Nous y voilà, après un vrai-faux suspense durant lequel on a essayé de nous faire croire qu'il pouvait être battu, alors que tous les experts et initiés savaient bien que cette hypothèse était peu probable, c'est un Barack Obama déjà blanchi sous le harnais qui a vaincu Mitt Romney, un concurrent bien pâle et trop souvent maladroit au look de représentant de commerce de province et qui, pour beaucoup, représentait tous les clichés les plus réactionnaires que nous offrent parfois les Etats-Unis. Nombre d'Américains sont favorables à ce genre d'idées, mais elles sont nettement moins bien accueillies à l'étranger, de sorte que Barack Obama y est sans aucun doute plus populaire que dans son propre pays ; ces élections eussent-elles été organisées en Chine ou en Europe, il aurait été élu avec une marge triomphale...
Barack Obama est donc réélu, fort bien. Et alors ? Alors, comme le disait la Reine Catherine de Médicis à son fils Henri III en 1588 après qu'il se fût débarrassé d'un rival dangereux, « C'est bien taillé mon fils, maintenant il faut coudre », autrement dit les difficultés commencent vraiment maintenant pour Barack Obama. On le voit souvent les manches retroussées, mais maintenant, il ne va plus pouvoir se contenter de seulement apparaître dans cette tenue, mais aussi de « mettre les mains dans le cambouis », et la tâche est immense. Peut-être -sans doute, même- est-ce maintenant que nous allons voir ce dont le président américain est capable ou non.
Car il faut bien reconnaître que les quatre années passées ont été plutôt décevantes ; peut-être attendait-on trop de la part du premier président noir des Etats-Unis, et le fait est que cette réélection n'a pas suscité l'enthousiasme de la première en 2008, même ici en Chine. Souvenons-nous des tee-shirts, sacs et autres babioles affichant le portrait de Barack Obama affublé d'un uniforme de l'époque du Président Mao au-dessus du célèbre slogan « au service du peuple »… depuis, les Chinois, comme tant d'autres, en sont revenus, mais ils se disent, comme tant d'autres, qu'à tout prendre, mieux vaut encore Barack Obama que Mitt Romney. Ou de deux maux, choisir le moindre... à la décharge du Président américain, il faut bien dire aussi que si ses quatre premières années ont pu être jugées comme moyennes, et en-dessous des espérances, c'est aussi en partie dû au système politique américain, qui fait qu'un président nouvellement élu ne peut presque jamais faire ce qu'il a promis lors de son premier mandat s'il ne veut pas bousculer l'électorat et être en mesure de briguer un second et dernier mandat. Maintenant, Barack Obama n'a plus ce souci, donc « wait and see »...
Les Chinois, disais-je à l'instant, se sont enthousiasmés un peu vite en 2008, se disant, un peu naïvement, qu'un président noir serait sans doute différent et que cette élection ouvrirait une nouvelle ère dans les relations sino-américaines et plus généralement pour les relations entre les Etats-Unis et le monde. Les quatre années qui se sont écoulées leur ont montré qu'il n'en n'était rien, et que même, au contraire, les Etats-Unis ont poursuivi leur politique de confrontation indirecte et d'encerclement de la Chine. Je me souviens d'avoir dit à l'époque à mes amis chinois de ne pas trop rêver ; Barack Obama est Américain avant d'être noir. Sa couleur de peau, au-delà du symbole qu'elle représente, n'est qu'un détail : il est un pur produit du système américain, enfant d'un pays qui, depuis son existence, ne s'est construit et agrandi que par la confrontation et la violence à l'encontre de ses voisins ou rivaux, intérieurs ou extérieurs. Les Etats-Unis sont certes une démocratie, mais il n'en reste pas moins que cette violence dans les manières et dans les paroles sont un fait, je n'en démordrai pas. C'est un pays qui, au-delà de ses qualités et de tout ce qu'il a apporté au monde, se croit depuis longtemps investi d'une mission quasi-divine, fait pour dominer le monde sans partage. Et tout pays qui oserait contester cette supériorité est un concurrent, et a vocation à devenir un ennemi potentiel. Certes, l'époque n'est plus à la politique de la canonnière, et les Etats-Unis hésitent maintenant de plus en plus à intervenir militairement ça ou là sous des prétextes parfois les plus contestables pour maintenir leurs intérêts ou en acquérir de nouveaux ; ils comptent de plus en plus sur leurs alliés locaux pour ce faire. On le voit clairement en Asie de l'Est, où, sous le premier mandat du Président Obama, les Etats-Unis ont poursuivi et même accentué leur politique d'encerclement et de confrontation indirecte avec la Chine, qui est justement leur plus grand rival dans le monde. Et il y a fort à parier que cet état de fait ne va pas changer avec la réélection de Barack Obama. Certes, les défis auxquels il doit faire face à l'intérieur de son pays sont immenses, et il va avoir fort à faire, ce qui pourrait l'amener à être plus modéré à l'extérieur, mais en tout état de cause, la méfiance et la vigilance s'imposent. Mais chacun sait aussi que la Chine et les Etats-Unis sont interdépendants, et que de leurs bonnes relations économiques et politiques dépendent, pour beaucoup, la paix et la bonne santé économique du monde.
Tout ce que nous pouvons donc faire, au-delà des félicitations d'usage qui s'imposent, est de souhaiter que les choses changent vraiment lors de ce second et dernier mandat du Président Obama. Pour le bien des Etats-Unis et du monde. Et si cela était vraiment le cas, alors oui, il mériterait vraiment l'enthousiasme qu'il a suscité il y a quatre ans, un enthousiasme qui depuis est retombé, mais qui n'a pas fait pour autant disparaître l'espoir, quand bien même il reste, comme je viens de le dire, teinté de méfiance et de vigilance.