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Réflexions sur les mécanismes d'allègement de la dette souveraine et leurs effets

le Quotidien du Peuple en ligne | 15.06.2022 15h31

Le monde occidental ayant longtemps marginalisé l'Afrique vis-à-vis du développement international, des pays africains ont vu leur dépendance à l'égard de la dette partir sans cesse à la hausse avant la COVID-19. Face aux chocs provoqués par la COVID-19 et les changements mondiaux, le risque d'endettement et la pression de la dette en Afrique préoccupent vivement la communauté internationale. En 1982, lors de la crise de la dette de l'Amérique latine, l'allègement de la dette a été adopté pour résoudre les problèmes liés au surendettement. Cette méthode a été ensuite utilisée comme réponse à la crise de la dette des pays africains, avec des initiatives principales comme l'allègement de la dette traditionnel, l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), l'initiative d'allègement de la dette multilatérale (IADM) et l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du G20 en 2020. Ces mécanismes d'allègement de la dette sont principalement conduits par des créanciers occidentaux ou des institutions financières internationales dirigées par l'Occident. Avec l'éveil des pays africains à l'indépendance et à l'autonomie et l'approfondissement de l'allègement de la dette, les différents milieux de la société se sont progressivement rendu compte que certes, les mécanismes d'allègement de la dette ont allégé partiellement le fardeau de la dette des pays débiteurs, mais les pays africains sont souvent placés sous le pouvoir structurel financier de l'Occident et deviennent des objets dominés par le pouvoir de l'Occident. En ce qui concerne la participation à l'ISSD du G20, jusqu'en décembre 2021, 25 des 73 pays éligibles à l'ISSD ont explicitement refusé de la rejoindre, ce qui révèle que les opinions divergent sur la capacité de l'initiative à résoudre véritablement les problèmes de dette des pays africains sur le fond. Le refus d'adhésion à l'ISSD peut s'expliquer par le renforcement de la conscience financière des pays africains et le besoin de conserver leur note de crédit, par le refus de laisser les institutions financières internationales manipuler leurs affaires politiques et économiques au moyen des conditions d'allègement de la dette souveraine, par la volonté de réduire leur dépendance en matière de financement vis-à-vis des institutions financières multilatérales et de maintenir l'équilibre entre la croissance du financement public et celle du financement sur le marché, ainsi que par le souhait de sauvegarder leur indépendance et leur souveraineté en empruntant une voie de développement de la dette souveraine durable et responsable. 

I. Réflexions sur les mécanismes internationaux d'allègement de la dette souveraine et leurs effets

En tant que mesure d'atténuation après la crise de la dette, l'allègement de la dette a commencé à s'appliquer en Afrique dans les années 1970, quand des dettes étaient annulées sporadiquement sous forme d'assistance humanitaire. L'allègement systématique de la dette est monté sur la scène internationale avec l'éclatement de la crise de la dette latino-américaine et a suscité une attention considérable de la part de la communauté internationale. Selon la théorie du surendettement (debt overhang) et la courbe de Laffer qui en découle, quand un pays n'est plus en mesure d'assurer normalement le service de la dette à cause de la charge de sa dette trop importante, la dette entravera son développement économique en freinant l'investissement et en multipliant les incertitudes. Ledit pays finira par recourir à un allègement de la dette. L'allègement direct de la dette peut lever l'effet dissuasif sur l'investissement et stimuler la croissance de l'investissement dans un pays en réduisant les incertitudes sur ses perspectives causées par le surendettement. Il peut également détendre la situation financière sérieuse d'un pays et optimiser l'efficacité des décisions de dépenses budgétaires. Ce mécanisme de fonctionnement intrinsèque à l'allègement de la dette s'est appliqué à la crise de la dette latino-américaine des années 1980, pour ensuite être largement promu au niveau international et introduit dans le mécanisme de règlement de la dette africaine des années 1990.

