Lorsque les dirigeants de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et la Chine se réuniront jeudi à Naypyidaw, la capitale birmane, pour une réunion annuelle en marge d'un sommet de l'ASEAN, ils ouvriront à cette occasion une nouvelle ère dans leur coopération dynamique fondée sur des bénéfices réciproques.
DE LA DECENNIE D'OR A LA DECENNIE DE DIAMANT
La Chine et les dix membres de l'ASEAN ont qualifié de "décennie d'or" les dix dernières années de leur relation établie en 2003 lorsqu'ils ont forgé un partenariat stratégique. Et les deux camps considèrent déjà les dix années à venir la "décennie de diamant", en espérant de part et d'autre que leur relation inclura davantage de coopération pratique et de promotion de l'intégration économique régionale.
La Chine est le plus grand partenaire commercial de l'ASEAN, qui est lui-même le troisième partenaire commercial de la Chine. Les échanges commerciaux bilatéraux ont atteint 443,6 milliards de dollars en 2013, un chiffre multiplié par six par rapport à son niveau de 2003.
Au cours des trois premiers trimestres de cette année, le volume des échanges commerciaux bilatéraux a déjà atteint 346,6 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de 7,5% par rapport à la même période de 2013.
Les deux parties sont également déterminées à porter le volume de leurs échanges commerciaux à 500 milliards de dollars d'ici 2015 et à 1000 milliards de dollars en 2020.
Les analystes attribuent le développement rapide des liens entre la Chine et l'ASEAN à leur coopération fondée sur des bénéfices réciproques et le respect mutuel.
"Les relations Chine-ASEAN sont caractérisées par le respect mutuel et la Chine ne cherche pas à jouer un rôle dominant dans la coopération bilatérale", a indiqué Mi Liang, professeur de l'Université des études étrangères de Beijing. "Les deux parties ne font pas entrer de considérations politiques dans leurs liens économiques."
Selon Kaewkamol Pitakdumrongkit, professeur adjoint à l'Université technologique de Nanyang à Singapour, la coopération entre la Chine et l'ASEAN se porte bien, tout comme le développement au niveau infra-régional.
"La Chine a financé beaucoup de projets de développement infra-régionaux comme celui du Mékong", a-t-il rappelé, en faisant référence au fleuve de 4880 km de long dont la source est en Chine et qui irrigue également le Myanmar, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam.
Gong Ting, un chercheur adjoint de l'Institut chinois des études internationales, a fait remarquer que la proposition de construire une communauté de destin commun plus rapprochée entre la Chine et l'ASEAN ainsi et le cadre de coopération 2+7 ont pour objectif d'approfondir la coopération menée au cours de la "décennie d'or".
Ces deux projets politiques obtenus par consensus tracent une voie de développement sur le long terme pour les relations entre la Chine et l'ASEAN, tandis que des initiatives spécifiques sont présentées dans sept domaines de coopération, à savoir la politique, le commerce et l'économie, l'interconnectivité, les finances, la coopération maritime, la sécurité ainsi que les échanges culturels et interpersonnels.
"Ces initiatives visent à élargir les intérêts convergents entre la Chine et l'ASEAN et à faire accéder leur coopération à la nouvelle étape que constitue la 'décennie de diamant'", a souligné M. Gong.
Les dix membres de l'ASEAN regroupent Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.
EXCELLENTES PERSPECTIVES POUR LA CROISSANCE FUTURE
L'année dernière, le Premier ministre chinois Li Keqiang a proposé d'améliorer la Zone de libre-échange entre la Chine et l'ASEAN, ce qui implique de nouvelles baisses des droits de douane et des barrières non tarifaires, un nouveau cycle de pourparlers sur le commerce des services et l'ouverture des investissements mutuels.
L'Accord de libre-échange Chine-ASEAN (ALECA), initié en 2010, est devenu le plus vaste du monde en développement, couvrant une population totale de 1,9 milliard de personnes.
Les premiers pourparlers pour la version améliorée de l'ALECA ont eu lieu à Hanoï (Vietnam) en septembre dernier et le prochain cycle de pourparlers est prévu en Chine en 2015.
"L'initiative de la Chine a été bien accueillie par les nations de l'ASEAN, qui apprécient également la détermination et la sincérité de Beijing à faire progresser ses relations avec l'ASEAN", a commenté M.Gong.
