Dernière mise à jour à 08h50 le 18/05
La tentative d'élargir l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en Ukraine, perçue comme une menace par la Russie, était opposée par la France et l'Allemagne. Et l'occasion manquée de proposer à la Russie une architecture inclusive de sécurité européenne est à l'origine de l'actuelle "crise ukrainienne", a déclaré Pierre Consea, un ancien haut fonctionnaire du ministère français de la Défense lors d'une interview récemment accordée à Xinhua.
D'après lui, les diplomates et les décideurs politiques doivent être conscients de la nécessité de maintenir le dialogue avec la Russie qui reste "quand même un partenaire important ".
L'ELARGISSEMENT DE L'OTAN EST UNE FORME D'IRRITATION POUR MOSCOU
Pour M. Conesa, ancien sous-directeur à la Délégation aux affaires stratégiques du ministère français de la Défense, un éventuel élargissement de l'OTAN à la Suède et à la Finlande prendra certainement du temps.
D'après lui, si cela se produit, le déploiement des armes nucléaires sera désormais possible sur la frontière de 1.300 kilomètres entre la Finlande et la Russie. De plus, l'OTAN pourrait décider de déployer des sous-marins autour des routes maritimes menant au port libre de glace de Mourmansk, menaçant l'accès déjà limité de la Russie aux ports maritimes d'eau chaude.
Après ses cinq expansions dans le passé, l'OTAN s'est avancée de plus de 1.000 kilomètres jusqu'à la frontière russe au cours d'une vingtaine d'années passées. Pour M. Conesa, Moscou a clairement considéré ces élargissements comme "offensifs" à son encontre, d'où vient la tension que l'on constate aujourd'hui.
"Ça voudrait dire qu'on pourrait demain installer des missiles nucléaires à la frontière de la Russie, ce qui n'était pas le cas pendant longtemps", a expliqué l'ex-haut fonctionnaire français, notant que le gouvernement américain "est beaucoup plus offensif que les Européens dans la crise ukrainienne".
"Les Américains étaient pour qu'on intègre tout de suite l'Ukraine dans l'OTAN, et ce sont les Français et les Allemands qui l'ont freiné, en disant : non, attention, c'est quelque chose qui est très sensible pour la Russie, et donc il ne faut pas aller trop vite. Et vous voyez effectivement c'est ce qui se passe ", a-t-il souligné.
D'après M. Conesa, faute d'une alternative mettant en oeuvre le principe de l'indivisibilité de la sécurité, l'élargissement de l'OTAN "était à chaque fois une forme d'irritation pour Moscou".
SECURITE COLLECTIVE EN TANT QUE SOLUTION
M. Conesa estime que le conflit aurait pu être évité si la Russie avait été intégrée avec succès dans un système européen de sécurité collective.
"L'élargissement de l'OTAN était effectivement une manière de percevoir que l'Europe pourrait être un continent sur lequel la sécurité sera garantie par cette alliance militaire, mais on n'a pas proposé en même temps à la Russie une espèce d'architecture générale de sécurité européenne, dans laquelle la Russie aurait aussi sa place et son mot", a-t-il dit.
M. Conesa pense qu'un modus vivendi diplomatique peut encore être trouvé pour parvenie à la paix en Europe, mais que pour cela, les préoccupations sécuritaires de la Russie doivent être prises en compte. "C'est d'associer les Russes à la conception de l'architecture générale de sécurité", a poursuivi M. Conesa, ajoutant : "'Il faut effectivement discuter de l'ensemble de ces projets, de ces problèmes avec les Russes, en disant : vous êtes des partenaires, on peut comprendre vos enjeux de sécurité".
L'INFLUENCE PERNICIEUSE DES BELLICISTES
M. Conesa a dénoncé l'influence pernicieuse de ce qu'il nomme le "Complexe militaro-intellectuel". Pour lui, ce complexe est composé de ceux qui prêchent la guerre comme une nécessité.
Il estime que la présence de tels individus bellicistes nuit gravement aux efforts diplomatiques. "Il faut que le politique reprenne la main, reprenne son autorité, et effectivement entame avec Moscou, ce que d'ailleurs essaie de faire le président (de la République française) Macron, c'est à dire maintenir le lien pour que le jour où les termes de la négociation arrivent, on puisse effectivement conclure", a dit M. Conesa.
Selon l'ex-haut fonctionnaire français, la montée de la russophobie s'explique en partie par les discours belliqueux du Complexe militaro-intellectuel.