Historiquement, la dette africaine et la dette latino-américaine avaient des caractéristiques différentes : s'agissant de la dette latino-américaine, la structure de la dette est caractérisée par un flottement et une concentration (en termes de régions et de créanciers) à court terme, des prêteurs privés étant majoritaires. Par contre, les problèmes de la dette africaine sont marqués par la prédominance et la dispersion des créanciers multilatéraux. Les caractéristiques différentes des deux structures nécessitent inévitablement des mécanismes internationaux d'allègement de la dette différents. Ainsi, pour faire face à la crise de la dette latino-américaine, la communauté internationale a adopté une approche d'allègement de la dette basée sur le marché, ainsi qu'une combinaison du Plan Baker et de l'allègement sur le marché, le premier consistant principalement en échanges de créances (debt swap), tels que les rachats de dettes, l'échange de dettes contre des actions (debt to equity swap) et la titrisation de dettes, et le second s'appuyant principalement sur le Plan Brady. Cependant, pour faire face à la crise de la dette africaine, il faut recourir à la fois à l'approche traditionnelle d'allègement de la dette bilatérale ou multilatérale et à l'approche d'allègement de la dette multilatérale de la nouvelle phase. La première désigne principalement l'allègement de la dette détenue par le Club de Paris et l'allègement traditionnel de la dette détenue par des créanciers multilatéraux, et la seconde renvoie à l'initiative PPTE et à l'IADM. Le Club de Paris est composé des 22 pays les plus riches du monde et a pour mission de trouver des solutions à la dette officielle bilatérale pour les pays débiteurs et les pays créanciers, y compris la restructuration, l'allègement et même l'annulation de la dette. En 1996, les créanciers multilatéraux ont commencé à faire de la dette multilatérale un objet de l'allègement de la dette. L'initiative PPTE a été lancée comme mécanisme multilatéral global de réduction de la dette visant à éliminer le surendettement des pays débiteurs et à maintenir la soutenabilité de la dette. Afin d'approfondir l'allègement de la dette au titre des PPTE, l'IADM a été proposée lors du sommet du G8 en 2005, qui prévoit d'annuler la totalité des dettes multilatérales éligibles envers l'Association internationale de développement (IDA), le Fonds monétaire international (FMI) et le Fonds africain de développement. En 2007, la Banque interaméricaine de développement (BID) a rejoint cette initiative et a accordé une annulation totale de la dette à cinq PPTE d'Amérique latine.

En théorie, l'allègement de la dette peut améliorer la balance des paiements internationaux d'un pays par la réduction du stock de sa dette extérieure, allégeant dans une certaine mesure la pression liée à la dette extérieure et aux dépenses budgétaires et créant un environnement extérieur favorable pour que le pays débiteur adopte une politique budgétaire de relance pour augmenter sa demande intérieure et développer son économie. Par exemple, l'allègement de la dette promis par l'initiative PPTE et l'IADM a réduit significativement le stock de la dette des pays éligibles, soulageant ainsi le fardeau de la dette des pays en développement. Néanmoins, la mise en œuvre des allègements successifs de la dette internationale montre que l'allègement ne peut pas toujours produire les effets escomptés. À titre d'exemple, l'initiative PPTE a certes apporté beaucoup d'innovations au mécanisme traditionnel d'allègement de la dette, mais dans la pratique, la charge de la dette de certains pays africains à faible revenu reste toujours relativement élevée malgré la mise en œuvre de l'initiative. Il est possible que le refinancement à conditions préférentielles par les prêteurs multilatéraux après l'allègement de la dette n'ait pas permis de diminuer le stock de la dette des pays africains à faible revenu. La part de la dette multilatérale pourrait même augmenter dans leur dette extérieure. La plupart des plans d'allègement de la dette ne s'attaquent pas à la cause profonde du problème, mais traitent seulement les symptômes. De plus, ils imposent des conditions excessives. Par conséquent, les indicateurs de dette pourraient certes baisser temporairement après chaque allègement et atteindre le niveau de dette soutenable défini par l'Occident, mais ils se détérioreront de nouveau une fois que des éléments déclencheurs d'une crise de la dette se seront présentés. Au fond, l'actuel système de gouvernance de la dette internationale ne peut pas présenter une solution ultime et à long terme du problème de l'endettement de l'Afrique et, pire encore, il fait même céder aux pays africains une partie de leur souveraineté dans certains aspects au détriment des perspectives de développement de l'Afrique.

