Le gouvernement tchadien tente de mettre de l'ordre dans les stations-services qui prolifèrent de manière irrégulière à Ndjaména, la capitale tchadienne, et interdit toute nouvelle construction.
"Malgré les interdictions officielles, des constructions anarchiques de stations de distributions et de dépôts des produits pétroliers se poursuivent", déclare le ministre tchadien de l'Energie et du Pétrole, Djérassem Le-Bémadjiel.
"Ces stations qui essaiment sur les différents artères de la capitale au mépris des normes techniques et réglementaires en vigueur sont constitutives de danger potentiel pour les populations environnantes", ajoute-t-il.
Depuis la mise en exploitation en 2011 d'une raffinerie au nord de N'Djaména, la capitale tchadienne, les stations-services prolifèrent à travers la ville. A côté de grands groupes pétroliers, des particuliers se sont mis à créer partout des points de vente de carburants.
Plusieurs stations-services se retrouvent ainsi à côté des habitations, des écoles ou des bâtiments publics, alors qu'elles devraient en être situées à plus d'un kilomètre au moins de ces lieux. Des dépôts de produits pétroliers sont même implantés au sein des marchés.
Il y a deux ans, une explosion dans un dépôt pétrolier illégal, au sein du marché de Dembé, l'un des plus importants de la capitale tchadienne, a fait de nombreux dégâts matériels.
"Les normes de sécurité ne sont pas respectées dans la plupart de ces stations", affirme Abdoul Mahamat Saleh, directeur du raffinage, du stockage et de la distribution au ministère de l'Energie et du Pétrole.
Certaines stations n'ont même pas de bacs de sables, ni d'extincteurs qui sont nécessaires en cas d'incendies, devenue fréquentes, affirme-il.
Selon la procédure en vigueur, avant de construire ou d'exploiter une station-service, l'exploitant doit obligatoirement en faire la demande au ministre en charge des hydrocarbures.
La demande doit être accompagnée d'une dizaine de papiers, par example un plan cadastral et un d'arrêté de gré à gré, un arrêté d'attribution ou d'une note d'affectation de terrain, un permis de construire définitif délivré par la mairie, une autorisation administrative d'exercice commerciale du ministère du Commerce, et autres.
Ensuite, les agents de la direction du raffinage effectuent une descente sur le site pour faire un dernier constat avant que le projet de décret qui donne l'agrément d'exercice ne soit engagé. Après l'obtention de l'agrément, un délai de trois mois est accordé pour la construction de la station.
Mais dans la réalité, l'implantation de ces stations-services constitue un sérieux casse-tête, surtout pour les services de la municipalité de N'Djaména qui ne sont pas aujourd'hui en mesure de déterminer leur nombre exact.
Le ministère de l'Assainissement public et de la Promotion de la bonne gouvernance a mené, du 20 mars au 5 août 2013, des investigations sur la délivrance des lettres d'octroi des stations- services dans la ville de N'Djaména.
Les résultats de cette enquête, présentés début septembre 2013, restent sans appel: mauvaise application des textes réglementaires fixant les conditions d'octroi des stations-services par le ministère de l'Aménagement du territoire et la mairie de N'Djaména; mauvaise application par le ministère de l'Energie et du Pétrole des textes portant autorisation de stockage et de distribution des carburants; accroissement "de jour en jour" du nombre de stations- services dans la capitale tchadienne; multiples autorisations de stations-services sur des parcelles privées accordées par les différents maires qui se sont succédé; concentration des stations- services dans quatre arrondissements (N'Djaména en compte 10); mauvaise implantation des stations-services, parfois à côté des concessions ou édifices publics, etc.
La mission a ainsi découvert que sur les 97 sites ciblés, 30 seulement ont été réellement attribués et confirmés, 15 proposés au transfert, 23 non identifiés, 23 indisponibles et six hors liste.
Au regard de ces constats, la mission d'investigations a recommandé l'annulation des attributions faites sur la base de fausses lettres d'engagement, le retour au Domaine des lettres d'engagement approuvés et non matérialisés au bout de neuf mois ( comme l'exigent les textes) et l'arrêt d'attribution des stations- services par la Commission nationale d'urbanisme et la mairie (en attendant de mettre de l'ordre).
Le ministère de l'Assainissement public a également ordonné la fermeture des stations-services appartenant aux exploitants qui n'ont pas soldé les 50% du prix de leurs terrains, la destruction des mini-stations et pompes, la démolition des stations-services en situation irrégulière, etc.
Plus de six mois après et en dépit de toutes ces mesures, les stations-services prolifèrent de plus belle dans la capitale tchadienne. "Pour mettre terme à cette anarchie et protéger les populations des effets néfastes de cette prolifération, toute nouvelle construction est strictement interdite sur l'ensemble du périmètre urbain de la ville de N'Djaména jusqu'à nouvel ordre", martèle M. Djérassem Le-Bémadjiel.
"Tout contrevenant s'expose aux sanctions prévues par les textes en vigueur", ajoute-t-il. Il appelle les éléments des forces de l'ordre, les agents de son ministère, ceux du ministère de l'Industrie et du Commerce, de l'Autorité de régulation du secteur pétrolier aval du Tchad (ARSAT), ainsi que la voirie urbaine, à "l'application stricte" de cette interdiction.
"Il ne suffit pas seulement d'interdire la construction de nouvelles stations-services, mais il faut mettre de l'ordre dans celles qui pullulent. Il est temps d'agir, sinon le pire viendra un jour", indique Mahamat Ahmat Adoum, leader de la société civile.
Pour lui, la fin de l'anarchie n'est pas pour demain, tant qu'il n'y a pas la volonté politique de sévir. Car "les exploitants de stations-services constituent un puissant lobby", conclut Mahamat Ahmat Adoum.