Le président ivoirien Alassane Ouattara est sur les braises depuis la demande officielle de la Cour pénale internationale (CPI) de de transférer à La Haye l'ex- Première dame de Côte d'Ivoire, Simone Gbagbo, accusée d'avoir commis des crimes lors de la crise post-électorale de 2010 et 2011.
Jeudi, la CPI a rendu public un mandat d'arrêt contre Simone Gbagbo en résidence surveillée à Odienné, dans le nord de la Côte d'Ivoire.
Pour le quotidien indépendant L'Inter, le cas Simone Gbagbo est "une patate chaude entre les mains de Ouattara".
Un PIEGE POUR OUATTARA ?
"Que faire ? Faut-il consentir à transférer Simone Gbagbo ou la juger sur le territoire ivoirien ? Ouattara peut-il s'opposer au transfèrement de l'ex Première dame à la CPI ?", s'interroge L' Inter dans sa parution de samedi.
Pour le journal, "livrer l'ex-Première dame à la CPI c'est assurément ouvrir la boîte de pandore, c'est ouvrir la voie au transfèrement des pro-Ouattara qui seraient dans le viseur de l' institution".
L'Inter croit savoir que la publication maintenant de ce mandat d'arrêt émis en février traduit "l'agacement" de la CPI devant "le jeu trouble" des autorités ivoiriennes.
Il s'agit donc, explique le journal, de "mettre sous pression" Alassane Ouattara qui ne donne aucun signal sur sa volonté de livrer ses partisans, notamment les militaires, régulièrement épinglés par les organisations de défense des droits de l'homme.
Au contraire, ces anciens chefs de guerre de l'ex-rébellion du nord ont tous été promus à de hauts postes de responsabilité alors qu'une vingtaine de hauts responsables de l'ancien sont en détention dans des prisons du pays et attendent d'être jugés.
Le quotidien Le Temps (favorable à Laurent Gbagbo), dénonce cette "justice des vainqueurs" et tout en affirmant que Simone Gbagbo est "victime de l'arbitraire" veut tout de même accorder " le bénéfice de la bonne foi" à la CPI.
Il pense que le mandat d'arrêt contre l'épouse de Laurent Gbagbo "annonce sans nul doute le déluge qui va s'abattre sur les ex rebelles pro-Ouattara auteurs d'abominables atrocités".
Le Temps ne croit pas si bien dire. Son confrère Nord-Sud ( proche du pouvoir) voit "à l'évidence" que le mandat de la CPI contre Simone Gbagbo est "un vrai guet-apens".
Selon Nord-Sud, la CPI veut lancer d'autres mandats d'arrêt contre des personnes proches de M. Ouattara et "en insistant pour avoir Simone Gbagbo", elle veut "pousser à la faute" le président ivoirien.
"Si la justice ivoirienne livre Mme Gbagbo et que, le cas échéant, elle refuse d'exécuter de nouveaux mandats, la CPI ne se fera pas prier pour accuser les autorités ivoiriennes de sélectivité", explique le quotidien.
"Ce piège, Alassane l'a vu venir depuis longtemps", souligne Nord-Sud qui assure que les autorités ivoiriennes vont "opposer une fin de non-recevoir" à la demande de la CPI et que "Simone Gbagbo ne sera pas transférée".
PRIORITE A LA JURIDICTION IVOIRIENNE
Un magistrat apporte de l'eau au moulin du quotidien Nord-Sud et indique qu'après la "remise en ordre" de l'appareil judiciaire ivoirien, il n'est plus question de "rester assujetti" à la CPI.
Le président Alassane Ouattara, lui-même, dans une interview à la presse française en janvier, avait exprimé sa préférence pour que la justice soit rendue en Côte d'Ivoire, par les juridictions ivoiriennes.
Il avait expliqué le transfèrement en novembre dernier de l'ex- président Laurent Gbagbo par le fait qu'au sortir de la crise post- électorale, la Côte d'Ivoire n'avait pas "les moyens" de le juger sur place.
Pour l'avocat de Mme Gbagbo, Me Mathurin Djirabou, sa cliente étant poursuivi sur le plan local, elle ne peut plus être transférée à la CPI pour être jugée.
Mme Gbagbo a été entendue par la justice ivoirienne sur des crimes économiques, de sang et de génocide.
La CPI la soupçonne de "crimes contre l'humanité", précisément, "de meurtres, viols et autres formes de violences sexuelles, d' actes inhumains et d'actes de persécution" commis entre "le 16 décembre 2010 et le 11 avril 2011".
"Dès l'instant où un national fait l'objet de poursuites sur le plan local, il ne peut plus être poursuivi par la CPI", soutient Me Djirabou.
Qu'à cela ne tienne, la Côte d'Ivoire ayant reconnu la CPI, même si elle n'est pas partie-Etat au Statut de Rome, elle a " obligation de coopérer pleinement avec la CPI", souligne le porte- parole de la Cour, Fadi El Abdallah.
Selon lui, une "cessation temporaire" de la poursuite engagée par la justice ivoirienne contre Mme Gbagbo suffirait pour faciliter son transfèrement à La Haye.
Pour l'heure, les autorités ivoiriennes n'ont pas réagi, attendant le "moment opportun" pour donner officiellement leur position.