II. L'ISSD et le Cadre commun du G20 pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD et leurs éventuelles répercussions négatives

La COVID-19 a produit un impact négatif sur les indicateurs de solvabilité et de liquidité de la plupart des économies de marché émergent et en développement. Alors que certains pays encouraient déjà un risque d'endettement élevé avant l'épidémie, la COVID-19 a encore alourdi la charge financière des gouvernements, du côté tant des dépenses que des recettes. Certains pays vulnérables sont également confrontés à des coûts de financement plus élevés ou à un accès plus restreint aux financements extérieurs. Le niveau d'endettement mondial a atteint un nouveau pic. Pour faire face aux risques croissants liés à la dette, le Club de Paris et les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20 ont conclu en avril 2020 l'ISSD en faveur des pays les plus pauvres, en vertu de laquelle les créanciers officiels bilatéraux acceptent, pour une période limitée, les demandes des pays les plus pauvres (73 pays à revenu faible et moyen inférieur) de suspendre temporairement des paiements dus au titre du service de la dette. Les créanciers officiels bilatéraux du G20 ont ensuite accordé trois prolongations, étendant l'ISSD jusqu'à fin décembre 2021. Lors de la réunion du G20 en novembre 2020, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20 ont approuvé un « Cadre commun pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD », afin d'atténuer davantage l'impact négatif de la COVID-19 sur de nombreuses économies en développement. Lors de leur réunion du 8 avril 2021, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20 ont annoncé la tenue prochaine de la « première réunion du premier comité des créanciers », dans l'objectif de commencer les négociations sur un accord d'allègement de la dette dans le Cadre commun. Cependant, jusqu'à fin décembre 2021, alors que 48 des 73 pays éligibles à l'allègement de la dette avaient participé à l'ISSD et au Cadre commun, suspendant la dette arrivant à échéance d'une valeur totale de 12,9 milliards de dollars des pays débiteurs, les 25 autres n'y ont pas participé. Les raisons de leur non-participation méritent une réflexion et une analyse approfondies.

Si l'on réfléchit sur les effets négatifs des allègements successifs de la dette des pays en développement, l'ISSD et le Cadre commun du G20, en tant que plateforme globale de gouvernance de la dette visant à résoudre le problème de la dette mondiale depuis le début de la COVID-19, risquent de perpétuer la logique et le cycle des allègements successifs de la dette qui, tout en apportant à l'Afrique les fonds dont elle avait tant besoin, l'ont affectée négativement sur de nombreux plans.

(1) Affecter négativement la note de crédit des pays débiteurs africains

Depuis le début du 21e siècle, et notamment après la crise financière de 2008, le renforcement de la régulation financière mondiale a entraîné une contraction des prêts transfrontaliers des banques des économies développées, mais les flux internationaux de capitaux sous forme d'obligations et d'investissements ont connu un essor. La structure des emprunts souverains des pays en développement a aussi connu une évolution considérable. Un nombre croissant de gouvernements africains cherchent activement de nouveaux financements auprès de créanciers commerciaux. Entre 2000 et 2019, 18 pays africains entrant pour la première fois sur les marchés de capitaux internationaux ont émis au total 125 types d'eurobonds d'une valeur de plus de 155 milliards de dollars[ Banque africaine de développement, Perspectives économiques en Afrique 2021]. Selon la « théorie du signal », sur les marchés financiers internationaux, la participation d'un pays débiteur à l'ISSD ou au Cadre commun déclenche les clauses de défaut incluses dans les obligations et reflète dans une certaine mesure les difficultés liées à l'endettement du pays. Cela risquera de dégrader sa note de crédit et nuira à la stabilité de son marché, entraînant le retrait des capitaux étrangers et la dévaluation de sa monnaie, ce qui affectera son financement futur sur le marché et le développement national à long terme. Pour éviter une dégradation de leur note de crédit, les pays débiteurs s'efforceront de remplir leurs obligations en matière de remboursement de la dette. De cette façon, même si 50 % des pays en développement étaient confrontés à un risque élevé de surendettement en 2020 à cause de la COVID-19, jusqu'à fin décembre 2021, 25 pays débiteurs ont explicitement indiqué qu'ils ne participeraient pas à l'ISSD, dont 17 étaient déjà exposés à un risque moyen ou élevé lié à la dette extérieure. Cela signifie que même face aux difficultés budgétaires graves, un nombre important de pays débiteurs préfèrent l'austérité budgétaire et continuent à remplir leurs obligations de remboursement de dette souveraine au détriment d'autres dépenses de développement.