A l'avenir, les investissements dans les deux sens, de grands projets d'infrastructures, de commerce électronique et de transaction transfrontalières en RMB devraient jouer un rôle plus important dans les relations économiques entre la Chine et l'ASEAN.
Chen Zhou, directeur du département des Affaires asiatiques au ministère chinois du Commerce, a indiqué que le modèle commercial de la Chine pour l'ASEAN a évolué pour passer de l'exportation de produits à la création d'installations pour la production industrielle, de centres pour la recherche et le développement et de réseaux commerciaux.
"Cette évolution pourrait avoir d'excellentes implications commerciales, car elle se produit à un moment où les deux camps ont envie de se diversifier et d'ajuster leur structure industrielle pour les exportations", a-t-il analysé.
Le total des investissements entre la Chine et les pays de l'ASEAN ont atteint 123,1 milliards de dollars à la fin du mois de septembre et les deux camps désirent gonfler ce chiffre jusqu'à 150 milliards de dollars d'ici à 2020.
En octobre, 21 pays d'Asie, dont neuf membres de l'ASEAN, ont créé la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII) à Beijing dans l'optique d'accélérer la création d'infrastructures dans les domaines de l'énergie, de l'électricité, des transports, des télécommunications, du développement de l'agriculture et du du développement urbain.
"Les pays de l'ASEAN veulent utiliser les investissements chinois pour améliorer leurs infrastructures, ce qui consolidera certainement les liens économiques entre les deux camps", a expliqué Xiao Wunan, vice-président exécutif de l'Asia Pacific Exchange & Cooperation Foundation.
Il estime qu'en améliorant le système d'infrastructures, notamment en construisant un réseau ferré à grande vitesse et des réseaux électriques et de télécoms, cela accéléra le transfert de technologies et stimulera les exportations de biens et la mobilité de la main d'œuvre qualifiée dans la région.
UN NOUVEL ELAN POUR LA COOPERATION GAGNANT-GAGNANT
La Chine tente d'injecter une nouvelle vigueur dans une ancienne route maritime pour promouvoir les liens économiques avec les pays de l'ASEAN depuis octobre 2013, lorsque le président chinois Xi Jinping a proposé l'idée de la Route de la soie du 21e siècle lors d'une visite en Indonésie.
Selon des analystes, ressusciter l'ancienne route maritime devrait donner un nouvel élan et revigorer la coopération entre la Chine et l'ASEAN en s'appuyant sur le développement et la prospérité de part et d'autre.
"L'initiative de la Route de la soie maritime aura un énorme et profond impact sur les relations entre la Chine et les pays de l'ASEAN", estime le professeur Mi de l'Université des études étrangères de Beijing.
En améliorant sa coopération avec le groupe de pays d'Asie du Sud-Est, la Chine cherche également à aboutir par la négociation à des solutions aux différends maritimes avec les pays de l'ASEAN concernés.
Selon le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, la China prône une double approche pour la résolution des différends en mer de Chine méridionale.
Cette double approche comprend le règlement pacifique de ces différends par le biais de la négociation directe entre les pays concernés et le maintien de la paix et de la stabilité en mer de Chine méridionale au travers des efforts concertés de la Chine et des pays de l'ASEAN.
"Les différends sont inévitables dans les relations entre la Chine et l'ASEAN, mais les deux camps verront leur coopération économique se développer de façon plus profonde et plus pragmatique", analyse M. Xiao, de l'Asia Pacific Exchange & Cooperation Foundation.
En octobre dernier, la Chine et le Vietnam ont convenu de traiter et contrôler de manière appropriée leurs différends après que des navires vietnamiens ont illégalement perturbé les activités de forage d'une entreprise chinoise en mai dernier près des îles Xisha en mer de Chine méridionale.
"Le problème de la mer de Chine méridionale est épineux mais je pense qu'il ne perturbera pas les flux commerciaux avec les autres pays et régions", estime pour sa part le professeur Kaewkamol de l'Université technologique de Nanyang.
La Chine et les pays de l'ASEAN, qui partagent un destin et des intérêts communs, ne peuvent que renforcer davantage leur partenariat stratégique de coopération pour les dix ans à venir.