Ce n'est un secret pour personne, la Chine possède un patrimoine culturel exceptionnel, essentiellement du fait de son histoire plusieurs fois millénaire. Et il est bien rare qu'il s'écoule une semaine sans que l'on annonce une nouvelle découverte archéologique, qui fait immédiatement l'objet de fouilles extrêmement soignées et d'efforts de conservation qui ne le sont pas moins. Rien de plus normal me direz-vous, mais le problème est que souvent, bien trop souvent hélas, la Chine ne met pas autant de soin à protéger son patrimoine qui est la, tous les jours sous nos yeux, sauf a ce que ce patrimoine soit un monument important, par sa taille, par son histoire ou pour ce qu'il représente. Et c'est ainsi que depuis des années, ce sont des pans entiers de son histoire qui disparaissent pour laisser place a des centres commerciaux toujours plus clinquants ou a des tours toujours plus hautes, prétendus symboles de modernité et de la puissance retrouvée de ce pays. Personne n'ignore ainsi le triste destin de la plus grande partie des hutong de Beijing ou, plus anciennement, de l'enceinte qui entourait la ville. On pouvait comprendre que, il y a cinquante ans, la Chine avait d'autres priorités que de s'occuper de ce genre de patrimoine. Mais le fait que ca continue aujourd'hui, alors qu'on a les moyens de le protéger est, n'hésitons pas a le dire, un scandale. C'est également se montrer irresponsable envers l'histoire et les générations actuelles et futures.
Aussi peut-on citer en exemple la ville de Haikou, capitale de la Province de Hainan, qui a décidé il y a quelques années de sauver ce qui peut encore l'être de son patrimoine urbain ancien, la vieille ville. La vieille ville de Haikou est composée en grande partie de petites rues tortueuses et étroites qui fourmillent de maisons a deux étages plus un rez-de-chaussée, de style que l'on qualifie volontiers en Occident de "colonial', mais qu'on appelle si joliment ici des maisons "à cheval à la française", un genre de construction qu'on voyait autrefois fréquemment dans les villes du Sud en contact avec l'étranger, comme Shanghai, Guangzhou et tant d'autres. Pourquoi les appelle t-on a cheval ? Tout simplement parce que le rez-de-chaussée était réservé au commerce, et les deux étages supérieurs a l'habitation, donc des bâtiments mixtes, a cheval sur l'une et l'autre activité. Longtemps négligées, beaucoup sont tombées en ruine ou ont été détruites sans que beaucoup de monde ne dise rien. La ville de Haikou, elle, a vu les choses différemment, et a commence à protéger ce patrimoine qui fait partie de son histoire. Cela demandera du temps, du travail, mais il est évident que cela en vaut la peine. Le plus bel exemple en est la rue Zhongshan, qui a été entièrement réhabilitée et restaurée, et interdite aux voitures. A cote des rues adjacentes, qui attendent de l'être, le contraste est saisissant, et on peut le dire sans ambages, c'est une réussite totale, d'autant plus que cette rue la n'a pas été transformée en musée, elle continue a vivre, les rez-de-chaussée étant occupes par des commerces les plus divers. Autrement dit a des années-lumière des fausses rues de style Qing qui fourmillent un peu partout, ou de la caricaturale nouvelle rue Qianmen de Beijing. On ne peut qu'engager les amoureux de l'histoire et du patrimoine a visiter cette rue et le quartier ; nombre de villes pourraient utilement en tirer des leçons, plutôt que de détruire leur patrimoine tout en reconstruisant de fausses rues a l'ancienne. Ce que fait Haikou est un exemple réjouissant et encourageant. Souhaitons que cela continue et en inspire d'autres !