(2) Fournir aux institutions financières internationales un moyen pour s'ingérer dans les affaires politiques et économiques des pays débiteurs

L'allègement de la dette a une longue histoire dans le monde. Chaque étape de son développement, allant d'une restructuration lente de la dette à des conditions favorables pendant une période spécifique au début, à la stratégie internationale globale d'allègement de la dette plus tard, montre les motifs économiques et politiques des pays développés et des institutions financières internationales contrôlées par eux. L'exemple le plus typique est la conditionnalité de l'allègement, qui est utilisée au maximum dans l'allègement de la dette internationale aujourd'hui. Ce qui est au cœur de cette conditionnalité, c'est que si un pays souhaite bénéficier de l'aide de la part de la communauté internationale, il doit accepter les programmes d'ajustement structurel proposés par les institutions internationales et prendre une série de mesures d'ajustement. En septembre 1987, la mise en œuvre du Programme spécial d'assistance destiné aux pays africains sub-sahariens endettés et à faible revenu a marqué la première action coordonnée de la communauté internationale sur les problèmes persistants de la dette africaine. Parmi les six principaux canaux de financement disponibles, quatre impliquent un ajustement structurel. Autrement dit, les pays débiteurs sont tenus d'adopter les programmes d'ajustement structurel du FMI afin d'accéder à un financement concessionnel. Un autre exemple est l'initiative PPTE, mécanisme global d'allègement de la dette pour les créanciers multilatéraux, qui a placé sous la surveillance du FMI et de la Banque mondiale les réformes des politiques et l'ajustement structurel menés par les pays débiteurs lorsqu'ils bénéficient de l'allègement. Il existe même un « double lien » (double tying) là-dedans. Les prêteurs imposent des conditions au moment de l'octroi initial du prêt, avant d'en imposer de nouvelles quand l'allègement de la dette doit être mis en œuvre. Les procédures d'allègement soulèvent également la question de savoir si ces programmes d'ajustement structurel mis en place par le FMI et la BM sont scientifiques, neutres et équitables. Selon Ruckert (2005), l'initiative PPTE et l'IADM sont toutes deux des outils utilisés par les institutions financières internationales pour tenter d'engager les pays en développement dans une voie de réforme néolibérale, alors qu'on remet souvent en question la pertinence des conseils politiques néolibéraux pour les pays en développement. En outre, le FMI et la BM sont prêteurs d'un côté, en octroyant des prêts aux pays à faible revenu, et superviseurs de l'autre, en évaluant la soutenabilité de la dette et les déficits de financement des pays débiteurs et en décidant de l'ampleur et des conditions de l'allègement de la dette. Leur objectivité et leur impartialité dans la pratique posent donc problème.

En 2020, le FMI et la Banque mondiale, en poursuivant leur pratique de conditionnalité, ont demandé aux pays débiteurs de publier toutes les informations relatives à la dette publique, surveillé leurs dépenses budgétaires après l'allègement de la dette et fait de la participation au Cadre commun un préalable pour l'octroi ultérieur de fonds, ce qui réduira sans aucun doute la marge de manœuvre politique des pays africains qui doivent résoudre de toute urgence leurs difficultés financières et d'endettement. De nombreuses politiques macroéconomiques ainsi que les systèmes économiques et stratégies de développement des pays participants pourraient être soumises à l'influence et à la restriction exercées par les institutions financières internationales. Cela signifie la cession d'une partie de la souveraineté économique.

