Selon les déclarations de patrimoine des ministres rendues publiques lundi soir, le gouvernement socialiste français compte huit millionnaires parmi ses 38 membres, dont les biens ont été portés à la connaissance des citoyens français dans un effort de transparence sans précédent.
La mise en ligne de ces déclarations patrimoniales signe bel et bien "la fin d' un tabou", comme le souligne mardi le journal de gauche Libération. Les ministres disposant des patrimoines les plus conséquents sont notamment celui des Affaires étrangères, Laurent Fabius, celle chargée des Personnes âgées, Michèle Delaunay, celui du Travail, Michel Sapin, ainsi que le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault.
"Ayrault et ses ministres mis à nu", renchérit le quotidien de droite Le Figaro, qui consacre mardi un article fouillé sur le niveau de richesse des ministres en comparaison avec la moyenne des Français. Ce sentiment d' avoir été contraint à tout dévoiler a été exprimé par la ministre chargé des Français à l' étranger, Hélène Conway-Mouret.
"J' ai eu l' impression d' avoir dû me déshabiller avant de sortir dans la rue", s' est-elle écriée, selon Le Figaro. Cette épreuve aura permis de constater, d' après le journal, que "la majorité des ministres du gouvernement Ayrault fait donc partie des 10% des foyers les plus aisés possédant, selon l' Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) un patrimoine d' une valeur supérieure à 552.300 euros".
"Certains d' entre eux (Laurent Fabius, Michèle Delaunay, Michel Sapin) appartiennent même aux 1% les plus riches, dont les avoirs dépassent 1,9 millions d' euros" et sont, par conséquent, redevables de l'Impôt sur la fortune (ISF), dont le seuil d' entrée a été fixé à 1,3 million d' euros.
La fortune des ministres semble notamment liée à leur âge, puisque les plus jeunes membres du gouvernement sont également les moins pourvus en patrimoine, comme l' illustre le patrimoine bien plus modeste déclaré par la porte-parole du gouvernement et ministre des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, ou encore par la ministre du logement, Cécile Duflot.
Dans son article, Le Figaro a notamment relevé l' engouement des ministres pour la pierre, ce qui est en accord avec le comportement d' épargne de leurs concitoyens. En effet, selon l' Insee, le patrimoine des ménages français comprend plus de 60% de biens immobiliers.
Toutefois, contrairement à leurs compatriotes, ils ne sont pas nombreux à investir dans l' assurance-vie, lui préférant des comptes d' épargne à court terme, voire des comptes courants.
Ils ne sont pas non plus beaucoup à posséder des actions boursières, ce qui, estime Le Figaro, est "plus dérangeant, à l' heure où le gouvernement envisage de réorienter une partie de l' épargne vers les entreprises".
S' agissant d' automobiles, le patriotisme est néanmoins de mise, puisque, comme l' indique mardi le quotidien économique Les Echos, et à quelques exceptions près, les 29 ministres ayant déclaré posséder un véhicule "roulent, majoritairement, dans des voitures françaises, avec en tête des marques Renault, suivi, loin derrière de Peugeot et Citroën".
Malgré un consensus favorable à cette mesure de transparence politique au sein de la majorité, quelques voix se sont élevées contre ce déballage public des avoirs des dirigeants du pays. Il faut citer, en particulier, le président de l' Assemblée nationale et membre du Parti socialiste français (PS), Claude Bartolone, qui a avoué son rejet de cette "démocratie paparazzi", dans une interview publiée mardi par Libération.
"Le voyeurisme ne permet pas de répondre à la crise politique. L' affaire Cahuzac (récente affaire d' évasion fiscale de l' ex-ministre du Budget) a surpris, a déçu, mais ce n' est pas elle qui explique la défiance des Français vis-à-vis de la politique", a-t-il estimé.
"Ils attendent de l' énergie et des résultats sur l' emploi, le pouvoir d' achat, la transition énergétique, la réorientation européenne...", a ajouté M. Bartolone, considérant que la publication des patrimoines ne répond pas aux demandes actuelles du peuple français.
Parallèlement, la porte-parole du gouvernement Ayrault, Mme Vallaud-Belkacem, a soutenu à l' inverse que cette mesure s' inscrit dans un ensemble "qui vise à recréer un lien de confiance indispensable avec les Français qui s' était lentement miné, décomposé ces dernières années".
"C' est le premier pas" vers la restauration de la confiance de l' électorat envers le président actuel François Hollande et son gouvernent, s' est-elle félicitée mardi matin au micro de la chaîne d' information française BFMTV.