L'Année 2014 aura été une année mouvementée. L'économie mondiale a été confrontée à une croissance chancelante dans la zone euro, à une chute des prix du pétrole et à l'intensification des tensions géopolitiques qui ont entravé de manière imprévue la reprise mondiale.
Au début de l'année, les économistes s'attendaient à un décollage lent mais net. Or, les statistiques du premier semestre de l'année ont suggéré que la reprise n'était pas garantie. En octobre, le Fonds monétaire international (FMI) a jugé la reprise "décevante", car fragile, inégale, et pleine de risques.
POURSUITE INEGALE DE LA REPRISE
Dans son rapport sur les perspectives de l'économie mondiale publié en octobre, le FMI a déclaré que la reprise mondiale avait été plus lente que prévu au cours des dernières années. Citant les menaces liées aux répercussions de la crise financière et à la baisse potentielle des taux de croissance à moyen terme, l'institution a révisé à la baisse les prévisions de croissance mondiale à 3,3 % en 2014 et 3,8% en 2015.
Cependant, la Chine et les Etats-Unis se sont démarqués dans l'économie mondiale morose en contribuant à une part importante de la croissance mondiale.
Selon le vice-ministre chinois des Finances Zhu Guangyao, la contribution de la Chine au PIB mondial serait de 27,8% en 2014 et la part des Etats-Unis dans celui-ci serait de 15,3% selon les estimations du FMI.
Le taux de croissance de la Chine de plus de 7% cette année a donné un élan considérable à la demande globale, a déclaré Uri Dadush, chercheur de la fondation Carnegie Endowment for International Peace et ancien responsable de la Banque mondiale.
Le FMI prévoit que la croissance de la Chine sera de 7,4% cette année et de 7,1% en 2015.
Nathan Sheets, sous-secrétaire au Trésor américain pour les affaires internationales, a déclaré que l'économie chinoise devrait poursuivre une croissance modérée dans les années à venir, étant donné son basculement d'un modèle fondé sur les exportations et les investissements à un modèle reposant sur la consommation privée et la demande des ménages.
L'économie américaine rayonne parmi les économies avancées en 2014. Le marché du travail américain a continué à progresser, et dès novembre, les Etats-Unis avaient créé plus d'emplois en 2014 qu'au cours de n'importe quelle autre année depuis la fin des années 1990.
La consommation personnelle reste solide et les prévisions d'inflation stables. Compte tenu de ces bons résultats, la Réserve fédérale américaine a mis fin au programme d'achat d'actifs en octobre, ce qui signifie un pas de plus vers la normalisation de la politique monétaire.
Le FMI prévoit une croissance de l'économie américaine de 2,2% en 2014 et une accélération à 3,1% en 2015.
Selon M. Dadush, de nombreux facteurs propulseront l'économie mondiale vers l'avant en 2015, parmi lesquels la croissance rapide et continue d'une grande partie du monde en développement, notamment de la Chine, de l'Inde et de l'Indonésie, la reprise aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'assouplissement des politiques monétaires, la réduction des coupes budgétaires gouvernementales et la chute des prix du pétrole.
"Ces moteurs sont assez puissants pour nous tenir durablement à distance d'une nouvelle récession mondiale", a déclaré M. Dadush.
INCERTITUDES A VENIR
Bien que l'économie mondiale poursuivra sa reprise l'année prochaine, la voie restera fragile et semée d'obstacles. Selon le FMI, les risques pour la reprise mondiale ont plusieurs origines : l'accroissement des tensions géopolitiques, les chocs provenant des marchés financiers et les déceptions macroéconomiques dans des pays ou régions revêtant une importance systémique.
La plupart des facteurs, telles que les failles structurelles de la zone euro qui ont pesé sur la croissance du PIB mondial en 2014, subsisteront dans les deux années à venir, a indiqué Marie Diron, vice-présidente de Moody's.
Le FMI a également averti que les grandes économies avancées, en particulier la zone euro et le Japon, pourraient faire face à une période prolongée de faible croissance qui pourrait se transformer en une phase de stagnation à l'impact encore plus négatif sur la croissance potentielle.
Malgré des conditions de financement favorables, la zone euro a encore un long chemin à parcourir pour sortir de sa crise de la dette, et sa reprise économique a pris fin à la mi-2014 avec une inflation en dessous de l'objectif de la Banque centrale européenne (BCE) et un taux de ch?mage presque record.
De nombreux économistes et institutions ne s'attendent pas à un rebond significatif de la croissance du PIB à court terme.
Selon les dernières prévisions de Moody's, l'économie de la région devrait cro?tre de 0,9% en 2015 et de 1,3% en 2016 après une croissance de 0,7%, inférieure aux prévisions, en 2014.
Les décideurs européens ont pris des mesures pour soutenir la demande et repousser les risques d'une faible inflation persistante, par exemple avec l'annonce par la BCE d'importants achats d'actifs privés. Néanmoins, un grand nombre d'économistes considèrent que la zone euro devrait faire plus.
