Avec une volonté politique affirmée pour la consolidation du rôle de cet organe chapeauté par une conférence des ministres, les 26 pays membres du Comité de coordination pour le développement et la promotion de l'artisanat africain (CODEPA) jettent leur dévolu sur le business à la carte de l'e-commerce comme enjeu de positionnement et de valorisation de leurs œuvres.
Depuis la récente édition en octobre-novembre 2012 du Salon international de l'artisanat de Ouagadougou (SIAO), événement phare dans le domaine en Afrique tenu tous les deux ans depuis 1988 dans la capitale du Burkina Faso, les premières manifestations de cette orientation stratégique se font ressentir avec un début d'opérationnalisation de la galerie virtuelle du CODEPA.
"Ce que nous souhaitons dans le cadre de l'e-commerce, c'est qu'il y ait des échanges entre les acheteurs professionnels et les artisans à travers un centre de ressources professionnelles que nous allons créer dans chaque pays et nous aurons un point focal, un responsable des artisans", a fait savoir à Xinhua à Yaoundé le secrétaire général de l'organisme interétatique, Sié Théophile Sib.
Dans les faits l'e-commerce n'est pas encore fonctionnel, mais le 13e SIAO a été l'occasion pour "ces centres de venir rencontrer des acheteurs professionnels, tisser des relations et créer ce cadre de concertation entre eux. C'est à partir de ce moment qu'ils ont pris la résolution de créer la Confédération africaine des artisans", a poursuivi le responsable institutionnel.
Sous la présidence du ministre camerounais des Petites et moyennes entreprises, de l'Economie sociale et l'Artisanat, Laurent Serge Etoundi Ngoa, reconduit pour un troisième mandat d'un an à la présidence tournante de cette instance exécutive, le CODEPA a organisé sa 6e conférence ministérielle vendredi dans la capitale camerounaise, en présence d'une dizaine de ministres et d'autres chefs de délégation.
Parmi les principaux sujets de discussions figuraient le dossier du suivi de l'autonomisation du CODEPA et la poursuite d'une campagne de sensibilisation auprès des Etats membres non actifs pour l'adhésion de nouveaux membres au sein de cet organisme basé à Ouagadougou et qui, après des années de léthargie depuis sa création en 1992, tente de se construire une identité.
La redynamisation entamée en 2006 avec l'institutionnalisation de la conférence des ministres vise aujourd'hui à doter du statut d'organisme spécialisé de l'Union africaine (UA), cette institution logée dans les locaux de la direction générale du SIAO en attendant la construction de son siège dont la pose de la première pierre a eu lieu en novembre dans la capitale burkinabè.
Mais, pour réaliser ses objectifs dont notamment ses deux missions fondamentales que sont le développement et la promotion de l'artisanat africain qui met aujourd'hui l'accent sur l'e-commerce, le CODEPA doit surmonter un écueil énorme : une disette financière due à une fiable mobilisation de ses ressources propres issues des contributions statutaires des Etats membres.
Ces contributions s'élèvent à un montant annuel de 100 millions de francs CFA (200.000 dollars) à verser par chacun des 26 pays. "De 1992 à 1996, on n'avait qu'à peine trois pays qui contribuaient. Depuis 2012, nous avons une dizaine de pays qui ont contribué. Nous attendons un peu plus en 2013", a révélé Sié Théophile Sib.
Comme c'est déjà le cas avec l'UA, c'est finalement l'aide de partenaires extérieurs qui vient booster le moral. Pour le financement du Programme d'appui aux petites entreprises artisanales (PAPEA), le répertoire des bailleurs de fonds se feuillette avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Selon le secrétaire général du CODEPA, "on n'exécute ce programme que dans les pays qui cotisent effectivement, donc ce qui va pousser les autres à contribuer, s'ils veulent bénéficier de ce programme. Initialement, il était de plus de 2 milliards de francs CFA. Il y a un pan de ce projet que nous sommes en train d'exécuter, qui est la galerie virtuelle de l'artisanat africain. Il coûte à peu près un milliard".
Pour ses huit pays membres, la Commission de l'UEMOA a mis à disposition depuis 2010 une enveloppe globale estimée à 972 millions de francs CFA (1,944 million de dollars), d'après Oumar Sanogo, chargé de l'artisanat.
"La Commission de l'UEMOA étant aussi membre du comité de suivi du CODEPA, nous avons initié un programme qu'on a appelé programme d'appui aux petites entreprises artisanales de l'UEMOA (PAPEA-UEMOA). C'est un programme qui est tiré du Programme d'appui aux petites entreprises africaines qui a été initié par le CODEPA", informe M. Sanogo venu participer à la réunion tenue vendredi à Yaoundé.
"Nous n'avons pas de financement arrêté, ajoute-t-il, mais chaque année nous essayons de sélectionner deux Etats membres sur appel à propositions. En ce qui concerne l'enveloppe que nous allouons, ça va jusqu'à 150 millions par Etat. Aujourd'hui, il y a six pays qui en ont déjà bénéficié : le Bénin, le Mali, le Togo, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso. Il reste deux pays : le Niger et la Guinée-Bissau".
Après la destruction de son patrimoine culturel du Nord par les islamistes, le Mali est un cas qui préoccupe. "Au niveau de la Commission de l'UEMOA, nous sommes dans un processus d'élaboration d'une politique commune en faveur de la culture et dans ce cadre également il y a un programme qui est en cours d'élaboration, qui va accompagner le Mali afin de pouvoir reconstituer son patrimoine culturel détruit", annonce le chargé de l'artisanat.
Une enveloppe de 200 millions de francs CFA (400.000 dollars) a déjà été allouée à ce pays en marge du PAPEA, pour l'équipement du centre de ressources pour l'artisanat en matière de bijouterie, de cordonnerie et de sculpture dans la Maison des artisans de Bamako, dont les protes prévoient de s'ouvrir au public en juin.
"Dès que ce programme sera exécuté, nous sommes disposés à examiner des requêtes que le Mali soumettra à la Commission de l'UEMOA" pour la reconstitution de son patrimoine, avance M. Sanogo.
Par Raphaël MVOGO