Pour les Chinois, cette façon de faire est très chaleureuse : cela montre que la relation est vraiment profonde. Si je peux te traiter de "gros con", "d'abruti", ne pas être obligé de te dire "S'il te plait, merci, pardon, excuse-moi, désolé" , te donner des ordres ou bien utiliser tes affaires sans demander, c'est que je considère que tu es mon ami, il n'est pas nécessaire de séparer ou de mettre une distance, puisque le but de l'amitié c'est que la distance soit la plus courte possible entre deux personnes. Si on a le malheur d'être poli à la française parce qu'on est gêné d'être aussi "rude", on aura le droit à un sourcil levé et un air interrogatif en guise de réponse.
Il faut savoir qu'un service rendu équivaut à "une part de sentiment humain" : 一份人情 ; et qu'il faudra trouver un moyen de rendre un jour la pareille, suscitant à nouveau une obligation de la part de son ami, et créant ainsi un va et vient incessant de services rendus et de services à rendre, de dons et de contre-dons. C'est un perpetuum de sentiments et de relations en mouvement incessant qui s'installe, et qui rythme notre vie. Il n'y a pas besoin d'être trop pressé, les Chinois sont patients, et comme on est ami ce n'est pas le temps qui manque.
SÉBASTIEN ROUSSILLAT* est étudiant chercheur français à l'université normale du Shandong et a remporté le IVe concours « Pont vers le chinois » en 2011.