Par Grégory LEMONNIER
J’ai voyagé en Chine il y a quelques années dans plusieurs villes de la partie sud du pays. Je pense que la ville qui m’a semblée la plus emblématique est Xi’an, l’ancienne capitale centrale. En effet, à mon arrivée à Shanghai, au moment de l’exposition universelle, je n’ai pas eu l’immédiate impression d’être dans une grande ville spécifiquement chinoise. La modernité des infrastructures, du métro, des gratte-ciels m’a beaucoup rappelé Tokyo ou d’autres grandes mégalopoles asiatiques ultra modernes. A Xi’an en revanche, je me suis véritablement senti en Chine, avec ce sentiment de découvrir un territoire vraiment différent, visiblement ancré dans une longue tradition, malgré la transition plutôt réussie, à mon sens, vers une grande cité chinoise.
A Xi’an, j’ai eu le sentiment de rencontrer l’identité profonde de la Chine. Il s’agit d’une ville touristique, mais la densité de touristes chinois, étourdissante du côté de la gare routière centrale, éclipse largement la présence des quelques occidentaux croisés ici et là. J’ai eu le sentiment que les Chinois y viennent en nombre découvrir leur histoire, et sont fiers de contempler dans cette cité et le tombeau de l’Empereur Qin les vestiges de la grandeur passée de cette ancienne capitale. La muraille séculaire encadrant l’ancien centre et cernant actuellement le marché ancien et touristique ainsi que certains temples, marque l’identité de la cité de manière incroyable. Ses dimensions et la possibilité de la parcourir intégralement, y compris à vélo tant sa largeur est confortable, tout en dominant la cité ancienne, du côté intérieur, et la cité moderne, vers l’extérieur, offrent le sentiment d’une structure très ancienne et cependant si imposante que les grands bâtiments plus modernes de la périphérie ne peuvent en diminuer la stature. Au crépuscule, les lampions éclairant de loin en loin les tours de guet donnent l’impression de se balader entre deux temporalités.
J’ai beaucoup apprécié également la sobriété de la modernisation commerciale de la cité, offrant de longues galeries marchandes souterraines, qui ne dénaturent pas les cloches ancestrales maintenues en place à la surface, vestiges conservées de la vieille ville. Je ne suis pas particulièrement adepte des babioles que l’on trouve en nombre dans les quartiers marchands touristiques, mais celui-ci, dans son cadre typique au sein du vieux quartier central, avec ses échoppes de peintures chinoises et de calligraphie, ses silhouettes découpées en dentelle des anciens rois, ses spectacles de marionnettes parvient à entretenir une atmosphère chaleureuse au moins en partie authentique. J’y ai été frappé par la présence de la très ancienne population musulmane qui cependant apparait comme typiquement chinoise.
Plus au sud, dans un quartier moins densément fréquenté, la ville comporte d’autres attraits. Outre le musée national particulièrement riche, je retiendrai la grande pagode de l’oie sauvage, dominant la partie méridionale de la cité. Sa majesté, tout en sobriété, est frappante, tout comme son jardin serein emprunt de spiritualité bouddhique, mais ce qu’il y a d’appréciable par ailleurs est l’harmonie de l’ensemble de la zone dans laquelle elle se situe. La vaste place dégagée où les jeunes recrues de l’armée font leurs manœuvres, les jets d’eau où s’amusent les enfants dans la chaleur étouffante de l’été, les espaces boisés aux alentours, tout cela contribue à la respiration de la cité. Il s’agit pour moi d’un espace touristique réussi, car la population locale peut parfaitement profiter de l’aménagement du cadre.
Au-delà, on peut observer l’inéluctable extension urbaine ; d’immenses bâtiments sortent de terre, les grands axes de circulation semblent se poursuivre à l’infini. Car Xi’an demeure une des plus grandes villes du pays, et continue de s’étendre. A l’image du pays, son développement est vertigineux et non dépourvu d’une certaine impression de chaos, de poussière et de pollution. Mais à la différence des autres grandes villes que j’ai pu visiter, comme Shanghai et Chengdu, Xi’an a su conserver son âme ancestrale et certains espaces particulièrement harmonieux, contrebalançant le caractère parfois oppressant du développement à marche forcé de l’urbanisme chinois.
L’urbanisme de Xi’an m’est apparu comme un bon modèle à suivre dans la mesure où la synthèse entre tradition et modernité semble y fonctionner. La visite de cette ville m’a donné envie d’en découvrir d’autres où le développement urbain accéléré n’a pas gommé l’identité culturelle des lieux. Je souhaite sincèrement que les efforts nécessaires seront faits dans les prochaines pour assainir l’air et réduire les formes majeures de pollution en Chine. Sans ces obstacles conséquents, qu’il ferait bon visiter ce pays sans appréhension !