Dernière mise à jour à 09h15 le 19/10
"L'opéra passe avant tout" est une phrase répétée depuis des siècles à Binzhou, dans la province chinoise du Shandong (est).
L'opéra régional Yugu a été classé sur la liste du patrimoine culturel immatériel de la Chine. En chinois, le terme Yugu désigne une sorte de tambour en bambou de forme allongée. On le porte croisé à l'épaule et on le bat à deux mains.
Au 18e siècle, un groupe de pêcheurs du village de Huying, dans le bourg de Fuguo de Binzhou, a créé l'opéra Yugu, chantant la vie quotidienne des villageois. Ces chants accompagnés au tambour sont par la suite devenus un opéra local populaire. On l'entendait pendant les grandes fêtes traditionnelles comme les foires du temple et le Nouvel An chinois. Les habitants des environs arrêtaient les travaux agricoles pour venir assister aux spectacles quand des opéras étaient présentés dans un village.
Du fait des aléas historiques et de l'évolution des mentalités, l'opéra Yugu a été menacé d'extinction, et seules quelques personnes âgées considérant l'opéra comme un loisir chantaient chez elles.
Pour remédier à cette situation, le département culturel de Zhanhua a rendu visite à des artistes âgés et a collecté de nombreuses paroles, partitions et mélodies. Celles-ci ont ensuite été enregistrées sous forme vidéo comme documents d'archives, a déclaré Li Baoyu, chef du département de l'information de l'arrondissement de Zhanhua, dans une interview accordée à Xinhua.
Une troupe d'opéra Yugu a également été formée à Zhanhua. S'inspirant du quotidien dans les campagnes, des artistes ont mis en scène des pièces intitulées par exemple "Sous le jujubier d'hiver" et "Sérénade des jujubes d'hiver", qui ont remporté le prix théâtral national. Zhanhua est connu pour sa production de jujubes ronds qui mûrissent et sont récoltés normalement à la mi-octobre. L'opéra et les jujubes sont devenus emblématiques de la région.
Au marché du centre-ville de Zhanhua, un garçon d'une dizaine d'années chante l'opéra avec des comédiens adultes. "J'emmène mon petit-fils le week-end ou durant ses vacances pour jouer avec nous", explique son grand-père. Il n'attend pas qu'il devienne comédien professionnel, mais former l'intérêt des enfants pour l'opéra régional est nécessaire afin de le transmettre de génération en génération et d'éviter sa disparition.
Zhanhua fut dans l'histoire le centre de l'ancienne base révolutionnaire de la baie de la mer de Bohai et aussi un lieu de soutien à l'époque de la guerre contre le Japon, dans les années 1930. Cette région possède divers spectacles populaires, tels que des contes, des dialogues comiques et des récitations rythmées, souvent accompagnés au tambour.
Une école au siège de l'ancienne cité regroupe tous les jours des spectateurs pour écouter "le grand tambour de Bohai", une suite de contes racontés et chantés, accompagnés avec un petit tambour et un sanxian, un type de luth à trois cordes. Les gens se réunissent en particulier pour voir Lan Zunxia, célèbre comédien de 80 ans. Malgré son âge, il donne avec enthousiasme et plaisir son superbe spectacle, chantant l'histoire de la Chine antique, de l'armée rouge, de la fondation de la Chine nouvelle, de la réforme et de la nouvelle ère de la Chine. Ce conte chanté bien rythmé permet de saisir en trois minutes les 5.000 ans d'histoire de la Chine.
L'opéra Yugu, un conte chanté populaire du village au départ, puis un gagne-pain pour les pêcheurs pauvres, a connu différents stades de disparition avant de faire finalement partie du patrimoine culturel immatériel du pays. Le charme de cet opéra ainsi que de la culture de Binzhou attire également les regards internationaux.
Il y a quelques années, le Français Stanislas d'Eyrames est venu enseigner à l'Université de Binzhou. Témoignant d'une forte passion envers la culture de Sun Tzu, un stratège militaire et philosophe, l'opéra Yugu et les jujubes, il a contribué à faire jumeler Binzhou à Saverne, ville de l'est de la France.
Stanislas d'Eyrames, directeur de l'Académie des vins de Landersheim, un petit village entre Strasbourg et Saverne, se rend souvent en Chine pour revoir Binzhou, où il a travaillé et vécu.