Dernière mise à jour à 08h28 le 18/12
Marie-Anne Lamotte, éditrice de son métier, m'a envoyé cette question : « On entend souvent dire dans les reportages à la télévision française que les jeunes chinois sont très matérialistes et superficiels. Est-ce vraiment le cas ? »
La population chinoise dépasse 1,3 milliard de personnes et compte des centaines de milliers de jeunes. Alors, dire que dans de telles proportions, il y en a qui sont trop matérialistes et recherchent trop l'opulence matérielle est chose facile. Pour citer un exemple : en 2010, une jeune fille invitée d'une émission télévisée particulièrement prisée : « Pas sérieux s'abstenir », a déclaré : « Je préfère pleurer dans une BM que rire sur un vélo. » Elle a osé exprimer sans fard et avec courage ses envies matérielles. Mais elle a également été taxée de « superficielle » et « pauvre fille ». Je me souviens qu'après la diffusion de cet épisode de l'émission, un média de Hangzhou a fait une petite enquête auprès d'étrangers y résidant. Un directeur d'une entreprise américaine du nom de Steve avait répondu : « Si elle pense vraiment comme ça, alors elle est vraiment superficielle et surtout, elle fait pitié car ce n'est pas l'argent ni l'opulence matérielle qui font le bonheur. »
Citons un autre exemple : en octobre de cette année, un acteur chinois du nom de Huang Xiaoming a dépensé 200 millions de yuans pour son mariage à Shanghai. Le magazine Vogue en a même fait un article, décrivant cet évènement comme plus onéreux que le mariage du prince William et de Kate Middleton, et allant même jusqu'à dire qu'il ne manquait pas grand-chose pour faire de ce mariage un mariage princier. Sauf que dans un pays comme la Chine, où il y a encore 70 millions de pauvres, un tel tralala se résume à faire étalage de sa richesse. La répercussion que cela a eu parmi les gens pas forcément aisés et les jeunes chinois a largement dépassé le cercle des 67 millions de suiveurs de la mariée sur Weibo.
La recherche de l'aisance matérielle a déjà gravement ébranlé les valeurs des jeunes chinois. C'est une réalité indiscutable et je n'ai pas peur d'en parler. Mais comme le disait aussi cet Américain dans l'enquête : « La société chinoise accepte de plus en plus de choses et laisse percer plus d'opinions différentes, donc évidemment, on entend des choses bien et des choses mauvaises : l'étalage sans fard du désir matériel par exemple. Et cela est encore plus exagéré par la télévision. Steve vit en Chine depuis une dizaine d'années, il a une bonne connaissance des phénomènes sociaux chinois, c'est pour ça que je suis assez d'accord avec son point de vue.
Dans les faits, on peut aussi trouver des exemples de jeunes chinois qui ne sont pas si matérialistes et superficiels que cela. On peut prendre l'exemple d'un sujet lié aux femmes et aux enfants dont notre magazine s'est déjà fait l'écho. Notre magazine est édité par le China Welfare Institute dont le travail principal est la santé des femmes et des enfants. Dans l'édition d'octobre, nous avons publié des articles traitant de coopérations entre la Chine et l'ONU dans ce domaine et notamment entre le gouvernement chinois et l'UNICEF pour un projet intitulé « Travailler avec les enfants et les jeunes contre le SIDA ». Ce projet concerne le dépistage, l'accompagnement, la prévention, la sensibilisation et le travail de communication auprès des jeunes. Parmi les acteurs de ce projet, plusieurs milliers de jeunes chinois en sont les ambassadeurs.
On peut aussi parler du projet de ONU Femmes mis en place en Chine : « He for She ». Le but de cette action est que les hommes fassent disparaître les barrières sociales et culturelles pour créer une véritable égalité des sexes au sein de la société. Beaucoup de personnages publics chinois se sont portés volontaires pour faire de la communication sur ce sujet et devenir les ambassadeurs du projet. On peut ainsi citer le champion olympique de tir à l'arc Yang Ling. De nombreux hommes participent également à ce projet. Hou Jieping, jeune étudiant à la Beijing Foreign Language University en fait partie. Dans une interview, il a déclaré : « J'ai des amies, une mère, je m'intéresse à la question parce que c'est une réalité importante. Créer une véritable égalité des sexes, ce n'est pas juste élever la place de la femme ni protéger leurs intérêts, il faut aussi délester les hommes de trop de responsabilités. Franchement, je ne vois pas ce qu'il y a de mal à cela. »
Dans l'édition de novembre, nous avons également traité du problème de la protection des jeunes filles. L'Organisation pour la protection des jeunes filles s'occupe de protéger les enfants contre les agressions sexuelles en faisant de la vulgarisation et des formations pour apprendre aux jeunes filles à prévenir les risques. Elle a été créée la date du Jour des Enfants. Plus de cent femmes journalistes font partie de l'organisation dont les membres principaux sont pour la plupart nées après 1985. Depuis deux ans, cette organisation offre des formations par des bénévoles dans les écoles et a permis à 70 000 enfants de 23 provinces d'avoir leur premier cours sur la prévention des agressions sexuelles. De plus, par le biais de coopérations avec les associations des femmes locales, les rectorats et parquets des différentes localités, plus de 300 000 enfants ont été sensibilisés au problème.
Je pense que dans une société, complexe et multiple par définition, chaque individu a l'occasion de trouver des occasions pour exprimer ses opinions. Je suis persuadé que la majorité des jeunes chinois ont un but et font en sorte que leur vie ait un sens. Ils ont envie de se dépasser et de faire plus pour la société.
TANG SHUBIAO, rédacteur en chef de La Chine au présent