Pouvoir et opposition se livrent depuis une semaine une bataille politico-judiciaire, par voie de presse, au sujet de lutte contre l'enrichissement illicite des certaines personnalités sénégalaises, dont Karim Wade, fils du ancien président Abdoulaye Wade, constatent les observateurs.
Karim Wade, ancien conseiller financier et ministre d'Etat de son père, doit être entendu jeudi pour la troisième fois, par la gendarmerie dans l'affaire des enquêtes initiées par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI).
Sa convocation par le procureur spécial de la CREI, ainsi que celle de six autres dignitaires de l'ancien régime, a provoqué une levée de bouclier du président Wade et de son parti, le Parti démocratique sénégalais (PDS), qui accuse le nouveau régime du président Macky Sall de mener une "chasse aux sorcières".
L'ex-président Wade, actuellement en France, et ses partisans lancent même des menaces à peine voilées de se livrer à des actions de déstabilisation.
Dimanche dernier, le coordonnateur national du PDS, Oumar Sarr, a invité sa formation "à garder la vigilance et à laver l'affront'' des accusations de malversations portées contre l'ancien régime.
Le comité directeur du PDS a demandé à ses militants de rester vigilants et de se préparer à la bataille.
"Le régime de Macky Sall, après avoir déclaré qu'il respectera le droit de l'opposition, tente visiblement d'anéantir le PDS, principal parti au Sénégal", a dit M. Sarr.
En réponse à ces menaces, la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY, mouvance présidentielle) a affirmé qu'elle va apporter la riposte énergique "aux manipulations et aux manœuvres déstabilisatrices" du PDS.
S'exprimant lors d'une conférence de presse, le Pr Abdoulaye Bathily, membre de cette mouvance, a lancé un appel "à toutes les forces sociales et à toutes les formations politiques qui partagent l'idéal démocratique à rester vigilantes".
Le président de l'Assemblée nationale Moustapha Niasse, autre membre de la mouvance présidentielle, a appelé à "faire face à ceux qui veulent détruire l'Etat".
Le président Wade qui avait annoncé son retour au Sénégal vendredi, a différé ce projet, suite à une médiation du chef de l'Etat ivoirien Alassane Ouattara, a indiqué le PDS dans un communiqué.
En même temps, le PDS s'est déclaré "en position de résistance à l'oppression" et a décidé que ses militants ne répondront plus aux convocations de la CREI.
Outre Karim Wade, quatre autres anciens ministres ou personnalités de l'ancien régime sont visés par des ''demandes d'ouverture d'enquête'' sur leur enrichissement : Oumar Sarr (urbanisme), Abdoulaye Baldé (mines), Madické Niang (affaires étrangères et Samuel Sarr (énergie).
Tayibou Ndiaye, ancien directeur général du Cadastre, et Doudou Diagne, ancien directeur de l'Urbanisme, ont également convoqués pour enquêtes.
Le chef de l'Etat Macky Sall avait décidé à son arrivée au pouvoir après la présidentielle de février-mars 2012, de tout mettre en œuvre tout retrouver les biens mal acquis par d'anciens dignitaires de son pays.
Selon le procureur de Cour de répression de l'enrichissement illicite, le Sénégal a demandé et obtenu la collaboration de la France, du Cana, des Etats Unis et de la Banque mondiale pour la recherche et le rapatriement des biens mal acquis cachés à l'étranger.