promouvoir la construction d'infrastructures. Le plan prévoit une aide gouvernementale de 1 400 milliards de Yens (environ 14 milliards de Dollars US), et dans les cinq prochaines l'aide du gouvernement et des entreprises se montera au total à environ 3 200 milliards de Yens (environ 32 milliards de Dollars US).
Pourquoi de telles libéralités de la part du Japon ? Shinzo Abe affirme que cette décision est un « plan de base stratégique ». Cette ambition affichée montre que, par-dessus tout, le Japon espère bien que cette aide du Japon à l'Afrique aura des retours très élevés.
En outre, les analystes estiment que les efforts du Japon pour augmenter son aide à l'Afrique sont aussi liés à des considérations regardant les ressources et les votes de l'Afrique.
Le Japon a toujours attaché une grande importance aux ressources naturelles de l'Afrique. L'année dernière, 10% du total des importations japonaises de gaz naturel liquéfié venaient de pays africains. Les analystes de Reuters ont souligné que l'accident nucléaire de Fukushima au Japon en 2011, entrainant une augmentation des importations de pétrole et de gaz, a fait que la demande en ressources naturelles venant d'Afrique est devenue plus pressante. Aujourd'hui, alors que l'économie japonaise montre des signes de reprise, l'importance des ressources de l'Afrique pour assurer son potentiel de développement économique est évidente.
En plus des retours en termes de ressources et d'économie, le Japon espère également des bénéfices politiques. Certains experts estiment que le fait que les 53 pays africains membres des Nations Unies soient devenus le centre des efforts du Japon est lié aux différentes tentatives conduites au cours des dernières années par ce pays pour devenir un membre permanent de l'institution. A l'évidence, cet accès de générosité, destiné à gagner le cœur des gens, accroit les concessions politiques destinées à aider le Japon dans sa volonté de devenir membre permanent.
« Le Japon exprime son affection aux pays africains ». C'est ainsi que le « Washington Post » décrit les relations actuelles entre le Japon et l'Afrique. Cependant, ce n'est pas parce que le Japon est généreux qu'il sera forcément capable de gagner les cœurs et les esprits en Afrique.
Kyodo News a cité les propos du président du Zimbabwe Robert Mugabe disant qu'il espérait que le Japon le considère comme un partenaire plutôt que comme un simple pays exportateur. Cela montre que certains pays d'Afrique, s'agissant de la coopération avec le Japon, affichent encore une attitude prudente. Cette année, les propositions du Japon faites à Djibouti et à l'Angola pour reconstruire des ports ont d'ailleurs été rejetées.
Le Japon n'a également pas tenu toutes ses promesses à l'Afrique. Certains experts ont souligné que le Japon a déjà promis précédemment à plusieurs reprises d'apporter de l'aide à l'Afrique, sans que cela ne se soit concrétisé. En outre, le cabinet de conseil Consultancy Africa Intelligence, a révélé dans un rapport de recherche que les résultats des précédentes Conférences sur le Développement de l'Afrique n'avaient abouti qu'à peu d'aide matérielle concrète pour l'Afrique. Par conséquent, cette série d'aide massive annoncée est certes très belle, mais il est difficile de conclure dans quelle mesure elle sera effective.
En outre, les données montrent que le commerce avec l'Afrique ne représente que 1% du volume total du commerce international du Japon. Et en 2011, le commerce de l'Afrique avec le Japon ne représentait que de 2,6% du commerce extérieur total de l'Afrique.
C'est dire qu'il semble bien que la route est encore longue avant que le Japon n'ait un impact global et efficace dans le développement de l'Afrique.
Le Quotidien du Peuple, Edition Outre-Mer (4 juin 2013, 06e édition)