A quelques jours des élections européennes, l'ancien président français Nicolas Sarkozy a livré jeudi dans une tribune publiée par le magazine Le Point son point de vue sur plusieurs grandes questions de politique européenne, allant du manque de leadership du couple franco-allemand à la réforme de la Commission.
"Avec le temps qui a passé, l'expérience est arrivée (...), je me suis progressivement ouvert aux réalités du monde et j'ai compris l'importance de l'appartenance au continent européen", écrit l'ancien président, à l'adresse des abstentionnistes et de ceux qui souhaiteraient voir la France sortir de l'Union européenne.
"Aujourd'hui, le débat européen se déroule dans un climat d'indifférence (...). Or, l'indifférence est suicidaire car en Europe se joue une partie substantielle de notre avenir", explique-t-il.
"Quant à l'hostilité, elle est profondément injuste au regard de ce que l'Union européenne nous a apporté de décisif pour la paix (...). Vouloir la destruction de l'Europe, c'est mettre en péril la paix sur le continent européen. Jamais, je ne pourrai l'accepter", ajoute l'ancien chef de l'Etat.
Sur le plan politique, M. Sarkozy prône notamment dans sa tribune un leadership franco-allemand pour l'Europe.
"Je le dis aux dirigeants français comme allemands : le leadership n'est pas un droit, c'est un devoir", écrit l'ancien président de la République. "Pour des raisons historiques et politiques, l'Allemagne, comme la France ne peuvent exercer seules ce leadership. (...) Qu'un des partenaires défaille et c'est tout l'équilibre qui est mis à bas", poursuit-il.
Pour M. Sarkozy, la coexistence de l'Union européenne et de l'Union monétaire fait qu'il existe non pas une mais bien deux Europes.
"Ayons la franchise de dire que le mythe d'une Europe unique a volé en éclats depuis l'adoption de l'euro par 18 pays sur 28. Il n'y a pas une Europe mais deux", estime-t-il, défendant la "création d'une grande zone économique franco-allemande cohérente et stable au cœur de la zone euro".
L'ancien chef de l'Etat aborde également dans sa tribune la question de l'espace Schengen, proposant une refonte de cet espace.
C'est une évidence qu'il faut suspendre immédiatement Schengen 1 et le remplacer par Schengen 2 auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration", propose-t-il.
"Nous ne pouvons plus continuer (...) à faire semblant de croire qu'il est encore possible d'accueillir ceux qui le souhaitent", poursuit M. Sarkozy.
Enfin, l'ancien locataire de l'Elysée défend une réforme de la Commission européenne, dénonçant "un labyrinthe administratif".
"L'Europe a fini par engendrer un labyrinthe administratif avec la Commission et ses services", ce qui est le "résultat, des centaines de directives sur les sujets les plus divers et souvent les plus futiles", estime-t-il.
"Il faut supprimer au moins la moitié des actuelles compétences communautaires", propose l'ex-chef de l'Etat, pour qui, la Commission ne "devrait plus avoir de compétences législatives puisqu'il y a un Parlement européen".
La tribune de M. Sarkozy n'a pas manqué de faire réagir plusieurs responsables politiques, à commencer par son ancien Premier ministre, François Fillon.
"C'est une tribune excellente, bienvenue dans une campagne difficile où, chacun le voit, les partis politiques, en particulier les grands partis, peinent à convaincre les électeurs d'aller voter", a déclaré jeudi matin sur i>Télé l'ancien chef du gouvernement.
"C'est une tribune qui, par ailleurs, est pour l'essentiel parfaitement conforme aux orientations qui sont celles de l'UMP, aux idées que je défends moi-même depuis des semaines et des semaines", a poursuivi M. Fillon.
De son côté, le secrétaire d'État aux Affaires européennes, Harlem Désir, a estimé "tout à fait normal que l'ancien président s'exprime, mais sa tribune dresse un bilan sévère de dix ans de politique de droite en Europe et de sa propre politique".
"Il dit que l'Europe nous protège des dérives idéologiques, des dépenses publiques sans frein, des déficits explosés, mais qui a explosé les déficits en France ? Qui a laissé s'accroître la dette si ce n'est lui ?", interroge-t-il.
Enfin, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a estimé pour sa part dans un communiqué que l'ancien président n'a jamais tenu ses promesses sur l'espace Schengen et qu'il a laissé "l'Europe devenir une passoire de plus en plus trouée".
"Durcir Schengen ? Nicolas Sarkozy a fait cette promesse quand il était ministre de l'Intérieur entre 2002 et 2007, puis pendant la campagne présidentielle de 2007, puis encore durant son quinquennat à plusieurs reprises, et enfin en 2012 pendant sa seconde campagne présidentielle. Il n'en a bien sûr jamais rien fait, laissant l'Europe devenir une passoire de plus en plus trouée et organisant vers la France une immigration aussi massive qu'avec le PS", a dénoncé Mme Le Pen.