Christine Cayol aime la vie à la pékinoise. Elle habite dans une maison à cour carrée typique, porte des robes traditionnelles qipao et se déplace en tricycle électrique dans les rues de la capitale chinoise. Cette Française, qui est à la fois philosophe, écrivaine, critique d'art et entrepreneuse, a récemment reçu les insignes de la Légion d'honneur des mains de l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin pour son importante contribution aux échanges culturels sino-français, lors d'une cérémonie organisée dimanche dernier à l'ambassade de France.
Mme Cayol est arrivée en Chine il y a dix ans pour accompagner son mari à Beijing. Ce pays était pour elle lointain, inconnu et effrayant. Elle est aujourd'hui habituée à entendre ses voisins l'appeler par son nom chinois, Jiayue, ainsi qu'aux regards curieux qu'elle attire lorsqu'elle circule dans la rue sur son tricycle électrique.
"C'est plus élégant de sortir en tricycle qu'en Porsche Cayenne", explique-t-elle, ajoutant que ce mode de déplacement est beaucoup plus pratique et ne pollue pas.
A ses yeux, Beijing est une ville pleine de contrastes. "Merci à Pékin, qui, malgré la pollution, me permet de trouver dans ma vie une autre respiration", a-t-elle déclaré.
En 2012, elle a publié le livre "A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa ?", un essai co-écrit avec Wu Hongmiao, professeur à l'Université de Wuhan. Elle espère aussi écrire un livre sur sa vie en Chine. Pour l'heure, elle prépare à Yishu 8 une exposition intitulée "Le Thé et le vin", qui sera inaugurée l'année prochaine pour célébrer le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France à travers un dialogue entre les cultures de ces deux boissons.
Yishu 8 est une maison des arts qu'elle a fondée en 2009 à Beijing. Cet endroit, qu'elle considère comme son enfant, est un établissement culturel reconnu publiquement par l'Etat français, mais existe grâce à des sponsors privés.
Installée de 2009 à 2011 dans le quartier de Guomao, Yishu 8 renaît aujourd'hui sur le site de l'ancienne Université franco-chinoise créée en 1920. Cette institution fut "au coeur des échanges culturels franco-chinois", d'après son ancien recteur Li Shuhua.
Bien que située dans le coeur de la capitale chinoise, Yishu 8 est un lieu préservé et calme, loin du tumulte de la ville. La modernité et l'élégance de sa nouvelle décoration sont en harmonie avec le charme spécial de ce bâtiment historique. Cet endroit est aujourd'hui un lieu unique suscitant le dialogue entre les cultures chinoise et européenne à travers différentes activités, comme des expositions, des séminaires et des concerts.
Il s'agit d'un rêve de longue date de sa fondatrice, celui d'une maison ouverte et chaleureuse dans laquelle les artistes, mais aussi toutes sortes de gens, se sentiraient chez eux. Une maison pour créer et transmettre. Les seuls éléments absents de ce rêve étaient les colonnes rouges et les avant-toits relevés.
Il y a trois ans, pour créer des liens artistiques entre la France et la Chine, Christine Cayol a fondé à Paris l'association Yishu 8 dont le but est de sélectionner et de financer de jeunes artistes chinois et français pour un séjour de trois mois dans cette maison des arts et pour mettre sur pied une exposition des oeuvres créées durant ce séjour. Elle envisage aussi d'envoyer des artistes chinois à Paris afin qu'ils s'y inspirent de la culture et de l'art français.
D'après Mme Cayol, il faut que les relations commerciales, financières et politiques soient contrebalancées par les relations culturelles et artistiques. Ce qui construit le monde, ce ne sont pas les contrats, ce sont des personnes qui se font confiance et partagent une même vision. Les relations culturelles permettent de mieux se comprendre.
Le développement des échanges culturels qu'elle a constaté au cours de ces dix années en Chine est, selon elle, très intéressant.
D'après Mme Cayol, il y a de plus en plus de curiosité réciproque. Ce qui est formidable, explique-t-elle, c'est qu'il y a dix ans, peu de Français apprenaient le chinois, alors qu'aujourd'hui, tout le monde veut apprendre cette langue. Ses deux fils jumeaux étudient eux aussi l'écriture chinoise.
Bien que le coeur de son travail et de sa vie se trouve désormais en Chine, elle ne se considère pas comme une expatriée et rentre une fois par mois en France. "Si l'on fait des ponts entre la France et la Chine, il faut soi-même être sur le pont". L'année dernière, elle a été nommée membre du conseil d'administration du musée Rodin, à Paris.
"Et, lorsqu'en France, on me demande, 'combien de temps comptes-tu rester encore à Pékin ?', je réponds, 'aussi longtemps qu'en France'. On ne choisit pas entre ses deux poumons", a-t-elle conclu dans son discours, lors de la cérémonie de remise des insignes de la Légion d'honneur.