(3) Rendre les pays débiteurs africains plus dépendants à l'égard des financements des institutions financières internationales

Malgré une baisse de la part des créanciers bilatéraux dans les créanciers officiels de la dette des pays africains ces dernières années, la part des institutions multilatérales a continué d'augmenter pour atteindre 80% en 2020, contre 34% en 2016. Cette tendance est plus prononcée dans la période de la COVID-19, quand les créanciers bilatéraux tendent à ne plus signer de nouveaux accords de prêt avec les pays concernés pour gérer les risques, rendant les pays africains plus dépendants du soutien des institutions multilatérales et les obligeant à se tourner vers le FMI pour obtenir des financements. Jusqu'en septembre 2021, le FMI a fourni à l'Afrique des financements d'une valeur d'environ 24 milliards de dollars, dont 16,5 milliards sous forme d'aide d'urgence, et a allégé la dette de 22 pays pour un montant total de 596 millions de dollars. Des prêts bilatéraux de la part des créanciers officiels ayant diminué dans la dette souveraine des pays africains, les emprunts auprès des institutions multilatérales sont redevenus le pilier des flux financiers nets.

Les crises de la dette et l'allègement de la dette souveraine sont souvent une cause importante de l'augmentation de la dette multilatérale des pays africains. Dans les crises de la dette successives, pour résoudre les problèmes d'endettement, les pays débiteurs ont été obligés de tomber dans une « spirale de la dette » consistant à souscrire de nouveaux prêts auprès des institutions multilatérales pour rembourser les anciens en raison de leur faible solvabilité. L'un des problèmes de l'ISSD et du Cadre commun du G20, c'est que l'allègement de la dette est principalement assuré par des créanciers officiels bilatéraux et des créanciers privés, tandis que les institutions financières multilatérales telles que la BM et le FMI participent au traitement de la dette en élaborant des programmes de financement à long terme pour les pays débiteurs et en les soutenant par l'octroi de prêts. Le résultat de facto de l'allègement de la dette peut être le remplacement de la dette bilatérale par la dette multilatérale. Les prêts fournis par les créanciers multilatéraux pour soutenir les pays à faible revenu n'ont pas pour autant fondamentalement réduit le fardeau de la dette des pays en développement. De plus, la plupart des prêts des institutions multilatérales sont destinés à des projets pour améliorer le bien-être de la population, lesquels ne peuvent pas dégager des bénéfices économiques directes et généreront plus de dettes pour les pays débiteurs, ce qui pèsera sur son futur développement économique.

(4) L'allègement de la dette peut entraîner une baisse globale des flux d'aide au titre de l'aide internationale au développement.

Depuis les années 1980, la gouvernance de la dette a été progressivement intégrée dans l'agenda international du développement et l'allègement de la dette est devenu un moyen d'aide important pour les pays développés donateurs de l'aide. La mise en œuvre de deux grands mécanismes d'allègement de la dette dans les années 1990, l'initiative PPTE et l'IADM, qui ont également été utilisés comme instruments de financement du développement pour les pays en développement, a soulevé des problèmes supplémentaires de l'allègement de la dette. Comme les objectifs du Millénaire pour le développement et les objectifs de développement durable des Nations Unies ne peuvent pas être atteints sans l'aide au développement apportée aux pays sous-développés, et que cette aide et l'allègement de la dette sont principalement fournis par les pays développés, on se demande si l'allègement de la dette entraînera une baisse des flux d'aide publique au développement des pays donateurs lorsque les mêmes pays octroient l'allègement de la dette. Pour les pays bénéficiaires, il est important d'examiner si l'allègement de la dette entraînera une baisse des autres flux d'aide. Pour les pays donateurs, ils doivent se demander si l'allègement de la dette déclenchera une baisse des transferts nets de ressources de leur part. Du point de vue de la région en développement dans son ensemble, il est nécessaire d'examiner si l'allègement de la dette accordé à un seul pays de la région conduira à une baisse des flux d'aide vers d'autres pays de la région.

