Une exposition spéciale s'est inaugurée le 20 juillet à Lanzhou, capitale de la province chinoise du Gansu (nord-ouest), avec la présentation de 32 plaques d'or d'ancêtres de l'empereur Qin Shi Huang restituées cette année par la France.
L'ambassadeur de France en Chine, Maurice Gourdault-Montagne, a assisté à la cérémonie de remise de ces trésors. La France et la Chine accordent une importance particulière au patrimoine et à la culture. La culture est le socle de nos relations, a-t-il indiqué.
Les archéologues chinois attendaient ce retour depuis dix ans.
PILLAGE DES TOMBES D'ANCETRES DE L'EMPEREUR QIN
A la fin des années 1980, des paysans du district de Li, dans le sud-est du Gansu, ont retrouvé des objets antiques en bronze alors qu'ils cherchaient du longgu, un ingrédient utilisé dans la médecine traditionnelle chinoise.
Cette nouvelle s'est répandue de village en village à travers le district, attirant l'attention de pilleurs professionnels de tombes anciennes.
Entre 1990 et 1993, la colline Dabuzishan, à 13 km du district de Li, a été envahie par une foule de paysans, pilleurs de tombes et vendeurs d'antiquités et jonchée de trous, rappelle Wang Hui, directeur de l'Institut d'archéologie du Gansu.
Selon une enquête locale, au moins 2.500 personnes ont été impliquées dans le pillage collectif des tombeaux à Dabuzishan.
"Un paysan a avoué à la police avoir vendu un sceau de commandant en forme de tigre pour 170.000 yuans, une fortune à cette époque", indique M. Wang, ajoutant que ce sceau précieux n'a jamais refait surface depuis le pillage.
Ces fouilles ont engendré une lourde perte pour le patrimoine chinois. Paradoxalement, elles ont néanmoins permis de révéler l'identité des occupants de ces tombeaux, à savoir des ancêtres de l'empereur Qin Shi Huang (259-210 av. J.-C.). Ce dernier a unifié la Chine en écrasant six grands royaumes, érigeant le premier empire de l'histoire chinoise.
ANCETRES MYSTERIEUX
Longtemps, le fief du royaume Qin naissant a été un mythe pour les archéologues chinois. Dans l'antiquité, le district de Li s'appelait Xichui, ou Xiquanqiu. Ce nom correspondait à la tenure des Qin inscrite dans les livres d'histoire, alors que l'emplacement exact de la ville des Qin restait inconnue.
La découverte des trésors de Dabuzishan, notamment de plusieurs "ding", vases à trois pieds munis de deux anses utilisés pour les offrandes et les sacrifices, a prouvé que c'était sur cette colline que les Qin avaient érigé leur base pour régner sur la Chine 300 ans plus tard.
Eleveurs de chevaux pour les Zhou, les Qin sont devenus de petits seigneurs avant de recevoir officiellement un territoire féodal de la part du régime Zhou.
Les tombeaux de Dabuzishan datent de la période des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.).
Les 32 plaques d'or restituées par la France sont, selon les estimations d'archéologues chinois, des ornements de cercueils ou des objets décorant la tête de chevaux de combat sacrifiés.
Ces chefs-d'oeuvre signifient que les occupants de ces tombeaux étaient des aristocrates.
L'utilisation de l'or reflète par ailleurs l'influence de nomades de la steppe eurasienne.
Dabuzishan était un point sur un axe reliant la Chine à l'Occident, à proximité des Xi Rong, nomades barbares ayant envahi les Zhou.
Pour les experts, les objets retrouvés dans les tombeaux prouvent l'existence du commerce sino-occidental avant la fameuse Route de la soie de la dynastie Han (202 av. J.-C. - 220 apr. J.-C.).
DIX ANS D'ATTENTE
Depuis 1994, des trésors perdus de ces tombeaux ont émergé dans des musées publics ou dans les mains de particuliers aux quatre coins du monde, notamment en France.
Han Wei, archéologue de la province du Shaanxi et spécialiste de la culture des Qin, a découvert 32 ornements en or et d'autres objets prestigieux de Dabuzishan chez un antiquaire français.
A la suite d'une étude systématique des trésors de Dabuzishan lancée en 2005, l'Administration nationale du patrimoine de Chine (ANP) a commencé la même année à écrire aux musées étrangers possédant des antiquités de Dabuzishan, dont le musée Guimet de Paris, pour leur demander de les restituer.
En 2010, le vice-directeur de l'ANP Song Xinchao a croisé l'ancien président français Jacques Chirac lors d'une réunion du Conseil international des musées. Il a invité M. Chirac, grand amateur de cultures orientales, à aider à faciliter la restitution des 32 objets en or.
La Chine et la France ont maintenu ces dernières années des contacts à ce sujet.
A l'occasion du 50e anniversaire de l'établissement des relations sino-françaises en 2014, les deux pays ont forgé une équipe mixte d'enquête pour confirmer si ces collections du musée Guimet venaient de Dabuzishan.
"Les deux parties ont même analysé la composition chimique de ces objets et l'ont comparée à celle des ornements en or retrouvés par les archéologues chinois sur place", explique Song Xinchao.
Grâce à ces efforts et à la bonne volonté des deux pays, le gouvernement français ayant notamment annulé retroactivement les dons au musée Guimet de François Pinault (quatre pièces) et de Christian Deydier (28 pièces), ces objets ont pu être rendus à la Chine.
Wang Hui note toutefois que ce n'est que le début du processus de récupération des trésors de Dabuzishan dispersés entre autres aux Etats-Unis, au Japon, en Belgique et à Taiwan.
L'exposition au musée du Gansu se déroulera du 20 juillet au 31 octobre. Elle sera ouverte gratuitement au public.