Le Ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a récemment demandé à l'Union Européenne de mettre fin dès que possible à son embargo sur les armes vers la Syrie, afin de pouvoir fournir directement des armes à l'opposition syrienne, déclarant même que si l'Union Européenne ne donnait pas son accord sur ce point, les Français et les Britannique pourraient passer outre ensemble. Cette déclaration a immédiatement suscité l'émoi dans la communauté internationale et en France même.
À l'heure actuelle, grâce à la médiation active de l'Organisation des Nations Unies, de la Ligue arabe, ainsi que de certains grands pays, les deux parties au conflit en Syrie ont montré une volonté de négocier. Le gouvernement syrien a même annoncé pour la première fois qu'une délégation était prête à négocier avec l'opposition syrienne. A un moment aussi critique, la décision de la France et de la Grande-Bretagne d'aller contre la volonté du peuple syrien et de la communauté internationale, et de se dire prêtes à armer l'opposition syrienne ne peut que choquer et décevoir les gens épris de paix.
En seulement deux ans, la guerre civile en Syrie a entraîné la mort de 70 000 personnes, et le nombre des réfugiés a atteint plus d'un million. En France, en revanche, certains responsables se montrent indifférents face à ces chiffres choquants et vont jusqu'à penser qu'apparemment la guerre en Syrie n'est pas suffisamment violente, puisqu'ils se montrent prêts à alimenter le bûcher en versant de l'huile sur le feu. En France, cette approche est allé jusqu'à choquer même l'extrême-droite, qui juge cette idée complètement « folle ».
Certains hommes politiques français ont probablement cette logique : si les parties opposées en Syrie n'arrivent pas à s'asseoir autour d'une table et négocier, c'est parce que l'opposition armée est faible, et que l'armée régulière syrienne est trop forte. Donc, en fournissant des armes à l'opposition, on sera en mesure de modifier cet état de déséquilibre. Cette approche peut sembler être juste à première vue, mais en réalité elle est absurde. Si la Syrie connaît actuellement le chaos, c'est justement à cause de l'interférence des puissances occidentales. Ce n'est que si les puissances occidentales indiquent clairement qu'elles ne fourniront plus aucun appui à l'opposition syrienne qu'elles pourront la contraindre à s'asseoir à la table des négociations, afin que la crise syrienne trouve une solution définitive.
Les Etats-Unis sont eux-mêmes très réservés au sujet de la fourniture d'armes à l'opposition syrienne ; ils savent parfaitement que beaucoup de membres d'Al Qaïda se sont mêlés aux rebelles syriens. Une fois que ces gens auront mis la main sur des armes occidentales, les conséquences risquent fort d'être désastreuses. C'est pour les mêmes raisons que de nombreux pays de l'UE s'opposent à la levée de l'embargo sur les armes contre la Syrie. Le Ministre des Affaires Etrangères belge Didier Reynders a souligné que l'on ne peut pas lutter contre le djihad au Mali et donner des armes aux djihadistes en Syrie. On peut aisément imaginer que si jamais la proposition franco-britannique était appliquée, la situation en Syrie, non seulement ne pourrait se stabiliser, mais qu'elle deviendrait plus chaotique encore, et risquer de mettre le feu à toute la région du Moyen-Orient.
Il n'est pas exagéré de dire qu'Israël peut être considéré comme un pays majeur dans la région du Moyen-Orient. Et les États-Unis, dans l'élaboration de leur politique au Moyen-Orient, tiennent le plus grand compte de la sécurité et des intérêts d'Israël. Cependant, même Israël s'oppose également à toute intervention militaire occidentale en Syrie. Evidemment, Israël n'aime pas le régime de Bachar el Assad, mais à ses yeux, les extrémistes religieux et les forces terroristes sont encore plus effrayants. Si les extrémistes religieux prenaient le pouvoir en Syrie, ou qu'après la chute du régime syrien éclate une lutte armée entre diverses factions, la sécurité d'Israël serait grandement menacée. Et c'est ainsi qu'Israël a, à l'étonnement général, récemment proposé à la Ligue arabe d'envoyer des troupes de « maintien de la paix» en Syrie.
La récente proposition de la France n'est pas sans rappeler ce qu'elle fit en Lybie, quand elle livra des armes aux rebelles anti-gouvernementaux, leur permettant de prendre le dessus. Elle souhaite renouveler cette pratique, afin d'obtenir les mêmes effets. Toutefois, la situation en Syrie n'est pas du tout la même qu'en Libye. La position de la Syrie au Moyen-Orient et la complexité de la situation sont bien différentes de ce qu'était la Libye dominée par Kadhafi. Les autorités françaises seraient donc bien avisées d'éviter toute erreur de calcul sur ce sujet.
Auteur : Ren Yaqiu