A un mois de la clôture de la campagne de commercialisation ouverte en novembre, le Cameroun est en passe de réaliser son objectif de 260.000 tonnes de production annuelle de coton grâce à une bonne saison de récoltes 2013-2014, pour un marché cependant perturbé par le défaut de logistique pour le transport du produit dans les champs, révèlent à Xinhua les producteurs.
En rebond constant depuis trois saisons après environ une demi- décennie de morosité due à une importante baisse des cours mondiaux, la production du coton, un des principaux produits d' exportation, est un enjeu commercial de premier ordre au Cameroun où il fait intervenir entre 250.000 et 270.000 producteurs pour 220.000 hectares de superficie cultivée, d'après les statistiques.
"C'est une bonne année, mais le système de marchés publics nous cause des soucis. Depuis plus de six mois, nous avons passé des commandes d'achat de dix-sept camions, qui ne sont toujours pas livrés", a rapporté Ousmane Oumaté, le président de la Confédération nationale des producteurs de coton du Cameroun ( CNPCC) joint jeudi par Xinhua à Garoua, siège de ce regroupement au Nord du pays.
Etablies dans le Nord, l'Extrême-Nord et l'Adamaoua, les trois régions septentrionales de ce pays d'Afrique centrale, les zones de production du coton se trouvent éloignées des sites de commercialisation créés par la Société de développement du coton ( SODECOTON, à capitaux publics), unique centrale d'achats officielle basée aussi dans la ville de Garoua, en face même de la CNPCC.
Difficiles d'accès en saison des pluies, les routes y menant nécessitent un matériel roulant pour rapprocher les producteurs du marché. Après les graves inondations ayant dévasté 30.000 hectares lors de la saison 2012-2013 marquée par une production de 230.000 tonnes contre 260.000 tonnes de projections, les problèmes de logistique passent pour la principale préoccupation de l'heure de la filière.
"Le coton est à terre en brousse. Il risque de se mouiller, ce qui entraînerait une dégradation des fibres et un manque de tourteaux. Les graines risquent de pourrir", s'inquiète le président de la CNPCC qui rappelait encore en début d'année les difficultés des producteurs à s'acquitter d'une importante dette cumulée de plus de 2 milliards de francs CFA (4 millions de dollars) de crédits perçus depuis quatre ans.
Ces fonds représentent les subventions accordées, y compris pour la production de produits vivriers (maïs, soja, etc.) associés à la culture du coton, par la SODECOTON, par ailleurs principal bailleur de fonds de la filière, pour l' approvisionnement en engrais, pesticides et autres intrants afin de faciliter le travail des 250.000 à 270.000 producteurs villageois déclarés.
Au prix de 265 francs CFA le kilo avec une prime de 10 francs le kilo pour les premières récoltes, nombre des producteurs ont pu percevoir leurs rémunérations depuis l'ouverture de la saison des achats mi-novembre, en dépit de la non-disponibilité des camions pour le transport du produit dans les champs.
Président d'un groupe d'initiative communautaire (Gic) de cotonculteurs à Garoua, Mahamadou Baba constate que "certains ont été pays, d'autres non. Moi j'ai été payé. J'ai produit 6,4 tonnes sur 5 hectares de surface cultivée. J'ai remboursé mon crédit de 800.000 francs (1.600 dollars) et j'ai obtenu un bénéfice de plus de 500.000 francs (1.000 dollars). Il y a aussi le maïs où j'ai fait 8 sacs. A raison de 15.000 francs le sac, là aussi je m'en sors bien".
C'est un rendement en hausse pour le cotonculteur, comparativement aux 3,4 tonnes récoltées la saison précédente, pour une mise en valeur de 3 hectares. Mais pour Baba, la production camerounaise de coton aurait été plus élevée que les estimations provisoires de 250.000 à 260.000 tonnes annoncées, n' eût été la rareté des pluies.
Loin des 360.000 tonnes produites en 2006-2007 avant la chute des cours mondiaux de l'année d'après, le Cameroun se rapproche toutefois peu à peu de l'objectif de 300.000 tonnes de production annuelle nationale en 2015. De 110.000 tonnes en 2009-2010, il a est passé à 162.000 tonnes en 2010-2011 et 180.000 tonnes en 2011- 2012 avant de situer à 230.000 tonnes en 2012-2013.
Ces statistiques ne reflètent d'ailleurs pas toute la réalité, puisque, comme avec d'autres produits d'exportation hors pétrole dont en l'occurrence le cacao et le café, d'importantes quantités de coton graine échappent à la comptabilité officielle pour être commercialisées au Nigeria voisin par des réseaux dits de contrebande.
Contre 4% de pertes, la production se divise entre 42% de fibres avec 5% seulement sont absorbés par le marché local pour une transformation de 40.000 à 125.000 tonnes par la SODECOTON et puis 54% de coton graine répartis entre 10% réservés pour la semence et 90% à l'huilerie dont la capacité de production est établie à 120.000 tonnes de graines l'an, pour un potentiel de 21 millions de litres d'huile raffinée et 80.000 tonnes d'aliments de bétail.
Par Raphaël MVOGO