La Cour de la Justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a invalidé, lundi à Abuja, le nouveau code électoral qui frappe d'inéligibilité les proches du président déchu, Blaise Compaoré à la présidentielle d'octobre prochain, suscitant de vives polémiques au Burkina Faso, à trois mois des élections.
Selon le président de Burkina Yirwa, Etienne Traoré, la Cour de justice ouest-africaine estime que le nouveau code électoral est " une mesure d'exclusion est illégale au plan international", tout en admettant que le Burkina "peut faire des exclusions restrictives et cette restriction va cibler les dirigeants".
Dans le verdict de la CEDEAO, il ressort que le nouveau code électoral voté, en avril dernier, par le Conseil national de la Transition (CNT, Parlement intérimaire) est "une violation du droit de libre participation aux élections".
Par conséquent, elle a ordonné au Burkina Faso "de lever les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification" et rappelle que "la sanction du changement anticonstitutionnel de gouvernement vise des régimes, des Etats, éventuellement leurs dirigeants, mais ne saurait concerner les droits des citoyens ordinaires".
Le juriste Abdoul Karim Sango, dans une intervention dans la presse locale a expliqué que la Cour, sans le dire clairement, estime qu'il y a eu changement anticonstitutionnel, mais que les personnes qui doivent être frappées par toute mesure d'exclusion pour changement anticonstitutionnel doivent se limiter aux dirigeants, donc à ceux qui ont conduit au changement en question. "C'est évident, dans la mesure où on ne saurait tenir responsables, au plan pénal ou politique, des citoyens ordinaires qui sont militants ou sympathisants d'un parti politique pour des actes posés par les dirigeants d'un régime qu'ils soutenaient", a- t-il déclaré.
Selon M. Sango, la préoccupation de la Cour, c'est que dans l' application du Code électoral, il ne faut pas aboutir à une exclusion de tous ceux qui appartiendraient à l'ex-majorité. Autrement dit, la Cour conçoit difficilement qu'il y ait une compétition politique dans laquelle toute une partie de la population soit exclue. En fait, c'est une décision "inclusioniste ".
"C'est une décision qui ne nous surprend pas", a réagi Pascal Zaïda, président de la Coordination nationale pour une Transition réussie (CNTR).
Le Constitutionnaliste Luc Marius Ibriga a, pour sa part, souligné que "ce qu'il faut souligner, c'est que la Cour, quant au fond, ne remet pas en cause la démarche de l'Etat. Elle considère que c'est parce que la décision est ambiguë, c'est-à-dire que le libellé est ambigu, et qu'il s'agit d'une application massive".
"Pour changer cette disposition, il faudrait qu'il y ait consensus et je ne vois pas comment le Conseil national de la Transition va le faire. On serait dans un délai si proche des élections qu'on enfreindrait beaucoup de lois nationales et internationales", a argué Mamadou Diasso, étudiant.
Le gouvernement burkinabè, dans un communiqué, a indiqué avoir pris "acte de cet arrêt et examinera avec la plus grande attention la décision de la Cour", tout en se félicitant de la voie légale empruntée par les parties pour régler leur litige.
Il a rappelé que la Cour de justice de la CEDEAO reconnaît à l' Etat burkinabé "le droit de restreindre l'accès au suffrage" et précise que les restrictions ne doivent concerner que les dirigeants de l'Etat qui étaient au pouvoir au moment des faits et non les citoyens ordinaires.