Selon les économistes de l'Institut Peterson pour l'économie internationale (PIIE), les politiques monétaires et budgétaires dans la zone doivent être plus activement assorties de réformes structurelles d'amélioration de la productivité, comme la déréglementation et l'approfondissement du marché unique, pour remettre la zone euro sur la voie de la croissance et de la stabilité des prix.
Le Japon est aussi au centre des préoccupations. Au Japon, la reprise de la consommation privée a été plus lente que prévu et l'élan sous-jacent pour les investissements privés est faible.
Le FMI prévoit une croissance de l'économie japonaise de 0,9% cette année et de 0,8% l'année prochaine.
RISQUES POSES PAR LA DIVERGENCE DES POLITIQUES
Outre les risques d'une stagnation possible au Japon et dans la zone euro, une incertitude économique clé de l'année prochaine sera liée à la divergence des politiques monétaires des économies avancées.
Si la Réserve fédérale américaine devrait relever ses taux d'intérêt à un moment donné en 2015, la zone euro et le Japon continueront toutefois de mener des politiques d'assouplissement monétaire pour soutenir la demande faible.
Les investisseurs suivent de près les évolutions futures de l'inflation américaine et de la croissance économique européenne, a déclaré Standard & Poor's. L'évolution de l'inflation des prix à la consommation aux Etats-Unis dictera le calendrier et le degré de la hausse du taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine, tandis que le risque de récession en Europe pourrait mettre en péril la reprise économique américaine et influencer également la Réserve fédérale américaine.
Selon Moody's, si les états-Unis resserrent leur politique monétaire, une correction des prix d'un large éventail d'actifs pourrait survenir, ce qui entra?nerait une augmentation forte et lourde de conséquences de la volatilité des marchés financiers, accro?trait les co?ts de financement à travers les marchés, limiterait les entrées de capitaux dans les marchés émergents et enfin freinerait la croissance économique.
Le vice-président de la Réserve fédérale américaine, William Dudley, a indiqué que la banque centrale américaine considérerait avec prudence la cadence du resserrement de la politique monétaire, qui dépendra non seulement des perspectives économiques, mais aussi de la réaction des marchés financiers lorsque la Réserve fédérale américaine commencera à retirer sa politique d'assouplissement monétaire.
La présidente de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, a déclaré lors d'une conférence de presse en décembre que la Réserve fédérale américaine avait estimé qu'il était peu probable que le processus de normalisation soit lancé d'ici aux deux prochaines réunions stratégiques. La prochaine réunion stratégique de la banque centrale est prévue les 27 et 28 janvier, tandis que la réunion suivante aura lieu les 17 et 18 mars.
POURSUITE DE LA BAISSE DES PRIX DU PETROLE
Le faible taux d'inflation a été une menace potentielle pour l'économie mondiale et la forte baisse récente des prix du pétrole pourrait peser sur l'inflation dans certains pays. Cependant, à la différence des scénarios précédents dans lesquels la chute des prix du pétrole reflétait la baisse de la demande et pesait lourdement sur les perspectives de croissance, la plupart des économistes et des régulateurs estiment que la baisse du cours du pétrole soutiendra la demande des importateurs nets de pétrole et stimulera la croissance mondiale.
Le FMI prévoit que la récente baisse sensible des prix du pétrole stimulera la croissance si elle se poursuit. Mme Yellen a indiqué que la chute du cours du pétrole n'exercerait qu'une pression à la baisse temporaire sur l'inflation américaine et stimulerait la demande des ménages, tout comme les réductions d'imp?t. La Banque du Japon minimise également les menaces potentielles à sa promesse de soutenir une inflation de 2% en accueillant au contraire favorablement l'impulsion ainsi donnée à la croissance.
David Stockton, chercheur de l'Institut Peterson pour l'économie internationale et ancien chef de la division de recherche économique de la Réserve fédérale américaine, a indiqué que la faible inflation était effectivement une préoccupation pour les grandes économies mondiales. Cependant, l'expert ne pense pas qu'il y aura un risque de déflation l'année prochaine, car une dynamique positive impulsée par la baisse des prix du pétrole élèvera progressivement le niveau des prix, mais à un rythme bien plus faible.
Selon Moody's, une croissance modérée de la demande de pétrole couplée à une augmentation constante de l'offre devrait maintenir l'année prochaine les prix du pétrole globalement stables aux niveaux faibles observés récemment. La baisse du cours du pétrole profitera à la plupart des économies du G20, qui sont pour la majorité des importatrices nettes de pétrole, mais aura un impact négatif sur la croissance des pays exportateurs nets de pétrole comme la Russie et, dans une moindre mesure, le Mexique.
En outre, le risque géopolitique est largement considéré comme susceptible de continuer de poser des difficultés à l'économie mondiale l'année prochaine. Toutefois, Standard & Poor's estime que l'impact de la plupart des tensions géopolitiques actuelles pourrait se limiter au niveau régional et ne déborderait que très rarement sur la scène mondiale pour se faire ressentir sur des économies lointaines.