Dernière mise à jour à 11h11 le 08/09
Alors qu'une réunion d'urgence des ministres de l'Energie des pays membres de l'Union européenne (UE) est prévue vendredi à Bruxelles, le chef de l'Etat français Emmanuel Macron s'est prononcé lundi en faveur d'une réforme du marché européen de l'électricité impliquant une contribution des opérateurs de marché et des mesures anti-spéculatives. Une idée qui gagne du terrain sur le Vieux continent confronté à l'aggravation de la crise de l'énergie.
"Le prix de l'électricité doit être formé de façon plus cohérente", a déclaré lundi M. Macron lors d'une conférence de presse à l'Elysée, à la suite d'un entretien en visioconférence avec le chancelier allemand Olaf Scholz consacré à la situation énergétique en Europe.
"Nous défendons un mécanisme de contribution européenne (...) qui serait donc demandée aux opérateurs énergétiques", a-t-il précisé. Si les 27 membres de l'UE ne trouvaient pas d'accord, ce prélèvement serait instauré "quoi qu'il en soit au niveau national", a-t-il indiqué.
Paris a ainsi affiché ses convergences avec Berlin qui, la veille, avait annoncé un mécanisme de contribution obligatoire "sur les gains fortuits" des énergéticiens afin de financer un plan d'aide de 65 milliards d'euros. "Des producteurs profitent simplement des prix très élevés du gaz qui déterminent le prix de l'électricité", a résumé le chancelier allemand.
Les prix de gros de l'électricité pour 2023 en Allemagne et en France ont battu des records, le 26 août dernier, à respectivement 850 euros et plus de 1.000 euros le mégawattheure (Mwh) contre environ 85 euros le Mwh l'an dernier.
Le conflit russo-ukrainien a profondément remis en cause l'indépendance énergétique de l'Europe.
Les baisses d'approvisionnement en gaz russe, l'arrêt du gazoduc Nord Stream 1 par Moscou, la faible disponibilité du parc nucléaire français (32 des 56 réacteurs sont à l'arrêt) sont autant de facteurs qui s'ajoutent à des déséquilibres provoqués par le fonctionnement du marché européen de l'électricité mis en place dans les années 1990.
Cette question sera au cœur de la réunion d'urgence des ministres de l'Energie à Bruxelles vendredi.
La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a d'ores et déjà indiqué mercredi que l'UE voudrait plafonner les revenus des producteurs d'énergie et mettre en place le plafonnement des prix du gaz russe auquel est favorable le président Macron. Elle a appelé à prélever une partie des "bénéfices massifs des entreprises de combustibles fossiles". Elle avait déjà annoncé fin août une "intervention d'urgence et une réforme structurelle du marché de l'électricité".
A l'automne 2021, une dizaine de pays de l'UE dont l'Allemagne, s'opposaient encore à toute réforme du marché de l'électricité. Mais la donne a fondamentalement changé. Paris, Rome, Madrid, Bucarest et Athènes y sont ouvertement favorables. La République tchèque, qui assure la présidence tournante de l'UE, plaide pour "un plafonnement des cours du gaz destiné à produire de l'électricité", tandis que la Belgique demande "un blocage des prix" de l'électricité.
Le débat au sein de l'UE pourrait néanmoins durer plusieurs mois. Selon le site d'information Politico, la Commission européenne pourrait recourir à l'article 122 du Traité sur le fonctionnement de l'UE. Une procédure, autorisée pour les situations d'urgence, permet au Conseil européen de décider seul, sans le Parlement européen.
Dans une récente tribune publiée par le quotidien français Le Monde, trois économistes de l'institut Bruegel - think tank basé à Bruxelles spécialisé dans les questions économiques - Ben McWilliams, Simone Tagliapietra et Georg Zachmann ont tiré la sonnette d'alarme et appelé à un accord "historique" des pays membres de l'UE sur l'énergie. "La crise de l'énergie représente le plus grand risque systémique", ont-ils estimé.
Alors que l'inflation sur un an a atteint 9,1% en août dans la zone euro, la hausse des prix de l'électricité et du gaz rend les factures d'énergie de millions d'Européens "impayables", a de son côté alerté mardi la Confédération européenne des syndicats (CES) dans un communiqué.
Dans 16 Etats membres de l'UE dont la France, "les travailleurs payés au salaire minimum doivent mettre de côté l'équivalent d'un mois de salaire voire plus pour continuer à s'éclairer et se chauffer à domicile", a affirmé la CES sur la base d'une étude de l'Institut syndical européen.