Par exemple, dans le cadre de l'initiative PPTE renforcée, l'allègement de la dette a permis de libérer des ressources supplémentaires qui seront utilisées pour réduire la pauvreté, comme le financement du FMI par la vente d'or et l'augmentation du budget d'aide de certains pays de l'OCDE, poussée par la communauté internationale. Cependant, il se peut qu'un montant élevé d'aide, prévu initialement dans le budget d'aide bilatérale, soit finalement utilisé pour alléger la dette auprès des créanciers multilatéraux. Pour les pays bénéficiaires de l'allègement, si ces donateurs bilatéraux fournissent des fonds pour l'allègement de la dette tout en réduisant les autres flux d'aide, le transfert net global des ressources restera inchangé ou diminuera. De plus, dans un tel cas, les autres pays tout aussi pauvres mais non éligibles à l'initiative PPTE risquent de voir les flux d'aide diminuer. L'allègement de la dette risque donc d'infliger plus d'injustice à ces pays non-PPTE, dont certains ont pourtant de meilleurs modèles de gouvernance que les PPTE, lorsque les ressources de développement limitées ne sont pas utilisées de manière équitable et efficace. (Gunter, Rahman, Wodon, 2008)

III. Conclusion

En réponse au choc de la COVID-19, l'ISSD du G20 peut certes apporter un répit aux pays africains débiteurs, mais les pays participant au Cadre commun se sont fait coller sur eux l'étiquette de « dette insoutenable » et ont été obligés d'adopter les paquets de réformes macroéconomiques ou économiques attendus par les pays développés. En outre, ils sont de plus en plus dépendants des institutions financières multilatérales pour obtenir des financements. Les pays développés ont ainsi accentué les inégalités entre les pays créanciers et débiteurs sur le marché international des prêts souverains moyennant le système de notation de crédit souverain et le cadre multilatéral qui repose là-dessus. Cela peut être la cause profonde de la non-participation de 25 pays débiteurs à l'ISSD du G20.

Depuis 2021, grâce à la hausse des échanges commerciaux induite par l'augmentation des cours des matières premières, les pays africains, en particulier ceux riches en ressources, ont vu leur solde budgétaire et leur solvabilité s'améliorer. La prime de risque sur les marchés obligataires est revenue à la normale, ce qui a augmenté la capacité d'emprunt. À cela s'ajoute l'aide apportée par les organisations internationales sous forme de prêts et d'allègement de la dette. Tout cela a nettement amélioré les notes de crédit de la dette souveraine des pays africains. Bien que les risques d'endettement restent élevés dans la région, la hausse de la dette en Afrique entre 2019 et 2021 a été nettement plus faible que celle dans le reste du monde. Compte tenu des risques économiques mondiaux exacerbés par le conflit entre la Russie et l'Ukraine depuis des semaines et de l'évolution des incertitudes telles qu'une éventuelle escalade de la crise alimentaire et la forte volatilité des cours des matières premières sur fond de changements géopolitiques mondiaux, les pays africains pourraient encore être confrontés aux défis provoqués par les fluctuations cycliques de la dette ainsi qu'à leurs effets néfastes sur la croissance économique à long terme. Au fond, pour s'attaquer aux causes profondes du problème de la dette, les pays africains doivent rompre leur dépendance excessive à l'égard des industries fondées sur les ressources, optimiser leurs structures industrielles, améliorer l'efficacité de leur utilisation des prêts et des investissements, renforcer leurs propres capacités de gouvernance et œuvrer à la mise en place de canaux de financement et de mécanismes régionaux de financement plus indépendants et plus diversifiés, afin d'atténuer véritablement les risques liés aux fortes fluctuations économiques et à la crise de la dette et de réaliser une croissance endogène à long terme. 

(Par Huang Meibo et Niu Dongfang, Université de commerce international et d'économie de Shanghai)

(Rédacteurs :Ying Xie, Yishuang Liu)
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